Énoncé du Bureau de la concurrence concernant son enquête sur une politique d'exclusivité imposée par Turo

Énoncé de position

Voir le communiqué correspondant à cet énoncé de position

Le 18 mai 2022 – Gatineau (Québec) — Le commissaire de la concurrence a mené une enquête au sujet des effets sur la concurrence d’une politique d’exclusivité que Turo Inc. avait appliquée sur sa plateforme d’autopartage. Turo a depuis retiré cette politique au Canada, après avoir été informée des préoccupations du Bureau. Il s’agit donc d’une bonne nouvelle pour les acteurs du marché et pour la concurrence. Le présent énoncé résume l’enquête du Bureau en matière d’abus de position dominante, ses principales préoccupations ainsi que les récentes modifications introduites par Turo dans sa politique au Canada.

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Résumé

Turo gère une plateforme d’autopartage entre pairs exploitée à l’échelle internationale. L’enquête du Bureau concerne les effets possibles de l’ancienne politique d’exclusivité de Turo sur la concurrence au Canada, qui aurait été désavantageuse pour les hôtes actuels ou potentiels. Cette politique interdisait aux utilisateurs (appelés des « hôtes ») qui partageaient leurs véhicules de les proposer aussi sur les plateformes concurrentes en même temps qu’ils étaient affichés sur la plateforme de Turo. Lorsque le Bureau avait entamé son enquête à l’été 2021, les hôtes de tous les pays où Turo était établie étaient soumis à cette même politique.

Lorsque le Bureau a soulevé des préoccupations par rapport à la politique d’exclusivité, Turo a modifié ses conditions d’utilisation en décidant de ne plus appliquer cette politique au Canada. Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les acteurs du marché et pour la concurrence dans le domaine de l’autopartage. Le Bureau tient à souligner la coopération de Turo, qui a promptement modifié sa politique.

Malgré les mesures prises, le Bureau sait que Turo pourrait rétablir cette politique à l’avenir ou en introduire une autre semblable. Le Bureau continuera à surveiller cette industrie et à encourager le public à exprimer ses préoccupations à l’égard de comportements semblables que Turo ou tout autre acteur du marché pourraient avoir à tout moment.

Contexte

Les plateformes d’autopartage entre pairs permettent aux hôtes de partager leurs véhicules avec des utilisateurs (appelés « voyageurs ») désirant réserver un véhicule. Les hôtes peuvent être des personnes qui partagent leurs véhicules personnels ou des entreprises qui détiennent une flotte de voitures. En plus de mettre en relation les hôtes et les voyageurs, les plateformes d’autopartage entre pairs permettent aussi habituellement de faciliter l’obtention de couverture d’assurance pour les trajets. Pour réserver un voyage, les voyageurs recherchent des marques et des modèles précis de voitures qu’ils souhaitent réserver à l’aide de l’application mobile ou du site Web approprié.

Sur la plateforme de Turo, un tarif est suggéré à l’hôte, mais c’est à ce dernier que revient ultimement la décision du prix à afficher. Il en recevra ensuite un pourcentage en guise de rémunération. Turo facture des frais supplémentaires à l’hôte ou au voyageur en fonction des détails du trajet.

Turo s’est établie au Canada en 2016 et, au cours de l’enquête du Bureau, offrait ses services en Colombie-Britannique, en Alberta, en Ontario, au Québec et en Nouvelle-Écosse. Le 15 juillet 2019, l’entreprise a ajouté une politique d’exclusivité à ses conditions d’utilisation qui empêchait les hôtes de proposer leurs véhicules sur d’autres plateformes d’autopartage en même temps qu’ils étaient affichés sur la plateforme de Turo. La politique s’appliquait dans tous les pays où Turo avait des activités.

Le Bureau a enclenché une enquête conformément aux dispositions sur l’abus de position dominante de la Loi sur la concurrence après avoir pris connaissance des préoccupations du marché et collecté des informations préliminaires. Au cours de son enquête, le Bureau a communiqué avec un grand nombre d’acteurs du marché pour recueillir les informations, corroborer les allégations et effectuer son analyse.

Turo a cessé d’appliquer la politique d’exclusivité au Canada lorsque le Bureau a exprimé ses préoccupations et qu’il a avisé l’entreprise qu’une enquête avait été ouverte en vertu de la Loi. Depuis le 17 janvier 2022, les conditions d’utilisation ont été mises à jour par Turo et la politique d’exclusivité ne s’applique désormais plus au Canada. Turo a ensuite effectué des démarches auprès des anciens hôtes et des hôtes actuels pour les informer de ce changement.

Analyse

i. Position dominante

Turo est la plus grande plateforme d’autopartage entre pairs au Canada, réunissant plus de voyageurs et d’hôtes que toute autre plateforme de ce type. Au cours de son examen, le Bureau a constaté que bon nombre d’hôtes ont peu de possibilités de partager leurs véhicules personnels en dehors des plateformes d’autopartage entre pairs.

Les effets de réseau ont lieu lorsque la valeur que certains consommateurs tirent d’un produit est tributaire de l’utilisation du produit par les autres.

Les obstacles à l’entrée et à l’expansion comprennent l’obtention de couvertures d’assurance et les effets de réseau. Selon les informations recueillies, il apparaît que la mise en place d’une couverture d’assurance est difficile et demande beaucoup de temps lorsqu’il s’agit de lancer une plateforme d’autopartage entre pairs. Les exigences d’obtention d’une couverture et les options qui y sont associées varient aussi d’une province à l’autre.

Les effets de réseau sont également importants dans le domaine des plateformes d’autopartage entre pairs. En effet, la valeur de la plateforme augmente pour les hôtes lorsque plus de voyageurs consultent la plateforme pour réserver une voiture. La valeur est plus grande pour les voyageurs si plus d’hôtes sont présents, car cela offre un plus large éventail de possibilités pour répondre à leurs besoins.

La politique d’exclusivité de Turo a érigé davantage d’obstacles à l’entrée. Il était plus difficile pour les plateformes concurrentes ou pour tout nouvel acteur sur le marché d’attirer des hôtes et par conséquent des voyageurs, restreignant ainsi leur capacité à améliorer leur attractivité.

ii. Comportement anticoncurrentiel

Avant que ne soient modifiées les conditions d’utilisation, la politique d’exclusivité de Turo était en vigueur au Canada et publiquement énoncée sur son site Web. Cela signifie que les hôtes dont les véhicules étaient proposés à la fois sur la plateforme de Turo et sur toute autre plateforme concurrente se faisaient demander de se retirer de l’une ou l’autre des plateformes. Les hôtes qui n’accédaient pas à cette demande étaient sujets à des sanctions de la part de Turo, y compris le retrait du véhicule de sa plateforme. Le Bureau estime que la politique d’exclusivité de Turo constitue une pratique d’agissements anticoncurrentiels qui a entravé la capacité des concurrents actuels ou potentiels de pénétrer le marché ou d’accroître leurs activités.

iii. Empêchement ou diminution sensible de la concurrence

Selon les informations recueillies par le Bureau, il apparaît que la politique d’exclusivité de Turo a eu des répercussions sur le développement des autres plateformes et a entravé l’entrée de nouveaux acteurs. Le Bureau a aussi examiné les répercussions du comportement de Turo sur les prix, la qualité de service et l’innovation.

Les comportements anticoncurrentiels peuvent être particulièrement préjudiciables dans les marchés du numérique, qui changent et évoluent souvent et rapidement. C’est notamment le cas dans les marchés naissants comme celui des plateformes d’autopartage, où certains comportements peuvent faire obstacle au développement d’une concurrence solide de la part de nouveaux acteurs innovants qui aspirent à intégrer le marché. Le risque accru qu’un marché numérique naissant penche en faveur d’un seul grand concurrent peut amplifier les répercussions d’un tel comportement sur le marché. C’est pour cette raison que le Bureau a estimé qu’il était particulièrement important de recueillir rapidement des faits au cours d’une enquête préliminaire, d’ouvrir une enquête officielle et de transmettre ses préoccupations à Turo.

Conclusion

Le Bureau a accueilli favorablement les mesures prises par Turo, soit de retirer la politique d’exclusivité au Canada après avoir pris connaissance des préoccupations du Bureau. Le retrait de cette politique appuie la volonté de créer des conditions de concurrence saines parmi les plateformes d’autopartage entre pairs. Cependant, le Bureau est conscient que Turo pourrait rétablir cette politique ou mettre en place une politique semblable à tout moment à l’avenir. De ce fait, le Bureau continuera de surveiller le marché.

Le Bureau encourage le public à faire part de toute situation où un comportement semblable serait constaté sur le marché en formulant une plainte ou une demande d’information sur son site Web.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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