Résumé du mémoire présenté à l’Office de la protection du consommateur sur la durabilité et la réparabilité des biens

Sur cette page :

  1. Commentaires relatifs à la garantie de disponibilité des pièces et services de réparation
    1. Commentaires relatifs à la nature des biens visés par la mesure
    2. Commentaires relatifs aux éléments couverts par la garantie de disponibilité
    3. Commentaires relatifs aux bénéficiaires de la garantie de disponibilité
  2. Commentaires relatifs à la durée minimale de fonctionnement d’un appareil domestique
    1. Commentaires relatifs à la détermination de la durée minimale de fonctionnement
    2. Commentaires relatifs aux biens visés par la mesure proposée

Le Bureau de la concurrence (le Bureau), en tant qu’organisme d’application de la loi indépendant, veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur.

Dirigé par le commissaire de la concurrence (le commissaire), le Bureau est responsable d’assurer et de contrôler l’application de la Loi sur la concurrence (la Loi), la Loi sur l’emballage et l’étiquetage des produits de consommation (sauf en ce qui concerne les denrées alimentaires), la Loi sur l’étiquetage des textiles et la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux.

Conformément à son mandat de présenter des observations aux organismes de réglementation, le commissaire a participé à la consultation publique du Gouvernement du Québec tenue par l’Office de la protection du consommateur (l’Office) sur la durabilité, la réparabilité et l’obsolescence des biens de consommation.

Cette consultation, qui visait à recueillir des commentaires sur les propositions de modifications à la Loi sur la protection du consommateur (la LPC), a permis au commissaire de formuler des commentaires et recommandations en vue d’aider l’Office dans sa prise de décisions pouvant affecter la concurrence au Canada.

Ci-après nous présentons le résumé des principaux commentaires et recommandations du commissaireNote de bas de page 1 ayant trait à certaines des propositions de modifications à la LPC sur

  1. la réparabilité et
  2. la durabilité.

I. Commentaires relatifs à la garantie de disponibilité des pièces et services de réparation

La mesure proposée par l’Office semble s’inscrire dans la réflexion suscitée par les campagnes menées dans diverses juridictions sous la dénomination du « droit à la réparation »Note de bas de page 2.

Ces campagnes du « droit à la réparation » visent à obtenir des changements législatifs et réglementaires qui faciliteraient la réparation d’appareils, notamment électroniques, auprès de réparateurs autres que ceux appartenant au réseau de réparateurs du fabricant de tels appareilsNote de bas de page 3.

La question de la réparation des biens des consommateurs soulève des enjeux de concurrence au cœur de réflexions au niveau national et internationalNote de bas de page 4.

En effet, cette question met en perspective les intérêts de différentes parties prenantes que sont notamment les consommateurs, les acteurs de l’industrie de la réparation ainsi que les fabricants et commerçants.

Le Bureau est d’avis que, selon le libellé de cette mesure, elle pourrait favoriser la concurrence entre les acteurs de l’industrie de la réparation et être bénéfique pour le consommateur.

Les commentaires au sujet des mesures proposées portent sur la nature des biens visés par la mesure proposée, les éléments couverts par la garantie de disponibilité, ainsi que les bénéficiaires de la garantie.

1. Commentaires relatifs à la nature des biens visés par la mesure

Le Bureau encourage la proposition de l’Office d’élargir la garantie de disponibilité à des biens autres que ceux faisant l’objet d’un contrat visé à l’article 39 de la LPC.

De fait, les services de réparation touchent une large gamme de biens omniprésents dans la vie du consommateur. Au Québec, au cours des années 2014 à 2018, les services de réparation ont généré un chiffre d’affaires en constante croissance, qui était d’environ 3 milliards de dollars canadiens en 2018Note de bas de page 5.

Dans l’ensemble du pays, l’industrie de la réparation a généré au cours de l’année 2018 un revenu de près de 14 milliards de dollars canadiensNote de bas de page 6. L’industrie de la réparation d’ordinateurs et d’appareils électroniques prise séparément a généré plus de 2 milliards de dollars canadiens, dont 14,2 % des revenus provenaient des services offerts aux individus et aux ménagesNote de bas de page 7.

En ce qui concerne l’élargissement des biens visés par la mesure proposée au-delà de ceux qui font l’objet du type de contrat prévu à l’article 39 de la LPC, le Bureau a recommandé d’appliquer une démarcheNote de bas de page 8 qui permettrait d’adopter une définition flexible fondée sur des critères objectifs déterminés à partir des meilleures données disponibles.

Par sa flexibilité, la définition des biens visés par la garantie devrait tenir compte de la complexité grandissante des biens de consommateurNote de bas de page 9 et s’ajuster aux futurs développements technologiquesNote de bas de page 10.

2. Commentaires relatifs aux éléments couverts par la garantie de disponibilité

Le Bureau est d’avis que les éléments couverts par la garantie de disponibilité devraient être des éléments permettant la réparation de biens de consommateur de manière sécuritaire et dans le respect des droits des parties prenantes, incluant les droits de propriété intellectuelleNote de bas de page 11.

Les campagnes du droit à la réparation se sont construites autour du constat que, les biens devenant de plus en plus techniques et complexes, leur réparation requiert l’accès à des outils et à des informations souvent à la seule disposition des fabricants et de leurs réseaux de réparateursNote de bas de page 12.

Dans ce contexte, il conviendrait que la mesure définisse les éléments couverts par la garantie de disponibilité de sorte à inclure l’intégralité des outils de diagnostic, manuels et pièces de rechange nécessaires au diagnostic et à la réparation des biens (éléments de réparation).

Sur ce point, le cas de l’industrie de la réparation automobileNote de bas de page 13 illustre l’importance, d’une part, de donner accès aux éléments de réparation et, d’autre part, de prêter une attention particulière aux arguments invoqués pour justifier le refus de partager les éléments pertinents.

En 2009, la National Automotive Trade Association (NATA)Note de bas de page 14 a conclu l’Entente relative à la norme canadienne visant les renseignements sur l’entretien des véhicules automobilesNote de bas de page 15 avec l’Association des fabricants internationaux d’automobiles du Canada (AIAMC) et l’Association canadienne des constructeurs de véhicules (ACCV). Cette entente, qui est entrée en vigueur au Canada en 2010, vise à assurer aux réparateurs indépendants l’accès aux renseignements pertinents ainsi qu’aux outils de diagnostic et aux renseignements sur la formation requis pour l’entretien et la réparation de véhicules.

De telles ententes applicables à l’industrie automobile sont en vigueur dans différentes juridictions.

En Australie, l’étude menée par l’autorité de la concurrence australienne a révélé que l’entente en vigueur vise également à permettre que les réparateurs indépendants bénéficient d’un accès aux informations pertinentes incluant les renseignements techniques et outils de diagnosticNote de bas de page 16. Conformément aux engagements volontaires contenus dans l’entente, certains fabricants facilitent l’accès des réparateurs indépendants aux informations pertinentes. Toutefois, cet accès est souvent limité, notamment par le refus des fabricants pour des motifs de sécuritéNote de bas de page 17. De même, l’accès des réparateurs indépendants aux pièces de rechange du fabricant est limité pour des motifs de sécurité et de protection de la propriété intellectuelleNote de bas de page 18.

De tels constats invitent à la circonspection.

Une intervention législative ou réglementaire qui assurerait le partage d’éléments de réparation pourrait permettre de lever les barrières à l’exercice de l’activité de réparateur indépendant. Elle pourrait permettre aux réparateurs indépendants de livrer une saine concurrence aux réparateurs affiliés au fabricantNote de bas de page 19.

Une telle concurrence entre fournisseurs pourrait bénéficier au consommateur par un plus vaste choix de services de réparation et des prix plus concurrentiels.

En effet, sans un accès aux éléments de réparation détenus par le fabricant et rendus disponibles aux réparateurs affiliés au fabricant, les réparateurs indépendants sont limités dans les services offerts au consommateurNote de bas de page 20.

En outre, si des exceptions au partage d’éléments de réparation étaient envisagées, il conviendrait que, sur le fondement des meilleures données disponibles, ces exceptions soient limitées aux cas où le fabricant établit la preuve de risques réels en matière de sécurité ou de protection de la propriété intellectuelle.

Enfin, il conviendrait également qu’un tel accès soit réalisé en temps utile. En effet, il ressort de l’atelier de la Federal Trade Commission (FTC) que les consommateurs tirent avantage des services des réparateurs indépendants, notamment par la proximité et la rapidité d’exécution de leurs servicesNote de bas de page 21.

De ce fait, il conviendrait qu’un tel avantage puisse être maintenu par les réparateurs indépendants dans un contexte d’accès aux éléments de réparation.

3. Commentaires relatifs aux bénéficiaires de la garantie de disponibilité

De l’atelier de la FTC précité, il ressort que l’opposition des fabricants à la campagne du droit à la réparation se cristallise notamment autour de la question d’identifier les personnes qui auraient accès aux éléments de réparation de manière sécuritaire, à savoir les réparateurs professionnels, les réparateurs affiliés au fabricant, le consommateur ou les réparateurs indépendantsNote de bas de page 22.

Le Bureau recommande que toute personne désignée par le consommateur, incluant les réparateurs indépendantsNote de bas de page 23, puisse bénéficier d’un tel accès, au besoin sur instructions du consommateur au fabricant.

En effet, comme indiqué ci-haut, permettre un tel accès aux réparateurs indépendants pourrait favoriser leurs chances de faire concurrence aux réparateurs affiliés au fabricant et être bénéfique au consommateur.

De fait, l’industrie de la réparation au Canada et au Québec est essentiellement composée de micros et petites entreprises. En 2016, l’industrie comprenait 79 918 établissements répartis au Canada, dont 18 525 dans la province de Québec. De ces nombres, 62,5 % étaient des micro établissements, qui comptent moins de cinq employés, 37,2 % des petits établissements, et 0,2 % des établissements de taille moyenneNote de bas de page 24.

Restreindre l’accès des éléments de réparation à des réparateurs professionnels ou à une certaine catégorie de réparateurs pourrait également limiter le choix du consommateur. En effet, selon les exigences de qualification pour bénéficier de l’accès aux éléments de réparation, une telle qualification pourrait constituer une barrière à l’expansion des micros et petites entreprises ne pouvant obtenir une telle qualification.

II. Commentaires relatifs à la durée minimale de fonctionnement d’un appareil domestique

Du point de vue de la concurrence, mieux le consommateur est informé, plus il est apte à prendre une décision éclairée sur le choix d’un produit comparativement à un autre. En effet, il existe une littérature abondante qui a mis en lumière la position privilégiée du vendeur quant à l’information pertinente sur un bien en vente et permet de mieux comprendre le comportement du consommateur en l’absence de divulgation d’une telle information au moment opportunNote de bas de page 25.

Pour cette raison, le Bureau encourage les mesures favorisant une meilleure information sur certains aspects pertinents des biens sur lesquels les entreprises pourraient se livrer à une concurrence. Le Bureau relève la pertinence du moment de la divulgation de l’information, c’est-à-dire avant l’acte d’achat des biens visés et accessible au consommateur en tout temps.

De plus, le Bureau recommande la mise en place de mécanismes permettant de s’assurer que l’information pertinente présentée au consommateur soit complète, exacte et d’une manière qu’il comprend aisément.

Les commentaires au sujet des mesures proposées portent sur la détermination de la durée minimale de fonctionnement et le choix des biens visés par la mesure.

1. Commentaires relatifs à la détermination de la durée minimale de fonctionnement

La Loi sur la concurrence contient certaines dispositions qui interdisent les indications trompeuses, notamment les déclarations fausses ou trompeuses sur la durée de vie utile d’un bienNote de bas de page 26.

En effet, l’alinéa 74.01(1)b) de la Loi interdit de donner ou de permettre que soient données au public, de quelque façon que ce soit, des indications concernant le rendement, l’efficacité ou la durée de vie utile d’un produit, qui ne se fondent pas sur une épreuve suffisante et appropriéeNote de bas de page 27.

Considérant les dispositions de la Loi, le Bureau recommande que la LPC précise que l’obligation relative à la détermination de la durée minimale de fonctionnement d’un bien soit fondée sur une épreuve suffisante et appropriée.

De plus, le Bureau rappelle que la Loi ne définit pas l’expression « épreuve suffisante et appropriée » afin de maintenir une certaine souplesse dans un domaine de plus en plus complexe et hautement technique. Toutefois, il va sans dire que l’épreuve devrait avoir été effectuée avant que l’indication ne soit faite au publicNote de bas de page 28.

Ces commentaires s’appliquent également à la définition de la durée minimale de fonctionnement qui devrait tenir compte des exigences de la Loi relativement à l’épreuve suffisante et appropriée.

2. Commentaires relatifs aux biens visés par la mesure proposée

S’agissant du choix des biens visés, le Bureau conseille que ces biens soient autres que ceux prévus à l’article 182 de la LPC dans la définition d’appareil domestiqueNote de bas de page 29.

En effet, dans sa version actuelle, la définition d’appareil domestique prévue à l’article 182 de la LPC est étroitement liée au régime de réparation prévu aux articles 183 à 187 de la LPCNote de bas de page 30. Or l’information relative à la durée minimale des biens pourrait être pertinente pour le consommateur en dehors du contexte de réparation de tels biens.

Le commissaire est d’avis que l’information devrait porter sur des biens ayant une importance pour les consommateurs selon un critère objectif déterminé selon les meilleures données disponibles, et ce, sans égard à la qualification de tels biens comme appareils domestiques au sens de l’article 182.

De plus, le choix de biens visés devrait tenir compte de l’importance grandissante des biens en lien avec les nouvelles technologies de l’information incluant les possibles développements concernant les objets intelligents.