Avis de consultation de télécom CRTC 2019-57 — Autres commentaires du Bureau de la concurrence

I. Le Bureau de la concurrence propose une politique sur les services sans fil en vue de diminuer les prix pour les Canadiens

  1. La présente instance représente une occasion importante pour veiller à ce que les Canadiens aient accès à des services sans fil abordables et de qualité supérieure. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a lancé cette instance afin de veiller à ce que son cadre réglementaire favorise « une concurrence durable qui donnera lieu à des tarifs raisonnables et à des services novateurs, ainsi que des investissements continus dans des réseaux sans fil de qualité supérieure dans toutes les régions du pays ». Comme facteur clé pour atteindre ces résultats, la concurrence est à l’avant-plan de cette instance.
  2. Dans ce mémoire, le Bureau de la concurrence (le Bureau) cherche à fournir au CRTC des conseils sur la façon d’améliorer la concurrence au sein de l’industrie des services sans fil en fonction d’une évaluation fondée sur des principes et des données probantes relativement à l’état de la concurrence au sein de l’industrie des services sans fil au Canada. À cette fin, le Bureau et son expert économique ont procédé à une analyse approfondie de la concurrence au sein de l’industrie des services sans fil à partir des données confidentielles d’entreprises canadiennes de services sans fil. De plus, le Bureau a effectué un examen complet des marchés internationaux de services sans fil afin d’éclairer sa recommandation.
  3. Les conclusions du Bureau et de ses experts économiques peuvent être résumées comme suit :
  4. Bell, Telus et Rogers (les trois géants) détiennent un pouvoir de marché sur le plan du commerce de détail et du commerce de gros dans la majorité des régions du Canada. Le marché canadien des services sans fil se concentre fortement entre les mains des trois acteurs qui profitent de niveaux de rentabilité élevés comparativement à leurs pairs internationaux et nationaux.
  5. Si les trois géants rencontrent un perturbateur de services sans fil sur le marché, les prix sont sensiblement plus bas. Les concurrents régionaux dotés d’installations qui exploitent leurs propres réseaux sans fil, comme Sasktel, Vidéotron et Freedom Mobile, perturbent de plus en plus le paysage de l’industrie des services sans fil au Canada. Dans les régions du Canada où les perturbateurs de services sans fil ont atteint une part de marché de plus de 5,5 %, les prix sont de 35 % à 40 % plus bas.
  6. Les perturbateurs de services sans fil représentent la voie la plus prometteuse pour l’avenir. Ils favorisent des prix plus bas, plus de choix et une innovation accrue au Canada à long terme. Contrairement aux exploitants de réseaux mobiles virtuels (ERMV) fondés sur les services, qui dépendent nécessairement des réseaux des titulaires, ces perturbateurs régionaux ont une indépendance et des infrastructures suffisantes pour agir de manière dynamique en vue de remporter leur part de gâteau.
  7. Les Canadiens pourraient économiser sensiblement d’argent grâce à une concurrence accrue des perturbateurs de services sans fil. Bien que de nombreux Canadiens profitent davantage de la concurrence apportée par les perturbateurs de services sans fil, les pleins effets d’une industrie des services sans fil plus concurrentielle n’ont pas encore été vécus. L’examen du Bureau mène à la conclusion que la promotion de la croissance et de l’expansion des perturbateurs des services sans fil, même en atteignant seulement une part de marché de seulement 5,5 %, peut potentiellement entraîner des diminutions de prix sensibles. Les retombées sont bien plus grandes si les entreprises régionales atteignent une part de marché de 20 %.
  8. Les ERMV peuvent mener à des prix plus bas et à plus de choix, mais ils peuvent également menacer les progrès accomplis en vue d’accroître la concurrence dans cette industrie jusqu’à maintenant. Bien que les ERMV puissent avoir des conséquences positives relativement aux prix sur le marché, ils ne risquent vraisemblablement pas de procurer les bienfaits de la concurrence durable et vigoureuse que sont en mesure d’offrir les perturbateurs de services sans fil dotés d’installations. Le Bureau est préoccupé par l’impact disproportionné que pourrait avoir l’introduction des ERMV sur ces perturbateurs de services sans fil, ce qui aurait pour effet de menacer les effets positifs qu’ils ont sur les prix et qui pourrait affecter les incitatifs à long terme d’investir dans des réseaux de qualité supérieure au Canada.
  9. Le CRTC devrait adopter une politique sur les ERMV qui soit temporaire et axée sur l’incitation et l’accélération de la concurrence des perturbateurs dotés d’installations. Le CRTC devrait autoriser les perturbateurs de services sans fil à agir en tant qu’ERMV au cours de la période transition durant laquelle ils continuent de prendre de l’expansion en vue de devenir des fournisseurs dotés d’installations à part entière. De cette façon, les progrès accomplis par ces fournisseurs jusqu’à maintenant continueront d’avoir des retombées pour les Canadiens. Une politique sur les ERMV fondée sur les investissements permettrait d’atteindre l’objectif de favoriser une concurrence accrue en matière de prix de la part des perturbateurs de services sans fil à court terme, tout en évitant le risque que la qualité des réseaux diminue à long terme.
  10. Des mesures supplémentaires peuvent également accroître le degré d’intensité concurrentielle sur le marché canadien des services sans fil. Des mesures visant à réduire les obstacles à l’entrée et les coûts de transfert favoriseraient une concurrence accrue dans le marché canadien des services sans fil. Parmi ces mesures, notons le transfert transparent obligatoire, les règles de partage des tours et d’accès aux sites plus efficaces et l’actualisation des frais d’itinérance afin de mieux considérer le marché actuel.

II. Présentation et renseignements présentés

  1. Le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») et son expert économique sont heureux de remettre au CRTC une analyse de la concurrence sur le marché des services sans fil et des recommandations concernant la marche à suivre pour favoriser la concurrence dans cette industrieNote de bas de page 1. En tant qu’organisme indépendant de cette industrie, le Bureau dispose d’une perspective unique en tant qu’intervenant n’ayant aucun intérêt commercial quant à l’issue de l’instance.
  2. Les recommandations et les constatations du Bureau présentées dans ce mémoire se fondent sur les données probantes qui suivent.
    1. Le Bureau a chargé Matrix Economics de mener une étude économique spécialisée (étude Matrix). Matrix emploi une équipe d’économistes professionnels dotés d’une expertise en évaluation des problèmes de concurrence, notamment dans les marchés des télécommunications. L’étude Matrix analyse l’état de la concurrence sur le marché au détail des services sans fil et évalue les avantages de l’incitation à une plus forte concurrence entre les fournisseurs de services sans fil.
    2. Le Bureau et Matrix Economics ont fondé leurs analyses sur des données et des renseignements confidentiels que leur ont confiés 19 fournisseurs canadiens de services sans fil à la suite de l’ordonnance de divulgation du CRTCNote de bas de page 2, ainsi que de renseignements du domaine public.
    3. Le Bureau a également procédé à une étude sur d’autres pays, notamment ceux ayant imposé un accès obligatoire aux EMRV. Les conclusions de cette étude reposent sur l’examen des renseignements du domaine public ainsi que sur des entrevues avec divers intervenants de l’industrie œuvrant dans les pays étudiés, notamment les organismes de réglementation des télécommunications.
  3. Le Bureau croit à l’importance de la transparence. Dans l’analyse de notre organisme, la transparence permet de s’assurer que la formulation de nos recommandations s’inspire de tous les renseignements nécessaires à la bonne compréhension des données probantes, ce qui réduit au minimum les possibilités d’une politique inopérante et de conséquences inattendues. Le Bureau et ses experts ont par conséquent cherché à communiquer leurs constatations et la méthodologie employée dans la mesure du possible, sans divulguer de renseignements sensibles du point de vue de la concurrence.

III. Principe directeur : une bonne compréhension de la dynamique actuelle de la concurrence est essentielle pour la conception d’une mesure corrective efficace

  1. Un marché de concurrence parfaite procure un bien-être social maximal et des effets concluants. Cependant, dans certaines situations appelées « déficiences du marché », les conditions nécessaires à une issue déterminante sont absentes. Les déficiences du marché peuvent être une raison importante qui obligerait possiblement le gouvernement à intervenir au moyen d’une réglementationNote de bas de page 3. Avant d’envisager une intervention réglementaire, il est impératif de savoir s’il y a eu ou non déficience du marché et, dans l’affirmative, en saisir l’étendue et l’ampleur. Cette compréhension permettra de prendre une mesure corrective bien conçue, qui constitue le plan d’action le moins intrusif possible pour obtenir l’effet escompté.
  2. L’exercice d’un pouvoir de marché peut être un exemple de déficiences du marché, puisqu’il pourrait être une cause d’inefficience. Lorsqu’un pouvoir de marché est exercé, il a des effets négatifs sur les consommateurs parce que les entreprises sont en mesure d’exiger des prix supérieurs à ceux justifiés par leurs coûts. Lorsque les consommateurs font face à des prix plus élevés, ils réagissent en réduisant les quantités qu’ils consomment. Cet exercice d’un pouvoir de marché force certains consommateurs, qui ont acheté un bien ou un service à un prix concurrentiel dans d’autres circonstances, à réduire l’achat ou à s’en priver en raison des prix trop élevés. Ces achats abandonnés créent ce que les économistes appellent une « perte de poids mort », ou « allocation inefficiente des ressources »Note de bas de page 4. Un pouvoir de marché peut également se manifester par d’autres moyens, appelés les « effets non tarifaires », qui prendront par exemple la forme d’une réduction de service, de qualité, de choix de produits, d’incitations à innover, ou d’autres volets de la concurrence que les consommateurs apprécient.
  3. Notre mémoire obéit à une progression logique dans laquelle la Partie 1 ouvre sur la détermination de la présence ou de l’absence de déficiences du marché, sous la forme d’un pouvoir de marché, qui mériteraient possiblement une intervention réglementaire de la part du CRTC, et cherche à « diagnostiquer » l’étendue du problème de la concurrence pour savoir entre autres quels marchés sont touchés et dans quelle mesure ils le sont.
  4. Grâce à la compréhension de l’ensemble du problème ainsi acquise, le Bureau évalue, dans la Partie 2 de ce mémoire, les avantages et les difficultés que présentent d’éventuelles mesures correctives et recommande une mesure corrective ciblée qui cherchera à stimuler la concurrence, à court terme, tout en préservant les avantages d’une solution orientée sur le marché, à long terme.

Partie 1 : État actuel de la concurrence dans les services sans fil au Canada

IV. Les fournisseurs nationaux de services sans fil détiennent encore un pouvoir sur le marché de détail

  1. Une évaluation de la concurrence sur le marché des services sans fil au Canada respectant le cadre du CRTC et du Bureau révèle que les trois géants détiennent un pouvoir de marché sur le plan du commerce de détail. Dans cette section, le Bureau aborde d’abord la question de la définition qu’il convient d’appliquer au marché de produits et au marché géographique, dans le cas présent, et de l’applicabilité ou de la pertinence de marchés délimités avec précision. Plus, le Bureau détermine la présence d’indicateurs qui sont habituellement observés lorsque des entreprises ont un pouvoir de marché, comme d’imposantes parts de marché et des obstacles à l’entrée.
  2. Un des grands avantages des données des fournisseurs de services sans fil mises à la disposition du Bureau par le CRTC est qu’au-delà de ces indications, les experts du Bureau ont pu déterminer directement le pouvoir de marché en procédant à une analyse qui testait « la capacité [des trois géants], dans un marché pertinent, de porter ou de maintenir les prix au-delà du niveau qui aurait cours dans un marché concurrentiel », ce qui correspond à la définition du pouvoir de marché du CRTCNote de bas de page 5. L’analyse de Matrix est conservatrice en ce sens qu’elle compare les marchés ayant une moins grande concurrence avec les marchés ayant une plus grande concurrence, au lieu d’utiliser un point de repère équivalent sur le plan de la concurrence. Les observations de l’étude Matrix sont aussi applicables à l’évaluation faite par le CRTC de la rivalité entre les fournisseurs de services sans fil et de leur substituabilité. S’ensuit un exposé sur les preuves qualitatives qui semblent confirmer les constatations de l’étude Matrix selon lesquelles ces prix élevés découlent d’une ascension de la demande pour plus de données sur le marché canadien des services sans fil. Nous répondons également à un commentaire de l’industrie qui affirme que les Canadiens sont prêts à payer plus pour des réseaux de qualité supérieure, et que les prix ont baissé jusqu’à des niveaux concurrentiels.

a. Selon les indices observés, les trois géants détiendraient un pouvoir de marché dans de nombreuses régions canadiennes

  1. La pierre angulaire d’une intervention réglementaire sur le marché des services sans fil est l’évaluation du pouvoir de marché. Un pouvoir de marché peut entraîner des prix à la hausse, une réduction des extrants et une perte d’efficience économique. Le Bureau a évalué un certain nombre d’indicateurs conformément au cadre établi par le CRTC dans la Décision de télécom 94-19Note de bas de page 6 et a observé que les propriétés du marché des services sans fil concordent avec un constat de pouvoir de marché.

Marché de produits

  1. Les offres de services sans fil peuvent varier selon les fournisseurs, chacun proposant une gamme particulière de forfaits de services. Il peut y avoir des regroupements de forfaits de services sans fil qui se qualifient comme constituant eux-mêmes des marchés de produits pertinents. Les forfaits comportant de grandes quantités de données adaptés aux clients qui utilisent régulièrement de grandes quantités de données chaque mois pourraient être un marché de produits candidat. Il est peu probable que ce client opte pour un forfait à faible quota de données s’il est confronté à une augmentation de prixNote de bas de page 7. Cependant, il n’était pas nécessaire de tracer des lignes claires à travers le continuum des offres de services sans fil puisque les conditions concurrentielles sont similaires sur les différents marchés de produits pertinents candidatsNote de bas de page 8. Il n’est donc pas nécessaire de délimiter chaque marché avec précision. Par exemple, au Québec, que vous vouliez un forfait comportant peu ou beaucoup de données, vos options concurrentielles demeurent celles de l’un des trois géants ou de Vidéotron.
  2. Les offres varient légèrement d’un fournisseur à l’autre, mais il est peu probable que ces différences aient une incidence sur l’analyse des effets sur la concurrence, et ce, pour trois raisons.
    1. Les différences entre les forfaits offerts sont minimes. Au Québec, par exemple, Vidéotron n’offre pas de forfaits prépayés. Ces derniers représentent 12 % des abonnements au Canada, et il existe probablement des offres postpayées comparables qui font concurrence aux forfaits prépayésNote de bas de page 9.
    2. Les forces et les faiblesses de l’offre de produits de chaque transporteur sont prises en compte dans l’analyse des effets sur la concurrence. Par exemple, si un fournisseur régional ne répond pas adéquatement à la demande sur le marché où il exerce ses activités, l’analyse des effets sur la concurrence ne montrerait sans doute pas qu’il a un effet important sur les prix.
    3. Même si un concurrent n’offre pas de forfait particulier, l’introduction d’un nouveau forfait ne nécessite probablement pas d’investissements irrécupérables importants, de sorte qu’un concurrent pourrait rapidement commencer à approvisionner le marché en réponse à une tentative d’augmentation du prix d’un produit donnéNote de bas de page 10.
  3. L’analyse des effets de la concurrence de l’étude Matrix permet au CRTC de repérer les endroits où les trois géants détiennent un pouvoir de marché. Ces conclusions s’appliquent, quel que soit le marché de produits à l’étude, puisque les mêmes conditions concurrentielles existent indépendamment de la segmentation de produits. Les conditions concurrentielles varient sur le plan du marché géographique, non sur celui du marché de produits. Par conséquent, pour les besoins de l’instance, le marché pertinent est la prestation de services de télécommunications sans fil.

Marché géographique

  1. Un fournisseur de services sans fil ne peut vendre qu’aux consommateurs résidant à l’intérieur de la zone de couverture de son réseau, puisque ses clients ne peuvent être constamment en itinérance sur le réseau d’un autre fournisseur de servicesNote de bas de page 11. D’un point de vue pratique, les substituts dont un consommateur dispose dépendent de son lieu de résidence au Canada. Les fournisseurs exercent actuellement leurs activités dans des régions aussi restreintes qu’une ville (p. ex. Eastlink exerce ses activités à Sudbury et à Timmins) ou aussi vastes qu’une province (p. ex. Sasktel exerce ses activités dans toute la province de la Saskatchewan). Les niveaux tarifaires relatifs qui sont appliqués dans différents secteurs constituent des indicateurs fonctionnels qui peuvent servir à déterminer quelles zones géographiques font office de substitutsNote de bas de page 12. L’étude Matrix indique que les prix peuvent varier dans des régions de faible superficie comme les villesNote de bas de page 13. Par conséquent, selon la région, le marché géographique pertinent sera sûrement aussi restreint qu’une ville ou aussi vaste qu’une province.
  2. Des indications plus précises sur les marchés pertinents sur lesquels les trois géants des télécoms possèdent probablement un pouvoir de marché suivront dans l’analyse des effets sur la concurrence réalisée dans le cadre de l’étude Matrix.

Part de marché

  1. Le marché canadien du sans-fil est très concentré à tous les égards.
    1. Parts de marché : Le Bureau a établi des seuils de part de marché et de concentration dans les examens de fusion, qui limitent généralement de manière vraisemblable la croissance du pouvoir de marché en raison d’une fusion au moyen d’une concurrence efficace. Pour un exercice unilatéral de pouvoir de marché, le seuil est de 35 % pour l’entreprise résultant de la fusion. La part de marché détenue par la plus grande entreprise dépasse le seuil de sécuritéNote de bas de page 14 de 35 % dans tous les marchés, sauf au Québec.
    2. Ratio de concentration de quatre entreprises : Le seuil établi par le Bureau dans le cadre de l’exercice coordonnée du pouvoir de marché est de 65 % pour les quatre plus grandes entreprises (le ratio de concentration de quatre entreprises ou RC4) et de 10 % pour l’entreprise fusionnée. Le ratio de concentration de quatre entreprises est de 100 % dans toutes les régions du Canada, à l’exception d’OttawaNote de bas de page 15, ce qui dépasse largement les 65 % du seuil de sécuritéNote de bas de page 16. Même un ratio de concentration de trois entreprises dépasserait le seuil de 65 %, les trois géants comptant 88,3 % du nombre total d’abonnés à l’échelle nationale.
    3. Indice Herfindahl-Hirshman (IHH) : Le département de la Justice des États-Unis désigne comme hautement concentrés les marchés dans lesquels IHH dépasse 2 500 pointsNote de bas de page 17. L’IHH des services sans fil est supérieur à 2 500 points dans chaque province et territoire du Canada, variant de 2 660 au Québec à 8 158 dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 18.
  2. Comme le montre l’étude Matrix, cette tendance se maintient à l’échelle nationale, provinciale et municipaleNote de bas de page 19.

Obstacles à l’entrée

  1. Dans sa politique réglementaire de télécom CRTC 2015-177, le CRTC a conclu que « les obstacles à l’entrée sur le marché de détail sont majeursNote de bas de page 20. » Il est très peu probable que les conditions du marché aient changé suffisamment pour que le CRTC en arrive à une conclusion différente dans cette instance. De grandes dépenses en immobilisations, irrécupérables, sont encore nécessaires, et l’entrée sur le marché dépend de l’accès au spectre – une ressource publique limitée dont une vaste proportion a déjà été largement distribuée au Canada. Les fournisseurs nationaux de services sans fil et les fournisseurs de services locaux bien établis ont mis des décennies à construire leurs infrastructures, ce qui leur procure un avantage considérable par rapport à une nouvelle entreprise qui tente d’établir ou d’accroître sa présence dans l’industrie des services sans fil. En outre, les importants investissements en immobilisations irrécupérables déjà engagés par les trois géants font qu’il est difficile de les déplacer. Les nouveaux venus régionaux sur le marché des services sans fil ont construit leurs réseaux sur une période de 11 ans depuis leur première acquisition de spectre, en 2008, mais ce n’est habituellement qu’au cours des dernières années qu’ils ont une incidence significative sur les prixNote de bas de page 21.

Rentabilité

  1. Dans une étude de 2015 commandée par le Bureau, The Brattle Group a constaté que Telus et RogersNote de bas de page 22 obtiennent habituellement des rendements supérieurs à la normale sur leurs investissementsNote de bas de page 23, ce qui correspond à un exercice de pouvoir de marché (rapport de Brattle)Note de bas de page 24. Il est probable que la situation n’ait pas changé.
  2. Comme il est illustré dans la Figure 1 ci-dessous, les trois géants continuent de maintenir d’importantes marges bénéficiaires par rapport à leurs homologues mondiaux. C’était le cas en 2015 lorsque l’étude Brattle a été commandée et ça continue de l’être.

Figure 1 – Moyenne BAIIA comme pourcentage des revenus déclarés pour les entreprises de services sans fil (G7 + Australie)Note de bas de page 25

Figure 1 – Moyenne BAIIA comme pourcentage des revenus déclarés pour les entreprises de services sans fil (G7 + Australie)
Les détails de Moyenne BAIIA comme pourcentage des revenus déclarés pour les entreprises de services sans fil (G7 + Australie)
Pays 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018* 2019*
Australie 24,9 % 26,1 % 30,1 % 33,7 % 35,9 % 35,1 % 37,4 % 34,0 % 34,9 % 33,7 %
Canada 42,2 % 40,8 % 42,2 % 43,6 % 42,6 % 40,6 % 41,2 % 42,3 % 42,1 % 42,6 %
France 33,3 % 32,1 % 28,5 % 28,8 % 29,0 % 32,8 % 32,5 % 32,8 % 35,2 % 35,8 %
Allemagne 41,3 % 41,0 % 39,4 % 36,8 % 31,2 % 30,7 % 32,2 % 33,9 % 34,9 % 35,2 %
Italie 44,9 % 44,6 % 43,4 % 42,3 % 36,7 % 33,6 % 36,7 % 37,3 % 39,8 % 40,9 %
Japon 33,9 % 32,7 % 32,0 % 33,1 % 32,9 % 13,0 % 13,1 % 12,3 % 17,8 % 19,6 %
Royaume-Uni 20,2 % 21,4 % 20,1 % 23,0 % 21,2 % 25,0 % 23,8 % 24,3 % 25,4 % 26,7 %
États-unis 33,4 % 31,0 % 31,7 % 33,2 % 32,4 % 36,0 % 38,2 % 38,6 % 41,0 % 40,8 %
*Estimation (partielle pour 2018)

  1. Les trois géants ont fait valoir que ces chiffres ne sont pas comparables étant donné les coûts fixes élevés qui sont associés à la construction d’un réseau dans un pays comme le Canada, avec sa vaste superficie et sa faible densité de population. La Figure 2 ci-dessous compare les intensités de capital entre les pays. L’intensité de capital est le rapport entre les dépenses en immobilisations et les revenusNote de bas de page 26. Une forte intensité de capital indiquerait que l’entreprise réinvestit une importante proportion des revenus gagnés. Les trois géants ne semblent pas avoir une intensité de capital plus élevée que leurs pairs, se classant près du milieu du peloton. La seule exception est Shaw, dont l’intensité de capital est supérieure à celle de tout autre fournisseur évalué, probablement en raison de la modernisation et de l’expansion récentes de son réseau.

Figure 2 – Intensité de capital totale des services sans fil des entreprises de télécommunications internationales, 2018 Note de bas de page 27

Figure 2 – Intensité de capital totale des services sans fil des entreprises de télécommunications internationales, 2018
Les détails de Intensité de capital totale des services sans fil des entreprises de télécommunications internationales, 2018
Pays Enterprise Capitale (B $) Revenu (B $) L'intensité du capital
Canada Bell 0,74 $ 8,32 $ 8,92 %
Rogers 1,05 $ 9,02 $ 11,59 %
Telus 0,88 $ 8,07 $ 10,86 %
Freedom 0,34 $ 0,95 $ 36,13 %
États Unis Verizon 9,53 $ 91,09 $ 10,46 %
AT&T 8,86 $ 71,74 $ 12,35 %
Sprint 10,19 $ 31,45 $ 32,41 %
T-Mobile 5.28 $ 42,62 $ 12,38 %
Australie Telstra 1,76 $ 10,25 $ 17,1 %
Optus 1,16 $ 5,70 $ 20,44 %
Vodafone 0,73 $ 3,46 $ 21,17 %
* Les chiffres sont la somme des trimestres se terminant le 17 décembre, 18 mars, 18 juin, 18 septembre
** Les revenus reflètent les revenus totaux des services sans fil

  1. Les trois géants maintiennent également des niveaux élevés de profits par rapport à leurs homologues nationaux. La Figure 3 montre que la marge de Shaw sur les services sans fil est de moins que la moitié que celle des trois géants.

Figure 3 – Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018 Note de bas de page 28

Figure 3 – Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018
Les détails de Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018
Source: Rapports annuels de l'entreprise
Shaw 18,5 %
Bell 42 %
Telus 43 %
Rogers 45 %

  1. Malgré des marges plus faibles, l’intensité de capital des nouveaux entrants reste également plus élevée que celle des trois géants, ce qui met en évidence les investissements majeurs en cours et encore nécessaires pour entrer sur le marché des services sans fil et y prendre de l’expansion.

Figure 4 – Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018 Note de bas de page 29

Figure 4 – Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018
Les détails de Marges du BAIIA des fournisseurs de services sans fil canadiens, 2018
  Bell Rogers Telus Shaw/Freedom Quebecor/Videotron Cogeco
Intensité de capital (totale) 16,9 18,5 16,6 26,1 16,8 18,5
Intensité de capital (mobile) 7,8 11,8 11,0 36,1 16,5  
Intensité de capital (service filaire) 25,3 36,3 31,3 23,9    

  1. Les entreprises de services sans fil continuent de maintenir des niveaux élevés de rentabilité par rapport à leurs homologues internationales et nationales, et ce, malgré une intensité de capital inférieure. Il est probable que la constatation précédente du rapport de Brattle selon laquelle les trois géants réalisent des rendements supérieurs à la normale sur leurs investissements continue d’être le cas.

b. L’étude Matrix procure une preuve directe du pouvoir de marché

  1. Bien que plusieurs indicateurs laissent croire à un pouvoir de marché, l’étude Matrix fournit des preuves directes que Bell et Rogers, et par extension Telus, détiennent un pouvoir de marché dans de nombreuses régions du Canada. Elle révèle que les trois géants sont en mesure d’exiger des prix plus élevés et d’offrir des forfaits plus limités lorsque les concurrents régionaux imposent une discipline concurrentielle moins stricte.
  2. Pour arriver à ce constat, l’étude Matrix a eu recours à deux techniques économétriquesNote de bas de page 30 largement utilisées pour évaluer l’effet concurrentiel des fournisseurs régionaux sur les trois géants :
    • Analyse de la régression transversale (analyse de régression) : l’analyse de régression vise à évaluer l’effet de la présence et des parts de marchéNote de bas de page 31 de concurrents régionaux sur les trois géants à l’échelle municipaleNote de bas de page 32 en ce qui a trait aux facturations mensuellesNote de bas de page 33, aux limites des forfaits et au prix par GoNote de bas de page 34. Cette technique de régression sert également à mesurer l’effet de la présence de concurrents régionaux sur les paramètres de qualité suivants, au niveau d’une ville :
      1. vitesse moyenne de téléchargement,
      2. pourcentage de téléchargement par 5 Mo et
      3. score de vitesse (une combinaison des paramètres énoncés liés à la qualité, ainsi que d’autres comme le temps de réponse et temps écoulé en mode LTE).
      Un certain nombre d’analyses de sensibilité sont ensuite entreprises afin de déterminer la fiabilité des résultats en matière de régression. L’analyse de régression constitue la principale analyse économique étayant les constatations générales.
    • Analyse de la différence dans la différence de l’étude des événements (analyse de la différence dans la différence) : L’analyse de la différence dans la différence cherche à cerner les changements de prix, de limites des forfaits et de prix par Go avant et après les événements d’entrée ou l’introduction d’une nouvelle offre par des concurrents régionaux, au niveau d’une ville. Cette analyse est effectuée en regroupant les villes selon qu’elles appartiennent à celles qui ont connu un événement unique ou à celles qui n’en ont pas connu. Les événements uniques étudiés par l’étude Matrix comprennent :
      1. le lancement par Freedom de son forfait Big Gig, en octobre 2017Note de bas de page 35, et
      2. l’entrée d’Eastlink dans cinq villes entre 2016 et 2018.
  3. Dans le cadre de ces analyses, l’étude Matrix a découvert que la concurrence exercée par des fournisseurs régionaux avait un effet important en disciplinant les prix des trois géants. Les principaux résultats présentés ci-dessous illustrent cet effet :
    • Prix plus bas : Les trois géants exigent des prix plus bas, tout en contrôlant les autres facteurs, dans des régions géographiques où ils font face à la concurrence de fournisseurs régionaux.
    • Limites plus élevées des forfaits : Les trois géants offrent des limites de forfaits plus élevées, tout en contrôlant les autres facteurs, dans des régions géographiques où la concurrence régionale est plus intense. L’analyse des différences dans les différences a en outre montré que les trois géants élevaient les limites de leurs forfaits en réaction au lancement du plan Big Gig de Freedom.
    • Prix par Go plus bas : Le prix par Go était plus bas dans les secteurs où se trouvaient des concurrents régionaux. De plus, l’analyse des différences dans les différences du lancement par Freedom de son plan Big Gig a montré une importante baisse du prix par Go, tandis que les factures mensuelles ne témoignaient d’aucun effet mesurable lorsqu’elles étaient examinées sans les changements de limites des forfaits.
    • Utilisation accrue de données : Les clients des trois géants utilisent plus de données, tout en contrôlant les autres facteurs, dans des régions géographiques où la concurrence régionale est plus intense.
    • Aucun effet sur la qualité du réseau : La concurrence régionale n’exerce aucun effet mesurable sur la qualité du réseau des trois géantsNote de bas de page 36, selon les mesures des vitesses de téléchargement ou le score de vitesse du PC MagazineNote de bas de page 37.
  4. Toutefois, l’étude Matrix souligne cependant que les effets concurrentiels de la concurrence régionale sur les trois géants sont les plus marqués en présence de concurrents régionaux de moyenne envergure. Plus particulièrement :
    1. La concurrence exercée par des concurrents régionaux n’a aucun effet mesurable sur le prix par Go exigé par les trois géants dans des secteurs où la part de marché par le concurrent régional se situe sous la barre de 5,5 %.
    2. Un fournisseur régional dont la part de marché se situe au-dessus de 5,5 % mais en-deçà de 20 % exerce une pression à la baisse sur les prix des trois géants qui s’accroît à mesure que sa part de marché augmente. En moyenne, en ce qui concerne les concurrents régionaux dont les taux de pénétration se situent dans cette tranche, chaque point de pourcentage de part de marché qu’ils acquièrent fait baisser d’environ [##]% le prix par Go exigé par les trois géantsNote de bas de page 38.
    3. Accroître la présence d’un concurrent régional jusqu’à un taux de parts de marché au-delà de la barre d’environ 20 % n’entraîne aucun avantage supplémentaire mesurable. L’explication probable de cette différence réside dans la distinction entre fournisseurs régionaux établis et nouveaux venus dans la région. Les fournisseurs régionaux qui dépassent ce seuil sont des fournisseurs régionaux établis, comme SaskTel, dont l’incidence concurrentielle sur leurs marchés remonte à une période antérieure à celle des données (2014-2018). Les prix dans leurs marchés étaient déjà plus bas en 2014, de sorte que cette constatation indique, dans leur cas, qu’ils ont connu une baisse à un rythme inférieur à celui des marchés occupés par de nouvelles entreprises régionales. Dans l’ensemble, les niveaux de prix sont plus faibles dans ces marchés que dans ceux où se trouvent de nouveaux fournisseurs régionaux.
  5. Pour ce qui est des différences géographiques en matière de pouvoir de marché, l’étude Matrix nous apprend ce qui suit :
    1. Les résultats de l’étude Matrix indiquent que les marchés sans fournisseur régional ou dans lesquels il y a un fournisseur régional dont la part de marché est inférieure à 20 % subissent les effets de l’exercice d’un pouvoir de marché, puisque les trois géants peuvent facturer des prix significativement plus élevés dans ces régions. Cela comprend tous les marchés, sauf ceux de quelques rares villes du Québec, de la Saskatchewan et du nord de l’Ontario.
    2. Les marchés où la part de marché du fournisseur régional dépasse les 20 % ne sont pas nécessairement concurrentiels, mais connaissent des degrés de concurrence nettement plus élevés.
    3. Il est difficile d’arriver à des conclusions catégoriques sur les degrés de concurrence au Manitoba pour les raisons suivantes :
      1. l’acquisition de MTS par Bell, en 2016, et la cession connexe d’actifs à Xplornet et à TelusNote de bas de page 39 marquent d’importants changements structurels dans le marché, dont on ne prévoit pas voir la concrétisation intégrale des effets avant un certain temps;
      2. durant la période de données, après l’acquisition de MTS, le président et chef de la direction de Bell a annoncé qu’il n’y aurait pas de hausse des prix pendant une période d’un anNote de bas de page 40;
      3. les données disponibles à la suite de l’entrée de Xplornet s’étalent sur trois mois seulementNote de bas de page 41;
      4. des spéculations ont circulé selon lesquelles un des trois géants pourrait planifier l’achat de SaskTelNote de bas de page 42 et, par conséquent, modérer leur comportementNote de bas de page 43;
      5. les trois géants font l’objet d’un examen minutieux, notamment en ce qui a trait aux prix élevés des services sans fil au Canada soulevés dans une certaine mesure par les plateformes électoralesNote de bas de page 44, ce qui les aura mené à modérer leur comportement.
  6. L’étude Matrix montre que l’établissement des prix au Manitoba obéit à la même tendance qu’en Saskatchewan. Les prix n’ont pas augmenté, mais n’ont pas non plus baissé autant au cours de cette période que dans d’autres marchés, comme le Québec. Cela dit, l’étude Matrix anticiperait l’exposition possible de ce marché à un risque d’exercice de pouvoir de marché, puisque la part de marché de Xplornet est inférieure au seuil de 5,5 %, à 2,5 %. De plus, le réseau de Xplornet au Manitoba couvre à peine quelques centres municipauxNote de bas de page 45, de sorte qu’à l’extérieur des principaux centres de population du Manitoba, les trois géants sont les seules options offertes aux consommateurs.
  7. Ces constatations ont une forte incidence, puisque l’obtention de ces avantages économiques nécessite l’encouragement des concurrents à atteindre l’envergure de moyennes entreprises dotées d’installations.

Les Canadiens consomment probablement moins qu’ils ne le feraient dans un marché concurrentiel.

  1. Lorsque le pouvoir de marché est exercé, les prix sont augmentés au-dessus des niveaux concurrentiels, ce qui se traduit par une utilisation et une pénétration du marché inférieures à celles que l’on pourrait observer sur un marché concurrentiel. Cela est attribuable au fait que les consommateurs sont contraints soit de réduire leur consommation en raison de l’absence d’offres concurrentielles qui répondent à leurs besoins, soit de se retirer complètement du marché. Les renseignements recueillis dans le cadre de la présente instance portent à croire que les Canadiens sont enclins à réduire leur consommation en raison des prix élevés dans certaines régions du Canada.
  2. Cette constatation donne à penser que, dans les marchés où la concurrence est moins vive, les prix élevés restreignent l’utilisation des services sans fil par les Canadiens, ce qui entraîne une demande refoulée d’accès à des données supplémentaires.
  3. La réponse des consommateurs à toute offre plus concurrentielle faisant son apparition sur le marché illustre bien la demande sans cesse croissante des Canadiens pour des données.
  4. En 2017, Freedom a lancé son plan Big Gig, offrant 10 Go de données pour 50 $Note de bas de page 46. Les trois géants ont réagi en offrant des forfaits similaires, ce qui a entraîné une forte, mais brève période de concurrence (4 jours). Le personnel du service à la clientèle et les systèmes des trois géants ont été submergés par l’importante hausse de la demande pour ces forfaitsNote de bas de page 47.
  5. Cette constatation a été corroborée dans le contexte de frais d’utilisation excédentaire élevés et d’absence de prix concurrentiels dans les plans de forte utilisation de données. En 2019, Rogers a fait de ses forfaits à forte utilisation de données son offre « phare » en éliminant les frais d’utilisation excédentaire en faveur d’un ralentissement de la circulation des données. Depuis, Rogers a vu tripler les abonnements prévus à son forfait « Infini »Note de bas de page 48. Cela indique qu’il existait une demande de plus en plus grande pour une utilisation accrue de données, mais que les Canadiens avaient choisi de consommer moins en raison d’un manque d’offres concurrentielles et de fortes pénalités en cas de dépassement des limites de leur forfait.
  6. Le président et chef de la direction de Rogers, Joseph Natale, a commenté le fait que la dynamique actuelle du marché avait influencé le comportement des consommateurs :
    « La démarche relative aux frais de dépassement au Canada a réduit considérablement les taux de croissance de l’utilisation des données. Compte tenu de l’évolution des frais de dépassement dans notre secteur, les Canadiens craignent de plus en plus d’utiliser des données. En comparaison, la consommation moyenne de données au Canada avait diminué d’un tiers par rapport à la consommation moyenne aux États-Unis et se situe dans le quartile inférieur des marchés mondiaux les plus développés du monde. »Note de bas de page 49
  7. Rogers explique que les clients qui se sont abonnés aux forfaits « Infini » utilisent en moyenne 50 % plus de donnéesNote de bas de page 50.
  8. Ces hausses de la demande en présence d’offres plus concurrentielles portent à croire que l’utilisation faite par les Canadiens des services sans fil est artificiellement limitée par des prix supraconcurrentiels, tant pour le prix des forfaits que pour les pénalités en cas d’utilisation excédentaire. Les observations de l’étude Matrix concernant une utilisation supérieure des données dans les régions où règnent des prix plus concurrentiels en raison de perturbateurs des services sans fil illustrent également cette situation. Il existe des preuves directes de l’exercice d’un pouvoir de marché et de l’allocation inefficace des ressources qui y est associée, ce qui fait en sorte que les Canadiens consomment moins en raison des prix élevés.

Les trois géants ont des réseaux sans fil de grande qualité, qui pourraient toutefois s’expliquer en partie par un pouvoir de marché

  1. Les trois géants insistent souvent sur le fait qu’ils possèdent des réseaux de grande qualité face au soulèvement d’une opposition aux prix élevés au CanadaNote de bas de page 51. Des comparaisons internationales montrent que le Canada dispose de réseaux fiables, à haute vitesse. Les vitesses de téléchargement obtenues dans le cadre du Speedtest d’Ookla indiquent qu’en 2019, le Canada avait le réseau sans fil le plus rapide du G7, et le sixième plus rapide au mondeNote de bas de page 52. Des réseaux de grande qualité constituent un important avantage dont jouissent les Canadiens.
  2. Les fournisseurs de services sans fil ont indiqué que la grande qualité de leurs réseaux expliquait les prix élevés au Canada, puisque les Canadiens sont prêts à payer ce supplément pour des réseaux de qualité supérieure.
  3. Le Bureau met en garde sur le fait qu’il pourrait exister d’autres explications qu’une demande inhérente pour des réseaux rapides présents uniquement au Canada. En particulier, l’expert du Bureau a montré que les Canadiens consomment moins en raison des prix supraconcurrentiels des trois géants. Comme Rogers l’a indiqué, « la consommation moyenne de données au Canada a diminué d’un tiers par rapport à la consommation moyenne aux États-Unis et se situe dans le quartile inférieur des marchés mondiaux les plus développés du monde »Note de bas de page 53. Cette situation a de toute évidence des répercussions sur les comparaisons relatives à la qualité du réseau, puisque les réseaux des trois géants sont moins achalandés que ceux de leurs homologues internationaux. Des réseaux plus rapides entraînent généralement des niveaux d’utilisation plus élevés, et non plus bas, en raison, en partie du moins, de prix supraconcurrentiels et d’une utilisation restreinte.
  4. Par conséquent, bien que le Bureau soit d’accord avec le fait que les Canadiens bénéficient de réseaux à haute vitesse, et que les consommateurs prisent ces vitesses, il met en garde de ne pas utiliser les grandes vitesses pour justifier les prix supraconcurrentiels pratiqués au Canada.

Les prix sont en baisse, mais pas nécessairement en raison de la concurrence

  1. Dans leurs observations initiales, un certain nombre de fournisseurs affirment que les prix des services mobiles au Canada sont en baisse en raison de la concurrence accrueNote de bas de page 54. Or, si c’était le cas, on pourrait croire que la concurrence a permis de réduire le pouvoir de marché détenu auparavant par les trois géants.
  2. Les Canadiens ne voient pas nécessairement leur facture mensuelle diminuer, mais ils reçoivent de plus grandes quantités de données. Comme le montre la Figure 5 ci-dessous, le prix qu’un consommateur paie pour un Go de données est en baisse constante. Cependant, leur facture mensuelle n’a pas diminué de façon significative, en fait, elle a même légèrement augmenté.

Figure 5 – Comparaison du revenu moyen par utilisateur (RMPU) et des Go/$, excluant la subvention pour l’appareil Note de bas de page 55

[## ##]

  1. Les trois géants prennent d’ailleurs acte de cette tendance dans leurs téléconférences avec les investisseurs. Par exemple, Bell a décrit cette tendance comme suit : « la migration des clients vers la technologie LTE s’est produite et maintenant l’éventail de services a été élargi. Par conséquent, c’est la raison pour laquelle nous avons ce type de RMPU, ce qui, compte tenu de tous les facteurs, représente quand même une croissance positive du point de vue du RMPUNote de bas de page 56. »
  2. Avec le temps, le marché s’est également orienté vers une réduction des restrictions sur les indemnités d’appel et, plus récemment, vers l’élimination ou la réduction des frais d’excédent de temps.
  3. On ignore cependant dans quelle mesure cette tendance à la baisse des prix par Go peut être attribuée à une concurrence accrue. À titre subsidiaire, la tendance pourrait être attribuable à une diminution des coûts. Les progrès technologiques ont vraisemblablement réduit le coût de livraison d’une Go de données aux consommateurs, en raison, par exemple, d’une utilisation plus efficace du spectreNote de bas de page 57. Cette situation s’accorde avec la tendance à la baisse du prix par Go peut être observée dans de nombreux pays à travers le monde. Toutefois, les prix canadiens diminuent à un rythme inférieur. La figure ci-dessous est une moyenne simple des prix internationaux tirés du rapport de Wall Communications et NordicityNote de bas de page 58. Bien qu’il y ait eu une baisse, les prix canadiens ont diminué moins rapidement au cours de cette période que ceux de nos pairs.

Figure 6 – Prix moyen dans certains pays (G7 + Australie), 2015-2018

Figure 6 – Prix moyen dans certains pays (G7 + Australie), 2015-2018
Détails de la comparaison de l'ARPU et du $ / Go, hors subventions d'appareils
 2018201720162015
Canada77,67 $85,60 $84,09 $91,93 $
États-unis73,67 $65,48 $79,19 $103,00 $
Royaume-Uni30,00 $34,04 $35,97 $66,33 $
France32,50 $36,18 $56,60 $56,90 $
Allemagne47,00 $72,88 $70,85 $82,07 $
Italie25,50 $38,32 $48,41 $64,95 $
Australie23,67 $54,47 $47,45 $81,73 $

  1. Quoi qu’il en soit, l’étude Matrix tient compte de toute tendance à la baisse des prix et constate quand même toujours des effets concurrentiels sur les fournisseurs régionaux. Ce résultat indique que, peu importe qu’il y ait eu ou non une baisse générale des prix, les prix auraient été plus bas si la concurrence avait été plus vive.

c. Conclusion- les trois géants détiennent le pouvoir sur le marché du détail

  1. L’industrie des services sans fil présente des indices de pouvoir de marché : forte concentration, rentabilité élevée et barrières à l’entrée élevées. En outre, l’étude Matrix fournit la preuve directe que les trois géants sont en mesure de facturer des prix plus élevés lorsqu’ils n’ont pas à se soucier de la concurrence avec un agent perturbateur de services sans fil, et aussi que, par conséquent, les consommateurs doivent se contenter de quantités plus faibles de données.
  2. Toutefois, les prix par Go diminuent :
    1. les factures mensuelles réelles des clients ont en fait légèrement augmenté au fur et à mesure qu’ils achètent de plus gros volumes de données; et
    2. cette baisse de prix par Go est probablement attribuable, du moins en partie, à une baisse des coûts, les améliorations technologiques passant de 3G à 4G et bientôt à 5G.
  3. Toutefois, indépendamment d’une baisse des prix, l’étude Matrix démontre que les prix seraient probablement plus bas s’il y avait plus de concurrence, de sorte que cette tendance n’apaise pas les préoccupations du Bureau quant au pouvoir de marché. Ces conclusions sont conformes aux tendances internationales des prix, qui montrent que les prix au Canada diminuent à un rythme plus lent qu’à l’échelle internationale. Forts de ces observations, le Bureau et l’étude Matrix concluent que les trois géants détiennent le pouvoir de marché dans le secteur du détail dans la plupart des régions où ils exercent leurs activités.

V. Un pouvoir de marché existe probablement sur le marché du détail et du gros

  1. Même si le CRTC a indiqué que l’instance se concentrerait sur la question de la concurrence dans le marché de détailNote de bas de page 59, il est toujours important d’examiner si le pouvoir de marché a été maintenu au niveau du marché de gros à la suite de la constatation en ce sens du CRTC en 2015Note de bas de page 60. Il s’ensuit qu’en raison de la nature verticalement intégrée du marché, une constatation de pouvoir de marché dans le marché de détail signifie que la situation est la même dans le marché de gros.
  2. L’existence d’un pouvoir de marché dans le marché de détail signifie qu’il y a probablement un pouvoir de marché dans le marché de gros, étant donné la nature verticalement intégrée de cette industrie. L’établissement des prix dans le marché de détail est supraconcurrentiel, et il n’y a pas suffisamment de concurrence dans le marché de gros pour miner ces prix de détail élevés. Par conséquent, les conclusions décrites précédemment s’appliquent à la fois au volet détail et au volet de gros du marché.
  3. Ceci dit, comme décrit dans la section suivante, le fait que peu, voire aucun, marchés de gros se soit développé, sauf pour ce qui est des interventions réglementaires, prouve davantage que les trois géants détiennent un pouvoir de marché à l’échelle du marché de gros.

a. Le fait qu’il n’y ait pas eu au Canada une émergence spontanée des ERMV pourrait être en soi un signe de pouvoir de marché

  1. Cela dit, outre les raisons exposées dans la section III ci-dessus, le fait qu’un marché de gros ne se soit pas développé sans intervention réglementaire (c’est-à-dire un ERMV émergent, spontanément, ou un marché de l’itinérance) est probablement le signe d’une concurrence insuffisante et de la présence d’un pouvoir de marché sur le marché de gros en soi. D’après l’expérience internationale, les marchés des ERMV se développent spontanément lorsqu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont réunies :
    1. il existe bel et bien une capacité excédentaire dans le marché de gros;
    2. il existe une différenciation entre les offres des ERM; ou
    3. les ORM sont disposés à négocier des accords de gros avec les ERMV.
    Ces conditions sont les plus susceptibles d’être présentes sur un marché où la concurrence est forte. et ces conditions n’existent pas au Canada.

Capacité excédentaire

  1. Des marchés d’ERMV robustes sont apparus dans plusieurs territoires qui n’ont pas rendu l’accès des ERMV obligatoire, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Australie. Dans ces marchés, il y a ou il y avait quatre ERM en exploitation lorsque des ERMV ont émergé. Un plus grand nombre de réseaux peut contribuer à des niveaux plus élevés de surcapacité de réseau dans ces territoires. Une capacité en excès crée des incitatifs économiques pour faire plus de profits en vendant cette capacité aux ERMV. Dans le marché canadien, où trois ERM nationaux sont en exploitation, l’entente de partage de réseau entre Bell et Telus signifie qu’il n’existe en réalité que deux réseaux nationaux. Cette situation entraîne vraisemblablement une capacité en excès et des incitatifs de profit moindres pour négocier avec des ERMV.

Différenciation

  1. Un autre facteur concurrentiel qui peut faciliter la négociation commerciale d’accords d’ERMV est le degré de différenciation des ERMV. La différenciation peut perturber la coordination, notamment les efforts coordonnés visant à empêcher les ERMV d’entrer sur le marchéNote de bas de page 61.
  2. Par opposition, en Australie, par exemple, l’offre de services, la couverture du réseau et la part de marché des trois ERM sont très différentes. Dans la grande région faiblement peuplée de l’intérieur de l’Australie, Telstra représente souvent la seule option de service; par contre, dans les zones urbaines australiennes, Vodafone offre des volumes élevés de données à un prix relativement basNote de bas de page 62.
  3. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a également noté les effets de la différenciation sur les marchés sans fil au Royaume-Uni.
    « En effet, un certain degré d’asymétrie [entre les ERM] pourrait avoir ses avantages. Le fait que certains d’entre eux ont plus de spectre d’un type et moins d’un autre, par rapport à leurs concurrents, peut avoir le potentiel d’accroître la concurrence, car il est probable que les différents ERM devront adopter différentes stratégies commerciales pour être compétitifs sur le marché, ce qui engendrera un potentiel d’innovation accru et une concurrence différenciée (et réduira peut-être le risque de collusion tacite [un autre terme pour décrire la coordination]Note de bas de page 63 ». [Traduction]
  4. Par opposition, les trois géants du Canada offrent une couverture réseau et des offres de services similaires en ayant des parts de marché symétriques à l’échelle nationale.

Volonté des ERM

  1. Selon une étude réalisée récemment portant sur près de 1 500 ERMV dans le monde, préparée pour la New Zealand Commerce Commission (étude de la NZCC), la volonté des ERM d’ouvrir leur capacité à des tiers a été le principal moteur commercial du succès des ERMV sur le marché. On laisse entendre dans l’étude que l’ouverture de marché est souvent le fait d’un exploitant bien établi qui montre la voie, et qui est suivi par d’autresNote de bas de page 64.
  2. Dans un certain nombre de pays étudiés par le Bureau, l’accès obligatoire des ERMV a été imposé à un ou plusieurs ERM, qui auparavant refusaient toute négociation avec les ERMV, en raison d’un effort concerté pour contrecarrer la concurrence de gros. L’introduction d’un régime d’ERMV obligatoire a déclenché avec succès la concurrence sur le marché de gros en perturbant la coordination entre les ERM.
  3. Par exemple, avant d’imposer l’accès obligatoire des ERMV, l’autorité espagnole de la concurrence avait observé une position dominante collective de la part des trois ERM du pays qui refusaient l’accès aux RMV. Une position dominante collective est un terme utilisée pour représenter les comportements coordonnésNote de bas de page 65. Toutefois, lorsque l’accès des ERMV est devenu obligatoire, il a ouvert la porte à la concurrence sur le marché de gros et, en 2017, plus de 30 ERMV étaient en activité sur le marché du sans-fil en EspagneNote de bas de page 66. Dans le même ordre d’idées, alors que l’accès obligatoire n’a été imposé qu’à la société acquéreur Hutchison en Autriche, comme mesures correctrices dans le cadre d’une fusion, l’accord ainsi conclu a incité d’autres ERM du marché à conclure leurs propres accords d’ERMV afin d’obtenir des revenus sur le marché du grosNote de bas de page 67.
  4. Dans leur première intervention, un certain nombre de fournisseurs ont laissé entendre que les ERM n’ont pas refusé de négocier des ententes avec les ERMV. Par exemple, Sasktel fait valoir que :« Nous notons que diverses formes d’ERMV ont fait leur apparition au Canada pendant la période précédant la présente consultation. Nombre d’entre eux se sont lancés sur le marché, certains ont échoué, d’autres ont été achetés par des fournisseurs de services dotés d’installations et certains sont encore en exploitation. Ces fournisseurs sont notamment : 7- Eleven Speak Out Wireless, DCI Wireless, Execulink Mobility, Onstar, Petro Canada Mobility, Zoomer Wireless, PC Mobile et Virgin Mobile (maintenant la propriété de Bell Canada). Ces types d’ententes continueront d’exister et de connaître des degrés de succès variables. L’intervention du Conseil n’était pas requise pour inciter leur entrée sur le marché ou favoriser leur maintien en place. »
  5. Cependant, il n’y a pas eu d’ententes d’ERMV commerciales négociées en nombre suffisant pour le mentionner. Comme il est décrit dans l’avis de consultation, le CRTC fait remarquer qu’il a dû intervenir à deux reprises sur le marché des services sans fil pour régler des différends entre un exploitant et un éventuel exploitant de réseau mobile sans fil lorsque ce dernier n’avait pas réussi à négocier une entente avec un exploitant de réseau sans fil, ce qui est « symptomatique » d’un problème plus vaste indiquant l’absence d’un marché de détail naturel pour les ERMV.Note de bas de page 68
  6. Un certain nombre d’observations présentées dans le cadre de la présente instance par des ERMV éventuels donnent à penser que, même s’il existe une demande de services sans fil de gros au Canada, les ERM ne sont pas disposés à négocier avec les ERMV. Par exemple, dans son mémoire déposé en réponse à cette instance, Cogeco mentionne :
    « Par exemple, au fil des ans, Cogeco a rencontré une importante résistance dans ses efforts pour obtenir de services de réseau d’accès radioélectrique (RAR). Certaines de ces discussions infructueuses sont résumées dans les documents déposés par Cogeco le 4 septembre 2014, en réponse à l’engagement no 4, dans le cadre de l’instance qui a mené à la décision sur les services sans fil de 2015. D’autres pourparlers qui ont eu lieu en 2016, 2017 et 2018 entre Cogeco et divers fournisseurs sans fil n’ont pas permis de conclure des ententes de services d’accès de gros du RARNote de bas de page 69. »
  7. En réponse à la Q207 de la demande de renseignements du 5 avril 2019, Bell, Rogers et Telus mentionnent que collectivement, 30 ERMV potentiels ont communiqué avec eux depuis le mois d’août 2018 pour avoir accès à leur réseau sans fil, ou avec lesquels elles sont en négociation. Dans le cadre de ces pourparlers, aucun n’a encore abouti à une entente et 13 de ces négociations sont indiquées comme étant en cours. Étant donné le court délai couvert par la demande, il est probable que cette liste sous-estime le nombre de ERMV qui entreraient sur le marché si les fournisseurs étaient disposés à conclure une entente avec eux.
  8. [## ##]
  9. [## ##]Note de bas de page 70.
  10. [## ##]
  11. [## ##]
  12. [## ##]
  13. [## ##]Note de bas de page 71.
  14. [## ##]
  15. [## ##]Note de bas de page 72.
  16. [## ##]
  17. Il n’est donc pas surprenant que les ERMV au Canada aient eu une capacité limitée d’attirer des abonnésNote de bas de page 73.
  18. Outre ces ERMV limités, dont la capacité concurrentielle est considérablement restreinte par leurs accords, les seules ventes réalisées dans le secteur du gros sont des accords d’itinérance qui ont été imposées par le CRTC et ISDE en réponse à des préoccupations liées au pouvoir de marchéNote de bas de page 74.

b. Conclusion

  1. En résumé, l’existence d’un pouvoir de marché dans le marché de détail signifie qu’il y a probablement un pouvoir de marché dans le marché de gros, étant donné la nature verticalement intégrée de la concurrence dans le marché du détail. Quoi qu’il en soit, la seule activité qui s’est présentée naturellement sur le marché de gros, et non au moyen d’une intervention réglementaire obligatoire, concerne très peu d’ERMV qui font face à des accords très restrictifs. Il est donc probable qu’il existe un pouvoir de marché dans le volet de gros du sans-fil.

VI. Le marché du sans-fil canadien est vulnérable au contrôle coordonné les preuves en ce sens persistent parmi les trois géants

  1. Dans sa demande de renseignements du 5 juillet 2019, le CRTC a demandé si certains des facteurs associés au contrôle coordonné existaient sur le marché canadien du sans-filNote de bas de page 75. Le Bureau a constaté que l’industrie des services sans fil, et en particulier le marché canadien du sans-fil, est généralement très sensible au contrôle coordonnéNote de bas de page 76 puisque les conditions nécessaires et les facteurs facilitant le contrôle coordonné sont présents. Les marchés du sans-fil ont des caractéristiques qui les rendent susceptibles au contrôle coordonné général, c’est pourquoi le contrôle coordonné est chose courante sur les marchés du sans-fil à l’échelle internationale.
  2. Le CRTC a également demandé où se situaient les preuves de contrôle coordonné sur le marché du sans-fil canadienNote de bas de page 77. Le Bureau a constaté qu’il est probable que le contrôle coordonné des trois géants existe. Bien qu’il y ait des preuves récentes suggérant une rupture ou une perturbation possible du contrôle coordonné, il est trop tôt pour dire s’il s’agit d’un changement durable et significatif dans le comportement concurrentiel des trois géants. Il n’est pas non plus clairement établi si la cause est l’intensification de la concurrence sur le marché ou la menace d’une intervention réglementaire, compte tenu du moment où cette activité a lieu.

a. Le contrôle coordonné est prédominant dans les marchés du sans-fil internationaux

  1. Les télécommunicateurs ont fait valoir que le contrôle coordonné est « fort improbable dans l’industrie des services sans fil mobileNote de bas de page 78 ». Toutefois, un examen des marchés du sans-fil dans les pays de l’OCDE démontre la prévalence d’un contrôle coordonné sur les marchés du sans-fil. Les organismes de réglementation internationaux ont constaté ou cerné une possibilité de contrôle coordonné parmi les ERM dans les marchés des services d’accès de détail et de gros des services sans fil dans de nombreuses juridictions.
  2. En 2002, la Netherlands Competition Authority (NMa) a imposé une amende à cinq exploitants de services sans fil pour contrôle coordonné, décision qui a été confirmée en 2011Note de bas de page 79. De plus, en 2013, alors que la Netherlands Competition Authority (NMa) n’a pas pu trouver de preuves d’accords de prix illégaux, elle a constaté que des déclarations publiques unilatérales dans la presse ou lors de conférences comportaient un risque de contrôle coordonné par les exploitantsNote de bas de page 80.
  3. En 2005, la Communications Regulation Commission (ComReg) d’Irlande a mené un examen exhaustif du marché du sans-fil, a aussi repéré un certain nombre de caractéristiques structurelles qui, selon elle, favorisent un contrôle coordonné entre Vodafone et O2, notamment la structure du marché, la motivation à la coordination, la capacité de coordination et la capacité de détecter la fraude, le caractère exécutoire du respect et les contraintes réelles ou potentielles du marché. ComReg a constaté que Vodafone et O2 exerçaient un contrôle coordonné sur le prix et le refus d’accès aux fournisseurs de services indépendants ou ERMVNote de bas de page 81. Après avoir obtenu l’accord de la Commission européenne (CE) relativement à sa constatation d’une position dominante commune, ComReg a imposé à Vodafone et O2 d’ouvrir leurs réseaux aux ERMVNote de bas de page 82. « Position dominante commune » est un terme utilisé pour décrire les comportements coordonnésNote de bas de page 83.
  4. De même, dans le cadre de sa conclusion selon laquelle les trois ERM espagnols détenaient un pouvoir de marché important sur le marché du sans-fil, la Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones (CMT) a relevé un certain nombre de caractéristiques structurelles favorables à un contrôle coordonné, notamment la structure du marché, la transparence du marché de gros, la symétrie de la structure des coûts des ERM et l’absence de contraintes réelles ou potentielles du marchéNote de bas de page 84.
  5. La CMT a constaté qu’en dépit de la preuve que des fournisseurs de services cherchent à obtenir un accès de gros aux réseaux des ERM, Telefónica, Vodafone et Amena avaient conclu un accord tacite pour refuser obstinément l’accès au réseau à de nouveaux concurrents afin de maintenir un niveau élevé de rentabilité :
    « De l’avis de la CMT, la motivation pour instaurer un contrôle coordonné est très forte. Compte tenu des niveaux élevés de rentabilité déjà atteints sur le marché mobile par les trois ERM et des obstacles à l’entrée très importants, ces derniers ont d’excellentes raisons de ne pas donner accès aux ERMV, car ainsi leur modèle économique rentable serait menacé. En leur refusant cet accès, ils se réservent le marché de détail à des niveaux élevés de prix et de rentabilité, sans la menace d’un ou plusieurs nouveaux concurrentsNote de bas de page 85. »
  6. En 2016, la CE a décidé que la coentreprise proposée entre Wind et Hutchison en Italie entraverait de manière importante la concurrence en permettant des effets anticoncurrentiels coordonnés et non coordonnés sur le marché de détail. Dans un examen subséquent des mesures relatives à la coentreprise, on a affirmé :
    « En effet, la transaction de 2016 aurait augmenté le risque que les trois autres exploitants de réseau mobile (ERM) soient en mesure de coordonner leur contrôle et d’augmenter leurs prix de manière durable, même sans conclure un accord ou recourir à une pratique concertée au sens de l’article 101 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Plus particulièrement, la transaction de 2016 aurait conduit à un alignement global des incitatifs visant la coentreprise, TIM et Vodafone d’exercer un contrôle coordonné de leur comportement concurrentiel. Il leur aurait été possible de s’entendre sur des conditions dudit contrôle coordonné et ce contrôle coordonné aurait probablement persisté après la transaction de 2016Note de bas de page 86. »
  7. En 2008, l’Autorité de la concurrence française a constaté que les trois ERM nationales exerçaient un contrôle coordonné pour s’abstenir d’offrir un accès de gros à des conditions favorables aux ERMVNote de bas de page 87. Les exploitants ont exercé un contrôle coordonné avec succès pour restreindre la variété de produits offerts afin d’éviter la cannibalisation. Afin de stimuler la concurrence dans le secteur mobile, l’autorité réglementaire française a accordé une quatrième licence de spectre radioélectrique 3G à Free Mobile en 2010Note de bas de page 88. Quelques mois avant l’entrée prévue sur le marché de Free Mobile (début 2012), les trois exploitants titulaires ont introduit des sous-marques offrant des services bon marchéNote de bas de page 89. Les niveaux de prix et de qualité des sous-marques ont été étroitement liés à ceux de Free Mobile dès que l’entreprise a commencé à offrir son service aux consommateursNote de bas de page 90. Une étude du marché français de la téléphonie mobile réalisée après cet événement a révélé que le lancement par les exploitants titulaires des marques concurrentes était dû à une rupture dans le contrôle coordonné, déclenché par l’entréeNote de bas de page 91. Les consommateurs ont beaucoup profité de la plus grande variété de services offerte par le nouvel arrivant et des marques concurrentes ainsi que de la réaction des exploitants en matière de prix à la suite de l’entrée sur le marché d’un concurrent.
  8. Des préoccupations liées à la coordination ont également été soulevées aux États-Unis, et le département de la Justice des États-Unis a affirmé que le marché des services sans fil était susceptible d’inciter au contrôle coordonné :
    « Certains aspects des marchés des services de télécommunications mobiles sans fil, notamment la transparence des prix, le faible pouvoir de l’acheteur sur le marché et les obstacles importants à l’entrée sur le marché et à l’expansion, les rendent particulièrement sensibles au contrôle coordonnéNote de bas de page 92. »
  9. Plus récemment, des préoccupations relatives au contrôle coordonné ont également été soulevées au sujet de la fusion proposée entre T-Mobile et Sprint, selon lesquelles la fusion faciliterait le contrôle coordonné des prix, des promotions et des services offerts par les trois fournisseurs de services sans fil mobiles restants à l’échelle nationale, ce qui entraînerait « une augmentation des prix et des offres de services moins intéressantes pour les consommateurs américains, qui paieraient collectivement des milliards de dollars de plus chaque année pour leurs services mobiles sans filNote de bas de page 93. »
  10. Plusieurs autres organismes de la concurrence dans les pays de l’OCDE ont soupçonné des cas de contrôle coordonné chez les ERM soit notamment les organismes de la République tchèqueNote de bas de page 94, la SuisseNote de bas de page 95, l’AllemagneNote de bas de page 96, la République de MalteNote de bas de page 97 et la SlovénieNote de bas de page 98.
  11. Le fait que de nombreux pays de l’OCDE aient trouvé des preuves d’un contrôle coordonné sur les marchés des services sans fil cela laisse croire que cette industrie présente les conditions nécessaires et les facteurs de facilitation pour l’exercice d’un contrôle coordonné.

b. Le marché canadien des services sans fil est susceptible d’inciter à l’exercice d’un contrôle coordonné

  1. Le marché des services sans fil au Canada possède les caractéristiques distinctives d’un marché susceptible d’inciter à l’exercice d’un contrôle coordonné. Il y a contrôle coordonné lorsque des entreprises qui se livrent une concurrence continue sur le même marché adoptent une stratégie visant à réduire au minimum les réactions concurrentielles des autres entreprises. Elles peuvent ainsi s’entendre tacitement sur le fait que chaque entreprise réagira de manière accommodante face au comportement des autres. Une telle situation se présente lorsque les entreprises peuvent s’envoyer des signaux (sans toutefois communiquer explicitement) par des interactions répétées comme la fixation ou l’annonce de prix, et elle facilite le maintien de prix plus élevés.
  2. En termes simples, dans un marché concurrentiel, si une entreprise augmente ses prix, elle risque de perdre des clients alors que ceux-ci se tourneront vers leurs concurrents. Toutefois, lorsqu’il y a un contrôle coordonné, une entreprise peut avoir suffisamment confiance pour augmenter ses prix, sachant que ses concurrents lui emboîteront le pas. Les entreprises sont ainsi moins dissuadées d’augmenter leurs prix, comme le risque de perdre des clients est réduit.
  3. Les caractéristiques suivantes du marché sont susceptibles d’être présentes si l’on veut que l’exercice du contrôle coordonné soit durable :
    1. les entreprises reconnaissent individuellement les modalités de coordination mutuellement avantageuses;
    2. les entreprises se surveillent mutuellement et peuvent détecter les écarts (réductions de prix) par rapport aux conditions du contrôle coordonné;
    3. les entreprises réagissent à tout écart par rapport aux conditions du contrôle coordonné au moyen de mécanismes de dissuasion crédibles;
    4. le contrôle coordonné ne sera pas menacé par des facteurs externes, comme la réaction de concurrents existants et potentiels ne faisant pas partie du groupe de contrôle coordonné de l’entrepriseNote de bas de page 99.
  4. Sur le marché canadien des services sans fil, les entreprises semblent reconnaître que la coordination serait mutuellement avantageuse, par exemple lorsqu’elles décrivent pendant leur conférence téléphonique avec les investisseurs le besoin de restreindre la concurrence en mettant en œuvre une « discipline tarifaire »Note de bas de page 100 , et qu’elles qualifient l’activité concurrentielle de non rentableNote de bas de page 101.
  5. Les entreprises sont en mesure de communiquer à l’aide de signaux liés aux prix et d’annonces publiques. Les prix affichés sont accessibles au public et font l’objet d’une surveillance étroite et d’une réaction rapide. Enfin, la menace de représailles de la part des concurrents dans un « marché intérieur » à trois géants est un facteur important dans les décisions des fournisseurs de services en matière de prix en raison de la présence sur de multiples marchés. On en parlera plus amplement dans les sections suivantes.
  6. Il existe aussi beaucoup d’autres caractéristiques plus spécifiques qui peuvent influer sur la durabilité du contrôle coordonné. Ces facteurs permettent aux concurrents de communiquer plus facilement à l’aide des signaux, de déterminer si un concurrent n’a pas rompu l’accord de contrôle coordonné et de sanctionner efficacement ceux qui commettent des écarts. Vous trouverez ci-dessous une analyse de ces facteurs relativement au marché canadien du sans-fil.

Marché concentré comptant peu de concurrents

  1. Le contrôle coordonné est plus facile à maintenir lorsqu’il y a moins d’acteurs sur un marché qui peuvent agir comme perturbateurs et que les bénéfices coordonnés sont partagés entre moins d’entreprises. Quelle que soit la mesure de la concentration du marché, le marché canadien du sans-fil est très concentré et compte peu de concurrents. Comme nous l’avons mentionné précédemment, le département de la Justice des États-Unis qualifie de très concentrés les marchés où l’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH) dépasse 2 500 pointsNote de bas de page 102. L’IHH dépasse les 2 500 points dans chaque province et territoire du Canada allant de 2660 au Québec à 8158 dans les Territoires du Nord-OuestNote de bas de page 103. Le ratio de concentration des quatre entreprises est de 100 % dans toutes les régions du CanadaNote de bas de page 104 et les trois géants possèdent 88,3 % du nombre total d’abonnés au pays.

Symétrie et stabilité du marché

  1. Le fait de détenir des parts symétriques et stables favorise l’exerce d’un contrôle coordonné. En cas d’asymétrie, l’entreprise dont la part de marché est la plus faible a plus à gagner d’un écart, et moins à perdre à la suite de représailles. Lorsque les parts de marché restent stables à long terme cela peut indiquer que l’entente est stable et faciliter la détection des écarts. Comme le montre la Figure 7, les parts de marché ont été remarquablement stables au niveau national au cours de la dernière décennie et sont symétriques, chacun des trois géants détenant près d’un tiers des abonnés Il existe également une symétrie dans l’offre des marques, chaque opérateur ayant des marques complémentaires (Virgin, Koodo, Fido) et des marques au rabais (Chatr, Public Mobile, Lucky).

Figure 7– Parts du marché national des services mobiles sans fil, par abonnés, 2008-2018 Note de bas de page 105

Figure 7– Parts du marché national des services mobiles sans fil, par abonnés, 2008-2018
Les détails de Parts du marché national des services mobiles sans fil, par abonnés, 2008-2018
Figure 7. Parts de marché nationales du sans-fil mobile par abonnés, 2008–2018
Firm 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Autre 8 % 5 % 7 % 9 % 10 % 10 % 10 % 10 % 11 % 10 % 10 %
Rogers 38 % 37 % 37 % 36 % 34 % 34 % 33 % 33 % 33 % 33 % 33 %
Telus 27 % 28 % 27 % 27 % 28 % 28 % 28 % 29 % 28 % 28 % 28 %
Bell 27 % 30 % 29 % 28 % 28 % 28 % 29 % 28 % 28 % 29 % 29 %
Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 28 % 29 % 29 %
Source: CRTC, Communications Monitoring Report 2008-2018, available at http://www.crtc.gc.ca/

Fréquence d’interaction

  1. La coordination est plus facile lorsque les entreprises interagissent plus fréquemment, puisqu’elles peuvent ainsi d’interpréter plus exactement les signaux en ayant des interactions répétées, et les entreprises peuvent réagir plus rapidement à un écart. Les trois géants interagissent constamment tant sur le plan des gammes de produits et que sur le plan géographique, et ce, depuis des décennies.

Obstacles à l’entrée

  1. La menace de l’entrée sur le marché de nouveaux concurrents peut empêcher une coordination durable. Toutefois, les barrières à l’entrée sont universellement considérées comme étant élevées sur le marché des services sans fil. Dans sa politique réglementaire de télécom CRTC 2015-177, le CRTC a conclu que « les obstacles à l’entrée sur le marché de détail sont majeursNote de bas de page 106. » D’importantes dépenses en immobilisations sont nécessaires et l’entrée sur le marché dépend de l’accès au spectre, une ressource publique limitée, qui en grande partie a déjà été attribuée au Canada. Les trois géants et les fournisseurs de services locaux titulaires ont mis des décennies à construire leurs infrastructures existantes et possèdent ainsi un avantage considérable par rapport à une nouvelle entreprise qui tenterait d’établir une présence dans le domaine. Même les nouveaux venus sur le marché ont construit leurs réseaux sur une période de 11 ans depuis qu’ils ont fait l’acquisition de spectre pour la première fois en 2008Note de bas de page 107.

Petites transactions relatives à la demande du marché

  1. Le contrôle coordonné est plus efficace lorsque les entreprises peuvent réagir rapidement aux écarts. Si les gains résultant d’une réduction excessive des prix sont de courte durée, l’incitatif associé à une telle réduction des prix est alors réduitNote de bas de page 108. Dans les secteurs où les contrats sont de grande importance, mais conclue en moins grand nombre, et qu’ils représentent une grande partie de la demande globale du marché, le contrôle coordonné est plus difficile à établir et à maintenir puisque chaque entreprise voudrait tricher et obtenir le gros contrat. Cet état ne s’appliquerait pas au marché canadien du sans-fil qui est caractérisé par un grand nombre de petites transactions. Les clients individuels ne sont pas assez importants pour inciter les trois géants à commettre des écarts puisque la facture de téléphone cellulaire d’un seul client représente une part négligeable de la demande totale du marché.

Partage de réseau

  1. Le CRTC cherchait également à savoir si le partage de réseaux augmente le risque d’un contrôle coordonnéNote de bas de page 109. En ce qui concerne les accords de partage de réseaux, l’OCDE suggère qu’il existe un risque de collusion tacite (un autre terme pour décrire la coordination) entre les ERM relativement à la qualité de leurs réseaux ou à l’accès à ceux-ci et, ce faisant, qu’il existe un risque plus grand d’établissement d’une position dominante collective :
    • « Un marché avec quatre ERM partageant deux réseaux d’accès radio avec des obstacles élevés à l’entrée sur le marché susciterait des préoccupations relatives au contrôle coordonné, car il est beaucoup plus facile d’établir un point focal et de surveiller et de punir le comportement de chacun, et les pressions extérieures sont limitées. Une préoccupation particulière pourrait être l’étendue et la qualité de la couverture, qui seraient sujettes à la concurrence entre les entités qui partagent un réseau plutôt qu’entre un plus grand nombre d’ERM. La couverture est facile à surveiller et tout investissement visant à l’améliorer pourrait faire l’objet de représailles de la part des concurrents et d’un investissement en contrepartie pour neutraliser tout avantage [...]
    • [...] on craint également que de tels accords accroissent le risque de contrôle coordonné à l’échelle de l’industrie pour refuser l’accès à des sites ou à des réseaux d’accès radio à de nouveaux venus sur le marché. La réduction du nombre de réseaux d’accès radio (RAR) pourrait faciliter une telle coordination et, si elle se produisait, il y aurait un risque de préjudice important pour la concurrence et pour les consommateurs. La probabilité que ce problème se pose est soumise aux mêmes facteurs que les incitations unilatérales potentielles à refuser l’accèsNote de bas de page 110. »

Preuve d’un contrôle coordonné antérieur

  1. L’historique du contrôle coordonné sur le marché est pertinent, car un contrôle coordonné antérieur et durable indique que les entreprises ont déjà réussi par le passé à surmonter les obstacles et à mettre en place un contrôle coordonné efficaceNote de bas de page 111. Le Bureau avait conclu précédemment que les trois géants exerçaient un contrôle coordonné sur les marchés où la concurrence était insuffisante. Cette constatation était fondée sur un examen approfondi d’un grand nombre de documents internes des trois géants et sur une analyse détaillée des prix à l’aide des données de l’entrepriseNote de bas de page 112.
  2. Les trois géants citent généralement l’opacité des prix, l’innovation et l’augmentation de la demande comme des obstacles à l’établissement d’une coordination; toutefois, le trois section suivantes expliquent pour quelles raisons cette caractérisation du marché n’est pas bien fondée.

Transparence des prix

  1. La coordination peut être difficile à maintenir lorsque les prix individuels ne sont pas facilement observables et ne peuvent pas être facilement déduits à partir de données du marché aisément accessibles. Lorsque le marché n’est pas transparent, il est difficile de surveiller et de détecter les écarts de coordination. Des prix et des offres transparents peuvent également être utilisés comme un mécanisme de communication. Comme il est décrit plus en détail dans la section suivante sur la signalisation des prix, les prix sur le marché canadien des services sans fil sont transparents, c’est-à-dire qu’ils sont accessibles au public et que les entreprises surveillent de près les offres de prix et de forfaits de leurs concurrents en consultant leur site Web, en examinant les annonces de prix et en faisant appel à de faux clients.

Innovation

  1. L’exercice d’un contrôle coordonné peut être plus difficile sur les marchés innovants. En effet, s’il existe un risque important qu’un concurrent introduise une innovation radicale qui entraînera une érosion importante de la part de marché d’une entreprise, celle-ci s’attendra à ce que sa position sur le marché soit de courte durée et elle aura l’incitatif de s’écarter de l’accord en place pour réaliser des profits à court terme. Essentiellement, dans les marchés innovants, la menace de la riposte future d’un concurrent pourrait ne pas être crédible.
  2. Toutefois, ce facteur ne s’applique pas au marché des services sans fil, où l’innovation est sous l’influence externe de fabricants d’équipement et les innovations d’organismes d’établissement de normes sur ce marché, qui ne sont pas dictées par les fournisseurs de services et sont ce que l’on peut appeler des innovations prévisibles. Lorsque les fabricants d’appareils introduisent de nouvelles caractéristiques et fonctionnalités pour les appareils, celles-ci sont offertes également aux trois géants. Les réseaux sont établis selon des normes mondiales qui ne proviennent pas du Canada. Les fournisseurs de services sans fil, comme les trois géants, contribuent à la recherche et au développement, mais ne l’encourage pas, et il y a des préavis et de longs délais d’approvisionnement associés aux innovation. Par conséquent, règle générale, aucun avantage important n’est conféré par l’innovation à un fournisseur de services national en particulier, car ils sont prévenus des innovations à venir et tous disposent d’un accès égal aux nouveaux produits innovateurs et aux technologies de réseau.

Croissance de la demande

  1. La demande en services sans fil augmente, l’utilisation des services de données étant le moteur de cette croissance. En période de croissance rapide, les marchés peuvent être moins propices à un contrôle coordonné. En effet, l’entrée de concurrents sur le marché est plus probable dans des marchés en croissance et la perspective de l’entrée future d’un concurrent sur le marché entrave alors la capacité de coordination. Toutefois, sur les marchés en période de croissance où les obstacles à l’entrée sont élevés, la croissance du marché peut à l’inverse faciliter la coordination, puisqu’il est plus facile de maintenir la coordination lorsque les gains à court terme associés à un écart sont faibles comparativement au coût de la riposte future. Pour un nombre fixe d’acteurs sur le marché, cela signifie que le contrôle coordonné est en fait plus facile à maintenir sur des marchés en croissance, étant donné que les bénéfices qui pourraient être réalisés aujourd’hui sont faibles par rapport à ceux qui le seront demain.

Les trois géants du marché peuvent signaler leurs intentions en matière de prix et surveiller le comportement de chacun afin de détecter les écarts

  1. Les trois géants semblent communiquer au moyen des prix affichés publiquement assortis de dates de fin préétablies pour indiquer ce qu’ils ont l’intention de faire sur le plan de l’établissement des prix dans un proche avenir. Le Bureau a identifié plusieurs moyens par lesquels les trois géants communiquent leurs intentions en matière de prix.
  2. Le premier moyen consiste en des annonces publiques concernant les prix et les prix promotionnels à venir, pour lesquelles des dates de fin préétablies sont fixées. Par exemple, la chronologie ci-dessous illustre une série d’annonces de prix faites par les fournisseurs de services qui ont entraîné une augmentation de 5 $ des prix des services sans fil pour tous les forfaits de Rogers, Bell et Telus.

Figure 8– Chronologie des annonces de prix ayant entraîné une augmentation de 5 $ des prix des forfaits

Figure 8– Chronologie des annonces de prix ayant entraîné une augmentation de 5 $ des prix des forfaits
Les détails de Chronologie des annonces de prix ayant entraîné une augmentation de 5 $ des prix des forfaits
  1. Telus annonce une hausse de prix pour le 1er mars.
  2. Bell annonce une hausse de prix pour le 12er mars.
  3. Rogers annonce la révision de la date de fin de sa promotion le 12 mars.
  4. Telus révise sa hausse de prix pour le 12 mars.
  5. Bell impose une hausse de 5 $ sur tous les forfaits le 12 mars.
  6. Rogers impose une hausse de 5 $ sur tous les forfaits le 12 mars.
  7. Telus impose une hausse de 5 $ sur tous les forfaits le 12 mars.
  8. Telus révise son annonce de hausse de prix pour le 14 mars.
  9. Rogers annonce une réduction de prix qui se terminera le 31 mars.
  1. Un fournisseur de services commence par signaler son intention en matière de prix, c’est-à-dire par émettre un avis au sujet du changement de prix et de la date à laquelle il se produira, puis il attend la réaction des autres fournisseurs. Ceux-ci peuvent réagir en proposant des changements à ses propres prix ou à la date de sa mise en œuvre, puis voir si les autres fournisseurs acceptent le changement qu’ils proposent. Enfin, elles mettent en œuvre le changement de prix. Cette signalisation s’effectue sans risque pour les fournisseurs de services, car les prix ne sont pas en vigueur sur le marché; ils ne le seront qu’à une date ultérieure.
  2. Par conséquent, les gammes de prix et de produits des trois géants finissent par être assez similaires au fil du temps. Par exemple, les chiffres ci-dessous illustrent l’évolution des prix pour trois forfaits, montrant la façon dont les offres des fournisseurs sont similaires en matière de prix également lorsqu’un forfait de données équivalent est disponible. Les écarts dans les graphiques indiquent qu’aucun forfait équivalent n’était disponible pendant cette période.

Figure 9– Prix d’un forfait de 4 Go par fournisseur de services Note de bas de page 113

Figure 9– Prix d’un forfait de 4 Go par fournisseur de services
Les détails de Prix d’un forfait de 4 Go par fournisseur de services
4 Go Octobre 2017 Novembre 2017 Decembre 2017 Janvier 2018 Février 2018 Mars 2018 Avril 2018 Mai 2018 Juin 2018 Julliet 2018 Août 2018 Septembre 2018 Octobre 2018 Novembre 2018 Decembre 2018 Janvier 2019 Février 2019 Mars 2019 Avril 2019 Mai 2019 Juin 2019 Julliet 2019
Bell 100 $ 100 $   85 $ 105 $     90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $     85 $          
Rogers 100 $ 100 $ 100 $ 85 $ 105 $     90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $                
Telus 95 $ 95 $ 95 $ 85 $ 100 $ 105 $   90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $ 90 $     90 $          

Figure 10– Prix d’un forfait de 8 Go par fournisseur de services Note de bas de page 114

Figure 10– Prix d’un forfait de 8 Go par fournisseur de services
Les détails de Prix d’un forfait de 8 Go par fournisseur de services
8 Go Octobre 2017 Novembre 2017 Decembre 2017 Janvier 2018 Février 2018 Mars 2018 Avril 2018 Mai 2018 Juin 2018 Julliet 2018 Août 2018 Septembre 2018 Octobre 2018 Novembre 2018 Decembre 2018 Janvier 2019 Février 2019 Mars 2019 Avril 2019 Mai 2019 Juin 2019 Julliet 2019
Bell         110 $   120 $ 120 $         105 $ 105 $ 105 $         100 $    
Rogers         110 $   120 $ 120 $     105 $ 105 $ 105 $ 105 $ 105 $         100 $    
Telus         110 $   120 $ 120 $     105 $ 105 $ 105 $ 105 $ 105 $         100 $    

Figure 11– Prix d’un forfait de 10 Go par fournisseur de services Note de bas de page 115

Figure 11– Prix d’un forfait de 10 Go par fournisseur de services
Les détails de Prix d’un forfait de 10 Go par fournisseur de services
10 Go Octobre 2017 Novembre 2017 Decembre 2017 Janvier 2018 Février 2018 Mars 2018 Avril 2018 Mai 2018 Juin 2018 Julliet 2018 Août 2018 Septembre 2018 Octobre 2018 Novembre 2018 Decembre 2018 Janvier 2019 Février 2019 Mars 2019 Avril 2019 Mai 2019 Juin 2019 Julliet 2019
Virgin 105 $ 115 $   115 $   115 $ 115 $ 115 $                            
Fido 105 $ 115 $ 115 $ 115 $   115 $ 115 $ 115 $                            
Koodo 105 $ 105 $ 115 $     115 $         90 $                 85 $    

  1. En plus d’utiliser les annonces publiques prospectives pour signaler des changements de prix, les trois géants parlent de leurs activités d’établissement des prix et de leurs intentions futures en matière d’établissement des prix dans les conférences téléphoniques avec les investisseurs indiquant leurs intentions de prix pour le trimestre suivant. C’est ce que démontre l’extrait ci-dessous d’une conférence téléphonique des investisseurs de Rogers en 2014Note de bas de page 116.
    Glen Campbell, analyste, Bank of America Merrill Lynch
    J’aimerais faire un bref suivi à ce sujet. Je veux dire, à mon sens, l’établissement des prix a été assez compétitif pendant la plus grande partie du trimestre. Et maintenant, depuis la fin du premier trimestre et le début du deuxième, l’approche est beaucoup plus disciplinée, alors serait-il juste de dire que vous faites un compromis au chapitre du revenu moyen par utilisateur aux frais d’une sous-croissance pour le reste de l’année?


    Guy Laurence, président et chef de la direction, Rogers Communications Inc.
    Glen, c’est Guy, permettez-moi de répondre à votre question. Je pense qu’il est exact d’affirmer cela. J’aimerais dire que Rob et moi avons décidé de changer légèrement de tactique. Je ne dis pas qu’il s’agit d’un changement structurel, mais nous essayons une nouvelle approche. En passant, ce n’est pas nécessairement nous qui sommes responsables de l’élimination d’une partie des perturbations sur le marché, mais nous avons quand même réduit la quantité d’activités promotionnelles et nous continuons de surveiller la situation pour voir comment le marché évolue de façon plus générale et comment cela affecte bien sûr notre trajectoire pour l’avenir.
  2. Des déclarations semblables ont été faites récemment lorsque Bell n’a pas égalé les réductions de Telus et de Rogers dans les subventions aux appareils au cours d’une conférence téléphonique avec les investisseurs de Telus en 2019Note de bas de page 117.

    Maher Yaghi - Analyste quantitatif chez Desjardins

    Pour enchaîner, croyez-vous que les acteurs de l’industrie peuvent maintenir les solides bénéfices ou les marges qu’ils affichent actuellement si ces forfaits illimités, qui exercent des pressions sur le RMPU, ne sont pas contrebalancés par la réduction des subventions pendant que l’un de vos concurrents continue à offrir des subventions sur ces forfaits?

    Darren Entwistle – Président des Communications et chef de la direction de Telus

    Relativement à ce dernier point, je pense que l’industrie se disciplinera à cet égard. Deuxièmement, si cela se produit, je ne pense pas que ce sera durable. Je pense que la pression incitera les acteurs de l’industrie à prendre les bonnes décisions économiques.

  3. Une stratégie possible parmi les trois géants consiste à implanter des réductions de prix sélectives pour imposer une discipline tarifaire, comme il a été mentionné dans un rapport d’avril 2015 publié dans Telecom and Cable Weekly intitulé « Flanker Brand pricing : Enforcing the discipline ». L’article faisait état de nouveaux prix pour la marque Virgin de Bell, qui correspondaient à une « promotion très compétitive » de Koodo, elle-même lancée peu de temps après le « relancement » de Fido à des prix réduits. On souligne dans l’article que « la bonne nouvelle dans cette situation est que nous croyons que l’objectif de Telus, avec la promotion Koodo, est de pousser Rogers à renverser la réduction de prix visant ses forfaits de 1 Go et 2 Go (c.-à-d. que l’entreprise fait un effort pour imposer une discipline) et non pas de s’approprier une part de marchéNote de bas de page 118. »
  4. Ce type d’énoncés prospectifs sur les prix au cours d’événements de réseautage des investisseurs a été utilisé comme mécanisme de contrôle coordonné dans d’autres pays, y compris dans les marchés des services sans fil en ItalieNote de bas de page 119 et aux Pays-BasNote de bas de page 120.

Présence sur de multiples marchés et établissement de marchés intérieurs

  1. Il est bien connu que les entreprises peuvent maintenir plus facilement le contrôle coordonné lorsqu’elles sont en concurrence les unes avec les autres sur plusieurs marchésNote de bas de page 121. Ce concept est appelé dans la littérature économique « liens multi-marchés ». La présence sur de multiples marchés peut entraîner un contrôle coordonné lorsqu’une entreprise choisit de ne pas se livrer à une concurrence acharnée sur un marché, par peur de représailles de son concurrent sur d’autres marchés. La présence sur de multiples marchés entre les trois géants est importante et englobe un certain nombre de marchés géographiques et de secteurs d’activité de gros et de détail.
  2. Bell, TELUS et Rogers ont des « marchés intérieurs » où ces entreprises se sont toujours taillé la part du lion. Elles disposent aussi dans ces marchés d’une vaste infrastructure filaire. Lorsque les trois géants se font concurrence, ils mettent en danger leur propre base d’abonnés de leur « marché national », puisque leur concurrent pourrait répondre en faisant diminuer les prix où se trouve leur base d’abonnés. Au lieu de cela, ils choisissent de livrer une concurrence féroce entre eux et une concurrence plus agressive contre des fournisseurs locaux solides, car ces derniers ne peuvent pas exercer de représailles sur les marchés « principaux » des trois géants.
  3. Un analyste des télécommunications explique très bien ce concept quand il décrit la position stratégique de MTS avant son acquisition par Bell.
    « MTS demeure dans une position stratégique peu enviable – Bien qu’il n’y ait pas eu de nouveaux entrants sur le marché au Manitoba, la situation de MTS est bien pire : la société doit faire face à trois grands exploitants nationaux. En outre, 1) les exploitant nationaux peuvent pratiquer des prix agressifs au Manitoba sachant très bien que MTS ne pourra riposter sur les marchés principaux des entreprises titulaires à Toronto, Montréal, Calgary, Vancouver etcNote de bas de page 122. »
  4. Les renseignements recueillis durant l’enquête sur Bell/MTS ont confirmé la probabilité que Bell, Rogers et Telus comparent les avantages d’une concurrence vigoureuse dans un secteur par rapport au risque de représailles de la part des concurrents dans leur « marché intérieur »Note de bas de page 123. Si, toutefois, des entreprises présentes sur de multiples marchés font face à une entreprise qui ne possède pas les mêmes facteurs d’incitation sur un marché particulier, le contrôle coordonné peut alors se dégrader. Un fournisseur de services locaux titulaire n’a pas la capacité de riposter sur le marché intérieur des trois géants, de sorte que ces derniers ne s’exposent à aucun risque en faisant concurrence au fournisseur régional dans le but de lui voler des parts de marché. Les fournisseurs de services locaux peuvent donc jouer un rôle perturbateur dans le marché en incitant Bell, TELUS et Rogers à livrer une vive concurrence là où elles sont présentes. En fin de compte, la présence sur de multiples marchés affaiblit la concurrence les trois géants en raison du contrôle coordonné.

c. La concentration et laqualité du réseau n’expliquent pas les différences des prix à l’échelle régionale, les perturbateur de service sans fils l’expliquent

  1. Le Bureau et ses experts ont constaté que les différences de concentration du marché et de qualité du réseau n’expliquent pas toujours les différences de prix régionales, alors que la présence d’un perturbateur de services sans fil l’explique.
  2. Comme il a été expliqué précédemment, l’IHH est une mesure communément acceptée de la concentration du marché, l’indice IHH augmente à mesure que le nombre d’entreprises sur le marché diminue et que l’écart de taille entre ces entreprises augmente. Plus l’IHH est élevé, plus le marché est concentré.
  3. En cas de concurrence unilatérale, la théorie économique prédit que les régions dont l’IHH est le plus faible aient également des prix plus bas, puisqu’ils sont plus concurrentiels. Toutefois, comme l’illustre la Figure 12, il ne semble pas y avoir de lien entre l’IHH et les prix moyens. Par exemple, les prix en Saskatchewan sont bien inférieurs à ceux demandés à l’Île-du-Prince-Édouard, même si l’indice IHH est plus élevé en Saskatchewan.

Figure 12– Prix par Go – corrélation avec l’IHH Note de bas de page 124

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  1. L’autre explication généralement invoquée par les fournisseurs de services nationaux pour expliquer l’absence de corrélation entre la concentration et la tarification est que la variation de la qualité du réseau est ce qui explique les écarts de prix.
  2. Par exemple, le rapport commandé par Bell à Charles River Associates conclut que :
    • Les régressions utilisant les données de 2018 produisent des résultats semblables aux résultats obtenus à partir des données de 2016. Les caractéristiques des forfaits, les allocations de données et les caractéristiques de la population provinciale expliquent en grande partie les écarts observés par rapport aux prix des forfaits de services sans fil entre les provinces en 2018. Les mesures de la qualité du réseau fournissent des explications importantes quant aux écarts dans les prix des forfaits sans fil, lorsque les écarts ne sont pas attribuables aux caractéristiques du forfait, aux allocations de données et aux caractéristiques de la population. Comme nous l’avons déjà constaté, la relation entre la qualité du réseau et les prix des forfaits sans fil n’est pas linéaire. L’estimation adopte donc une approche souple. En utilisant cette approche souple et les coefficients qui en résultent relativement aux variables de qualité du réseau, on constate par exemple que la plus grande partie des écarts entre les prix des forfaits de services sans fil en Saskatchewan et en Ontario en 2018 sont liés à la qualité du réseau, aux caractéristiques des forfaits, aux allocations de données et aux caractéristiques de la populationNote de bas de page 125.
  3. Cependant, en 2018, l’effet de la vitesse moyenne de téléchargement (selon les données de rapport) sur le prix a suivi un modèle en U inversé (voir le Rapport de Charles River Associates, figure 1A, page 39). Cela signifie en effet que des vitesses moyennes de téléchargement plus rapides expliquent les prix plus élevés, mais aussi parfois les prix plus bas. Cela illustre bien qu’il ne suffit pas d’expliquer les écarts de prix, mais qu’il faut aussi étudier les répercussions de la concurrence sur les résultats, y compris le prix et la qualité. Dans ce contexte, l’analyse des données confidentielles dans l’étude de Matrix n’a révélé aucun lien significatif entre les indicateurs de qualité du réseau et la présence de concurrents régionaux. Cela laisse croire que les écarts de prix corrélés à la présence de fournisseurs de services locaux ne sont pas liés de la même façon que les écarts en lien avec la qualité du réseau.
  4. Plutôt que les différences en matière de qualité, ce qui semble expliquer systématiquement l’établissement des prix, c’est l’existence d’un concurrent régional capable de perturber la coordination entre les fournisseurs de services nationaux, comme en témoignent l’effet sur les prix.

d. Les récentes activités d’établissement des prix indiqueraient un possible sursis du contrôle coordonné, mais le moment où elles surviennent est suspect

  1. L’étude Matrix démontre que les prix sont plus bas dans les régions où il y a des perturbateurs de services sans fil. Toutefois, elle montre également que les prix entre les régions convergent, qu’il y ait un solide concurrent régional ou non.
  2. La Figure 13 expose le fait que les prix dans des régions où se trouvent des fournisseurs régionaux établis, comme SaskTel, ont baissé plus lentement que ceux exigés dans des régions où sont arrivés de nouveaux fournisseurs, comme Vidéotron. Ainsi, alors que les prix dans les régions sans fournisseurs régionaux établis commencent à des niveaux plus élevés, ils baissent plus rapidement que dans les régions qui comptent des fournisseurs régionaux établis.

Figure 13 – $/Go par province, 2014-2018Note de bas de page 126

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  1. En outre, de récents événements indiquent qu’une rupture du contrôle coordonné est possible entre les trois géants. Comme nous l’avons déjà mentionné, les trois géants peuvent faire appel à des annonces publiques concernant les prix à venir pour signaler leurs intentions en matière de prix et surveiller le comportement de chacun afin de détecter les écarts.
  2. La Figure 14 illustre les récentes annonces de prix liées au lancement des forfaits illimités Infini de Rogers. Le tableau montre qu’à la suite de l’annonce par Rogers du lancement de ses forfaits illimités, Bell et Telus ont annoncé des forfaits semblables, mais seulement sur une base promotionnelle avec une date d’échéance précise. Rogers n’a pas répondu au signal de prix promotionnel et a maintenu ses forfaits illimités sur une base permanente, le résultat de ceci fut la décision de Bell et Telus à emboîter le pas éventuellement.

Figure 14 – Chronologie des annonces liées aux forfaits de données illimités

Figure 14 – Chronologie des annonces liées aux forfaits de données illimités
Les détails de Chronologie des annonces liées aux forfaits de données illimités
  1. Bell offre des forfaits équivalents à ceux de Rogers en promotion jusqu'au 30 juin. - Le 12 juin 2019
  2. Rogers annonce ses forfaits « illimites » infini de 10 Go, 20 Go et 50 Go. - Le 12 juin 2019
  3. Telus annonce un forfait de 10 Go avec une offre promotionnelle de 5 Go en prime jusqu'au 2 juillet. - Le 12 juin 2019
  4. Telus offre des forfaits équivalents aux forfaits « illimites » de 10 Go et de 20 Go de Rogers en promotion jusqu'au 2 juillet. - Le 18 juin 2019
  5. Bell confirme qu'elle maintient son offre de forfaits « illimites ». - Le 3 juillet 2019
  6. Le forfait « illimite » de 10 Go de Telus devient permanent. - Le 3 juillet 2019
  7. Rogers lances de forfaits « illimites » qui couvrent le Canada et les États Unis. - Le 10 juillet 2019
  8. Rogers annonce que 365 000 clients se sont abonnés aux forfaits « illimites » de 10 Go et utilisent 50 % plus de données. - Le 23 juillet 2019
  9. Telus réduit le prix de forfait « illimite » de 10 Go en Sasketchewan, au Manitoba et Québec. - Le 25 juillet 2019
  10. Bell abaisse les prix des « illimites » en Sasketchewan, au Manitoba et Québec. - Le 14 août 2019
  11. Rogers annonce que 750 000 clients se sont abonnés aux forfaits « illimites ». - Le 12 septembre 2019

  1. Bien qu’il semble y avoir certains signes d’un sursis de la coordination, le Bureau avertit du fait que le moment de l’occurrence de ces événements permet difficilement d’attribuer l’activité concurrentielle à une perturbation de la coordination ou à la prise de mesures en réponse à autre chose, comme l’examen réglementaire actuel et la politique proposée pour les ERMV. Comme l’a mentionné le CRTC, « la simple possibilité de la concurrence n’est pas un motif suffisant de l’abstention de réglementerNote de bas de page 127 ».

VII. Conclusion

  1. Les constatations exposées dans la Partie 1 permettent au CRTC de saisir l’ampleur et l’étendue du pouvoir de marché au sein du marché canadien des services sans fil. Il se caractérise par de grandes parts de marché, d’imposants obstacles à l’entrée et des taux de rentabilité élevés. Que ces effets soient ou non attribuables à l’exercice unilatéral ou coordonné d’un pouvoir de marché, l’étude Matrix procure des preuves directes de l’existence de ce pouvoir. Elle montre que les trois géants sont en mesure de faire grimper les prix au-delà des niveaux concurrentiels dans la majorité des régions du Canada. Cela fait en sorte que beaucoup de Canadiens paient à fort prix des services sans fil et utilisent moins de données.
  2. Le Bureau a toutefois observé également que la concurrence entraînée par des fournisseurs régionaux affiche des signes prometteurs en matière d’abaissement des prix. Là où des fournisseurs régionaux ont pris une envergure suffisante, les Canadiens paient nettement moins pour leurs services sans fil et consomment davantage de données.
  3. Fort de ces connaissances le Bureau fera état, dans la Partie 2 de ce mémoire, des facteurs à considérer pour concevoir des mesures correctives ciblées qui stimulent la concurrence tout en préservant les incitations à investir.

Partie 2 : Une évaluation des mesures correctrices possibles afin de promouvoir la concurrence

  1. Dans cette section, le Bureau décrira d’abord les leçons tirées d’une analyse d’autres pays, notamment ceux qui ont imposé un accès obligatoire aux ERMV. Après avoir compris la dynamique de la concurrence au Canada et les leçons tirées ailleurs dans le monde, le Bureau examinera les diverses mesures correctives dont dispose le CRTC et exposera les mérites de chacune d’elles. Enfin, le Bureau recommandera une mesure corrective ciblée qui, à son avis, est la plus susceptible de se révéler efficace pour stimuler la concurrence à court terme, tout en préservant la viabilité des perturbateurs des services sans fil et en assurant la poursuite des investissements dans des réseaux de grande qualité.

VIII. Expérience internationale relative à un accès obligatoire des ERVM

  1. L’étude internationale du Bureau porte essentiellement sur des pays ayant imposé un accès obligatoire aux ERMV. L’expérience internationale relative à un accès obligatoire des ERVM peut procurer les renseignements nécessaires sur la marche à suivre au Canada. Bien que les comparaisons internationales portent rarement sur des éléments identiques et présentent certaines limites, elles montrent les différents moyens de mettre en place un accès pour les ERMV, de même que les répercussions de chaque modèle sur la promotion de la concurrence et l’abaissement des prix.
  2. Les conclusions présentées ici reposent sur l’examen de renseignements du domaine public et sur des entrevues avec divers intervenants de l’industrie œuvrant dans les pays étudiés, notamment des organismes de réglementation des télécommunications.
  3. Cette étude a révélé que dans certains cas d’imposition de l’accès obligatoire aux ERMV, des organismes de réglementation ont principalement choisi d’inciter les fournisseurs à procéder à des négociations commerciales des tarifs plutôt que de fixer un tarif de gros ou de réserver une capacité de réseau.
  4. Les ERMV recueillent habituellement moins de 10 % de la part d’abonnés dans les pays où ils exercent leurs activités et ont tendance à cibler des « créneaux » du marché. Mais, malgré des parts de marché relativement modestes, les ERMV ont exercé une certaine pression concurrentielle sur les ERM.
  5. De plus, bien qu’un accès obligatoire aux ERMV pourrait en théorie entraîner une diminution des incitations à investir, il existe plusieurs exemples de pays ayant imposé un accès obligatoire aux ERMV sans connaître de baisse importante des investissements.
  6. Le Bureau reconnaît les limites associées aux études de comparaison internationales de l’accès obligatoire des ERMV, y compris celles associées à la présente étude. Plus particulièrement :
    1. peu de pays ont introduit l’accès obligatoire des ERMV et, par conséquent, la taille de l’échantillon est limitée pour en tirer des conclusions;
    2. parmi les pays où l’accès des ERMV est obligatoire, il n’y a que peu d’information sur les résultats, par exemple les prix des services sans fil disponible pendant la période de temps nécessaire;
    3. les résultats tiennent compte de l’incidence de nombreuses politiques et de nombreux événements observés sur le marché concomitants et consécutifs, de sorte qu’il est rare que des effets causaux importants liés à l’accès obligatoire des ERMV soient attribuables uniquement à une politique particulière comme l’accès des ERMV;
    4. il existe des différences importantes entre les pays étudiés en termes de densité de population, de superficie et d’autres caractéristiques connexes qui peuvent faire en sorte que des politiques qui ont été efficaces ailleurs ne sont pas toujours appropriées au Canada.
  7. Les observations internationales présentées ici sont informatives, non définitives, dans leur réponse aux questions de politique posées par le CRTC dans cette instance. Il faut garder en tête les propriétés particulières du marché canadien dans l’application de ces observations.

a. L’accès obligatoire des ERVM varie selon le pays

  1. L’accès obligatoire des ERVM a été imposé de manière différente entre les pays et comporte très rarement l’établissement d’un tarif de gros. Il y a deux façons dont l’accès obligatoire a été imposé à l’échelle internationale : comme mesure corrective en cas de fusion ou par l’intermédiaire d’une intervention réglementaire.

Mesures correctives en matière de fusion

  1. Le résultat escompté d’un accès obligatoire aux ERMV en tant que mesure corrective en matière de fusion consiste habituellement à prévenir les effets anticoncurrentiels provoqués par la fusion, comme des hausses de prix, plutôt que d’exercer une pression à la baisse sur les prix du marché. Ce résultat a été atteint avec un succès mitigé.
  2. La CE a imposé un accès obligatoire aux ERMV en tant que mesures correctives en matière de fusion en Autriche (2012), en Allemagne (2014), en Irlande (2014) et en Italie (2016). Ces cas sont exposés en détail plus loin dans le texte. Dans tous les cas, l’accès aux ERMV n’était imposé qu’à l’entreprise acquéreur, et l’établissement des tarifs de gros reposait sur des négociations commerciales.
  3. En Autriche, l’entreprise acquéreur Hutchison s’est vue imposer un accès obligatoire. Parmi les conditions de la fusion, Hutchison a exigé de conclure une entente en amont avec un ERMV, assujettie à l’approbation de la CE; cette première offre a par la suite servi d’« offre de référence » pour fixer le montant maximal qu’Hutchison pouvait facturer à d’autres ERMV. Hutchison a dû accorder à 16 ERMV l’accès à sa capacité de réseau, jusqu’à un maximum de 30 %, pendant une période de 10 ansNote de bas de page 128.
  4. En Allemagne, avant de pouvoir acquérir E-Plus, Telefónica a dû vendre jusqu’à 30 % de sa capacité de réseau à un prix fixeNote de bas de page 129. Contrairement au modèle autrichien dans lequel les ERMV font face à un coût marginal pour chaque ajout de clientNote de bas de page 130, le modèle allemand élimine le coût marginal associé à l’ajout d’un client afin d’inciter les ERMV à optimiser l’utilisation de leur réseauNote de bas de page 131. Drillisch, un petit exploitant sans réseau, a conclu une entente visant l’achat de 20 % de la capacité de réseau de TelefónicaNote de bas de page 132.
  5. En 2014, des ERMV irlandais détenaient une part de marché combinée de 7,4 %Note de bas de page 133. Après un regroupement de 4 entreprises en 3, l’entreprise acquéreur Three Ireland a dû vendre jusqu’à 30 % de sa capacité de réseau à 2 ERMV (15 % chacun), selon une condition de sa fusion à O2.
  6. Une étude de l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (BEREC) sur ces mesures correctives en matière de fusion a révélé que ces trois cas (Irlande, Autriche et Allemagne) présentaient au moins une preuve que les prix de détail pour les nouveaux clients ont augmenté en raison de la fusion, comparativement à la situation sans fusion, du moins dans les premiers temps. En Autriche, la fusion a entraîné d’importantes hausses de prix en 2014 et en 2015, après quoi les ERMV semblent avoir exercé une pression concurrentielle ayant mené à des baisses des prix (néanmoins à partir d’un niveau de prix élevé). L’Allemagne et l’Irlande ont aussi connu des hausses de prix à la suite de la fusion, mais les données ne portaient que sur une année et demie après la fusion, ce qui n’a par conséquent pas permis de faire des estimations des conséquences au-delà du court à moyen termeNote de bas de page 134.
  7. En 2016, la CE a établi que le projet de coentreprise formée par Wind et Hutchison, en Italie, entraverait lourdement la concurrence en occasionnant des effets anticoncurrentiels coordonnés et non coordonnés sur le marché de détail et en éliminant les contraintes concurrentielles sur le marché de grosNote de bas de page 135. La CE a adopté une approche différente relativement au redressement de cette fusion. Entre autres mesures correctives, l’entité fusionnée Wind Tre a dû conclure une entente transitoire portant sur l’itinérance avec un nouveau venu, Iliad, jusqu’à ce que ce dernier devienne un exploitant de réseau mobile. Ils ont aussi fourni à Iliad des biens matériels, comme un spectre, pour faciliter sa transformation en ERMNote de bas de page 136. La mesure corrective en matière de fusion semble avoir donné de bons résultats. Iliad, le nouveau venu, s’est révélé prometteur en recueillant 4 % des cartes SIM « humaines » (3,2 % de toutes les cartes SIM) en moins d’un an, alors qu’il était encore dans la phase transitoire – une part de marché qu’il a prise aux trois exploitants nationauxNote de bas de page 137. En fait, en 2018, la CE a accepté qu’Hutchison prenne le plein contrôle de la coentreprise, à condition qu’il continue de s’acquitter des obligations imposées par les mesures correctives. Les motifs de leur approbation comprenaient l’efficacité de la mesure corrective de 2016, les prix ayant continué de baisser et la concurrence entre exploitants de réseau mobile, de s’intensifierNote de bas de page 138.
  8. Dans la même veine, les mesures correctives relatives à la fusion plus tôt cette année de T-Mobile et de Sprint, aux États-Unis, en plus du retranchement des biens, du spectre et des points de vente au détail et de cellulaires payés à l’avance, T-Mobile/Sprint doit fournir au nouveau venu, DISH, un accès complet d’ERMV selon des modalités raisonnables sur le plan commercial, et ce, pour une période de 7 ans, pendant que DISH met sur pied son propre réseauNote de bas de page 139. Dans le cadre de cette entente, DISH s’est engagé à déployer d’ici 2023 un réseau national 5G couvrant au moins 70 % de la population américaine, à défaut de quoi il s’expose à une amende de 2,2 milliards de dollarsNote de bas de page 140. La mesure corrective n’est pas encore achevée puisqu’un certain nombre d’États ont intenté des poursuites visant à freiner la fusion malgré les mesures correctivesNote de bas de page 141.
  9. Malgré les très rares cas à étudier, la mesure corrective de l’Italie, qui consiste à octroyer temporairement un accès aux ERMV afin de permettre à une entreprise de devenir un ERM, semble être celle ayant connu le plus de succès en contribuant à la fois à une baisse des prix et à l’entrée d’un concurrent doté d’installations. D’un autre côté, les résultats obtenus dans les cas de mesures correctives pures relatives aux ERMV, sans obligation de transformation en ERM, sont mitigés. La mesure corrective autrichienne semble avoir réussi à entraîner une baisse des prix; celles prises par l’Allemagne et l’Irlande n’y sont pas parvenues.

Interventions réglementaires

  1. Contrairement aux mesures correctives en matière de fusion, qui tentent habituellement de redresser une situation de réduction probable de la concurrence, les interventions réglementaires visent à accroître la concurrence au sein du marché en élargissant les offres de services et en générant une pression pour la baisse des prix en cours, entre autres. L’imposition d’un accès obligatoire des ERMV au moyen d’une intervention réglementaire a pris la forme d’obligations d’octroi de permis d’utilisation de la courbe spectrale, de filets de sécurité réglementaire et de la réglementation des tarifs de vente en gros.
  2. À Hong Kong (2001), en Irlande (2002) et en République tchèque (2013), l’imposition d’un accès aux ERMV prenait la forme d’une condition de l’octroi de permis d’utilisation du spectre.
  3. En Irlande, les exploitants de réseau mobile avaient l’obligation d’accorder aux ERMV un escompte d’au moins 35 % sur les tarifs de vente au détail, et l’organisme de réglementation pouvait intervenir si aucune entente n’était conclue dans les trois mois suivant la demandeNote de bas de page 142.
  4. À Hong Kong et en République tchèque, des négociations commerciales ont mené à l’établissement des tarifs de gros. À Hong Kong, la condition relative à la courbe spectrale obligeant l’accès des ERMV n’a pas été imposée ni utilisée dans les enchères relatives à la courbe spectrale, puisque les enchères sur la troisième génération remontent à 2001Note de bas de page 143. En République tchèque, les exploitants de réseau mobile se voient encore imposer en tant que condition pour l’obtention de permis d’utilisation de la courbe spectrale d’offrir un accès aux ERMV selon des modalités justes et raisonnablesNote de bas de page 144. En vertu de la Electronic Communications Act (loi sur les communications électroniques) en vigueur en République tchèque, un exploitant de réseau mobile s’expose à la perte de son droit d’utiliser des fréquences assignées s’il ne respecte pas les conditions de la vente aux enchères du spectreNote de bas de page 145.
  5. Les cas d’intervention réglementaire comprenant la réglementation des tarifs de vente en gros sont rares, la majorité des organes de réglementation optant pour une démarche « plus légère » par laquelle ils obligent la tenue de négociations commerciales justes et raisonnables et, en cas d’échec de celles-ci, la mise en place d’un filet de sécurité réglementaire.
  6. En Espagne, l’accès aux ERMV est obligatoire depuis 2006, en raison de ce que la Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones (CMT) a considéré comme la persistance de profits excessifs et d’une dominance collective du refus d’accès aux ERMV de la part des trois ERM du pays qui, selon les constatations, détenaient à eux trois un important pouvoir de marché dans le commerce de gros de l’accès aux réseaux mobiles et de la position d’appel de départ sur ceux-ciNote de bas de page 146.
  7. La CMT a opté pour une légère réglementation en exigeant des trois exploitants de réseau mobile qu’ils répondent aux demandes raisonnables d’accès et fixent des prix raisonnables en la matière. À la suite de la décision, les ERM ont pu conclure des ententes, bien adaptées à leurs modèles commerciaux, la CMT n’intervenant que dans les cas litigieux où les négociations avaient échouéNote de bas de page 147.
  8. La Comisión Nacional de los Mercados y de la Competencia (CNMC)Note de bas de page 148, l’autorité espagnole de la concurrence, a déréglementé l’accès obligatoire aux ERMV en 2017, après avoir constaté que le marché avait atteint un niveau de « concurrence efficaceNote de bas de page 149 ». Cependant, en cas de retrait déraisonnable de l’accès ou de brusques hausses des tarifs de vente en gros par les exploitants, la CNMC avait le pouvoir d’intervenir en vertu de la loi sur la concurrence espagnoleNote de bas de page 150.
  9. En 2006, l’autorité norvégienne en matière de communications (Nkom) a établi que le principal fournisseur de services sans fil de Norvège, Telenor, avec une part d’abonnés bien supérieure à 50 %, détenait un important pouvoir de marché. Dans un effort pour encourager le développement d’une troisième entreprise dotée d’installations et promouvoir la concurrence dans le commerce de gros, Nkom a imposé à Telenor un accès obligatoire aux ERMV et une itinérance nationale. L’obligation d’accès se fondait sur la théorie de l’échelle d’investissement, qui vise à promouvoir les incitatifs à l’investissement pour surmonter les obstacles à l’entréeNote de bas de page 151. Nkom a tenu compte de tous les ERMV, c’est-à-dire tout ERMV ayant son propre réseau central, en tant qu’étape importante pour devenir une entreprise de télécommunications.
  10. En 2016, Nkom a étendu l’obligation d’accès pour inclure également les ERMV légers, ce qui correspond en Norvège à des fournisseurs de services ou à des revendeurs, qui n’ont pas leur propre réseau central. Avant l’élargissement de l’obligation d’accès, le deuxième plus important exploitant Telia avait fait l’acquisition du nouvel arrivé Tele2 après que celui-ci ait perdu sa courbe spectraleNote de bas de page 152. Même si Nkom avait d’abord conclu que Telenor devait seulement fournir un accès aux ERMV selon des modalités non discriminatoires, l’autorité norvégienne a imposé en 2016 des contrôles de prix à Telenor sous forme d’analyse de l’effet de ciseaux tarifaireNote de bas de page 153.
  11. Le Japon (2002) et Israël (2009) ont tous deux exigé des exploitants de réseau mobile qu’ils offrent un accès selon des modalités négociées, justes et raisonnables, en plus d’un filet de sécurité réglementaire sous la forme d’arbitrage en cas de non-conclusion d’une ententeNote de bas de page 154. Au Japon, les ERM offrent habituellement aux ERMV un accès à leurs réseaux au même tarif que le celui d’interconnexion réglementé, qui constitue un coût raisonnable, en plus de profits raisonnablesNote de bas de page 155. Cependant, une certaine question demeure actuellement au Japon à propos de l’équité du tarif d’interconnexion, et le ministère des Affaires internes et des communications japonais a entrepris un examen du calcul dudit tarifNote de bas de page 156.
  12. En 2013, l’organisme péruvien de réglementation des télécommunications, OSIPTEL, a publié un document de travail dans lequel il conseillait au Congrès, devant l’ouverture imminente d’un quatrième exploitant de réseau mobile sur le marché du Pérou, de ne pas imposer d’accès obligatoire aux ERMV à ce moment-làNote de bas de page 157. Toutefois, plus tard dans l’année, contrairement au conseil de l’OSIPTEL, le Congrès péruvien a adopté une loi obligeant les exploitants de réseau mobile à donner accès aux ERMV sur le fondement de négociations commerciales; en cas d’échec des négociations après 60 jours, l’OSIPTEL interviendrait pour établir les modalitésNote de bas de page 158.
  13. Le Bureau est conscient que d’autres pays ont imposé l’obligation d’accès aux ERMV. La Corée du Sud a imposé un accès obligatoire aux ERMV en 2010 dans lequel les prix de gros sont fixés selon la formule de la minoration du prix de détailNote de bas de page 159, mais ignore si les ERMV font appel à cette disposition. Également, dans le cas de la Colombie où l’accès obligatoire aux ERMV est imposé depuis 2015, même si le Bureau ne connaît pas les détails de la politique, l’organisme de réglementation a élaboré une méthode de calcul pour déterminer les prix, en cas de non-conclusion d’une entente après une période donnée, afin d’établir la prévisibilité des prixNote de bas de page 160.
  14. Somme toute, la démarche privilégiée à l’international en matière de conception de politique d’accès obligatoire aux ERMV semble être la création d’un « filet de sécurité » réglementaire en cas d’échec des négociations commerciales. Si le CRTC adoptait une telle approche, un examen plus ciblé des forces et faiblesses relatives de la conception de ces mesures correctives pourrait servir de guide utile.

b. L’accès obligatoire aux ERMV s’accompagne souvent d’autres mesures réglementaires

  1. En cas d’imposition d’un accès aux ERMV, cette obligation s’accompagne souvent d’autres mesures réglementaires qui encouragent les nouveaux arrivants ou atténuent les obstacles à la transition. Cette situation pourrait rendre difficile l’évaluation de la réussite de la seule réglementation sur l’accès obligatoire.
  2. Peut-être les mesures réglementaires les plus radicales ayant été prises pour favoriser la concurrence sur le marché sans fil auront été celles d’Israël. En plus d’imposer une obligation d’accès aux ERMV en 2009, le ministère israélien des Communications (MOC) a délivré en 2011 des permis d’utilisation de la courbe spectrale pour les exploitants en infrastructure dans lesquels l’entreprise obtiendrait un remboursement complet du coût du spectre si elle réussissait à accaparer 7 % du marché en 5 ans. Les exigences de couverture comportaient chaque année des augmentations graduelles du seuil, et les escomptes accordés sur le permis correspondaient à la part de marché acquise. Ces nouveaux exploitants obtenaient le droit d’utiliser les capacités d’itinérance nationales des exploitants existants pour une période limitéeNote de bas de page 161.
  3. Deux des exploitants ayant obtenu des permis d’utilisation — Golan et Hot Mobile (tous deux ayant débuté leurs activités en 2012) — ont atteint ces seuils et obtenu le remboursement du coût de la courbe spectrale qu’ils avaient acquise. Cependant, malgré l’efficacité de l’incitatif du remboursement associé à la conquête d’une part du marché pour stimuler une baisse des prixNote de bas de page 162, cette solution pourrait également avoir fait en sorte qu’un des nouveaux venus, Golan, fixe des prix sous le coût de fonctionnement afin d’atteindre le seuil de part afin d’obtenir le remboursement. Par ailleurs, Golan n’a pas satisfait aux exigences de construction de réseau, se fiant uniquement à son accès obligatoire temporaire, et a été vendu en 2017Note de bas de page 163. Hot Mobile et Golan (aux mains d’un nouveau propriétaire) continuent tous deux leurs activités sur le marché israélien.
  4. En plus des incitatifs relatifs au spectre, le MOC a d’abord abaissé nettement les taux d’itinérance et dissocié le coût de l’appareil des plans de télécommunications sans fil afin de permettre aux consommateurs de changer plus facilement leur plan de service pour joindre un nouveau fournisseur, tout en continuant de rembourser le coût de leur appareil à leur fournisseur précédentNote de bas de page 164.
  5. La Colombie a aussi interdit en 2014 de relier l’acquisition d’équipement à l’offre de service mobile et, plus tard cette année, le ministère des Affaires internationales et des Communications japonais (MAIC) mettra en place une nouvelle règle pour interdire aux exploitants de subventionner un appareil afin de dissocier l’acquisition d’équipement et l’obtention de service mobileNote de bas de page 165. La Colombie a également interdit les clauses de permanenceNote de bas de page 166, qui réduisaient en fait la variété de produits offerts et augmentaient les coûts de transfertNote de bas de page 167, au lieu de permettre aux consommateurs de rembourser leurs téléphones par versements échelonnés indépendants de leur plan. La Comisión de Regulación de Comunicaciones (CRC) colombienne a indiqué que le bannissement des clauses de permanence a permis à un plus grand nombre de magasins, de supermarchés et d’autres points de vente au détail de fonctionner en tant qu’entreprise ERMV, en plus d’inciter les sociétés internationales de téléphonie cellulaire à offrir des téléphones intelligents à des prix plus abordablesNote de bas de page 168.
  6. En Allemagne, en Autriche et en Irlande, où l’accès obligatoire des ERMV fait partie des mesures correctives en matière de fusion, ledit accès s’accompagnait de mesures correctives structurales prenant la forme de retranchements du spectre ou de mises à part du spectre lors de la prochaine vente aux enchères de courbe spectrale. Dans tous ces cas, toutefois, les retranchements ou les mises à part du spectre exigés des entreprises acquéreurs n’ont jamais été mis en pratique, car aucun nouvel arrivant n’a acquis de spectreNote de bas de page 169.
  7. Selon la mesure corrective en matière de fusion de l’Italie, Wind Tre a dû céder la courbe spectrale à Iliad et lui donner accès aux emplacements par cession ou cooccupationNote de bas de page 170. Au moment où la Norvège imposait un accès obligatoire aux ERMV, en 2006, elle exigeait l’itinérance nationale obligatoire afin de stimuler le développement d’une troisième entreprise de télécommunications.
  8. À Hong Kong, les exploitants de réseaux mobiles doivent se soumettre aux exigences liées à l’utilisation du spectre afin d’assurer l’optimisation de leur capacité de réseau et d’éviter l’accumulation de spectre. Cela pourrait expliquer pourquoi les ententes avec les ERMV n’ont jamais reposé sur des conditions d’accès obligatoire comprises dans le permis d’utilisation du spectre 3G, les exploitants ayant déjà un incitatif pour combler leur réseauNote de bas de page 171.
  9. Au moment où le Pérou adoptait un règlement visant à faciliter l’entrée des ERMV, il réduisait du même coup les tarifs de terminaison d’appel mobileNote de bas de page 172 et les frais d’interconnexion réglementés. Les frais d’interconnexion pour les nouveaux arrivants, de 2010 à 2014, étaient fixés à un tarif plus élevé que ceux des exploitants en place afin d’inciter les arrivants à investirNote de bas de page 173. Les ERMV du Pérou devaient également cotiser au fonds d’investissement en télécommunications du pays, destiné à accroître l’accès sur tout le territoire péruvienNote de bas de page 174.
  10. À l’international, l’accès obligatoire des ERMV fut accompagné d’un nombre de politiques visant à encourager la concurrence ou à inciter les investissements en infrastructure. Bien que ceci fournisse un aperçu d’une vaste gamme de politique, il peut rendre plus difficile de conclure des inférences causales sur le succès d’une politique particulière, étant donné la mise en place d’une multitude de politiques. Le Bureau avise donc le CRTC d’analyser prudemment toute conclusion définitive fournie par des intervenants qui serait basée sur l’analyse d’un seul pays, ou d’un petit nombre de pays.

c. Les ERMV ont tendance à cibler certains « créneaux » du marché.

  1. Le Bureau a constaté que les ERMV ont tendance à cibler certains « créneaux » du marché qu’ils occupent. Dans certains cas, il s’agit de petits segments que les ERM choisissent de ne pas prendre en compte, par exemple les consommateurs commerciaux ou ceux qui ont besoin d’un volume élevé d’appels interurbains. Dans d’autres cas, ce sont de plus gros segments que les exploitants de réseau mobile pourraient avoir choisi de desservir par le biais d’une marque dérivée, comme les consommateurs sensibles au coût.
  2. L’étude de la NZCC a indiqué que les ERMV se concentrent dans huit grands segments. L’étude de près de 1 500 ERMV de partout sur le globe a montré que les segments prédominants des ERMV (Figure 15) sont ceux des « offres à rabais » (22 %), de la « vente de détail » (17 %) et le « segment ethnique » (12 %).
  3. Les ERMV de la formule au rabais misent sur de bas prix en tant que possibilité d’accroissement afin de réduire au minimum les coûts de distribution, tandis que les ERMV de détail sont habituellement la propriété de chaînes de supermarchés dont la marque a fait ses preuves, et généralement optimisés par un programme de fidélité. Les ERMV visant le « segment ethnique » ciblent les communautés d’immigrants et offrent souvent une itinérance internationale à faible coût vers le pays d’origine de ces clients, de la même manière que les ERMV internationaux et leur utilisation d’itinéranceNote de bas de page 175.

Figure 15 – ERMV par type de segment Note de bas de page 176

Figure 15 – ERMV par type de segment
Les détails de ERMV par type de segment
Remise 22 %
Détail 17 %
Ethnique 12 %
Affaires 11 %
Données spécialisées 11 %
Itinérance internationale 8 %
Jeunes / médias 5 %
Regroupement 4 %
Autres 10 %

  1. Le Bureau a également observé un certain nombre de caractérisations erronées des segments de marché ciblés par les ERMV dans les premières interventions de cette instance.
  2. Tout d’abord, le rapport d’expert de Richard Feasey, préparé pour Rogers, indique que les ERMV s’intéressent rarement aux consommateurs sensibles au coût et se tournent habituellement vers les segments plus rentables du marché. Il précise que :
    « Le CRTC ne doit pas présumer que l’imposition d’un accès au commerce de gros pour les ERMV répondra aux besoins des groupes à faibles revenus. Les données probantes tirées des marchés de l’Espagne, de la Norvège et d’autres sur lesquels j’ai fait des recherches montrent que la majorité des ERMV concentrent leur attention sur les groupes de consommateurs rentables, comme les usagers commerciaux et ceux qui font souvent des appels internationaux. Seule une très faible proportion des ERMV dans le reste du monde se compose de fournisseurs à "faible coût" du genre que le CRTC veut encouragerNote de bas de page 177. »
  3. Toutefois, cette affirmation ne concorde pas avec les observations de l’étude susmentionnée, menée auprès de plus de 1 500 ERMV à travers le monde, qui montrent que la plus grande proportion (22 %) cible des segments de consommateurs de la formule au rabais.
  4. Ensuite, en référence à la décision de Nkom de 2016 d’imposer un accès obligatoire aux ERMV pour les fournisseurs de services, M. Feasey écrit :
    « Cela dit, deux éléments de l’expérience norvégienne présentent selon moi un intérêt. Tout d’abord, l’organisme de réglementation norvégien estime que les avantages de la présence d’ERMV sur le marché du pays devraient profiter principalement aux usagers commerciaux, ce qui rend compte du fait que les ERMV ont acquis une importante part de ce segment de marché en Norvège. À l’opposé, la concurrence engendrée par les ERMV dans le segment des consommateurs est très modeste, et plus faible que dans un grand nombre de pays européens dans lesquels la réglementation sur le commerce de gros est absente. Aucune mention n’est faite des consommateurs à faibles revenus dans l’analyse de l’organisme de réglementation norvégien, et il ne semble y avoir aucune attente quant à l’effet de ses mesures réglementaires sur ce groupeNote de bas de page 178. »
  5. Cette affirmation de M. Feasey confond la terminologie de Nkom. Ce que Nkom considère comme des ERMV, à savoir ceux qui possèdent leur propre réseau central et bénéficient d’un accès obligatoire depuis 2006, ont tendance à se concentrer sur le marché des entreprises. Cependant, ceux que Nkom considère comme des fournisseurs de services (aussi appelés revendeurs), qui ne possèdent pas de réseau central et bénéficient d’un accès obligatoire depuis 2016, se concentrent en réalité sur les consommateurs sensibles au coût. Par exemple, les fournisseurs de services indépendants Telipol, Chili Mobil et Sponz offrent les prix les plus concurrentiels pour un forfait à 5 Go en NorvègeNote de bas de page 179.
  6. La décision prise en 2016 par Nkom d’imposer un accès obligatoire aux fournisseurs de services déclare que le but avoué de la mesure corrective inclue d’accroître l’abordabilité :
    « Le choix des mesures correctives repose largement sur le principe 3 du document de Nkom sur les mesures correctives, à savoir que ces dernières doivent, dans toute la mesure du possible, favoriser la concurrence à long terme entre les exploitants en infrastructure. Nkom tient toutefois à stimuler la concurrence et l’innovation des services au niveau du produit afin que les utilisateurs de tout le pays aient accès à des services de téléphonie mobile de qualité, abordables et tournés vers l’avenir, ce qui constitue l’objectif exprimé par le règlement sur les communications électroniques. Pour atteindre les deux objectifs susmentionnés, un accès suffisant doit être accordé aux facteurs de production du niveau du commerce de gros, et ce, à un juste prixNote de bas de page 180. »
  7. De même, une récente décision de la CE sur le projet de fusion de T-Mobile et de Tele2 illustre encore plus que les ERMV au rabais ne sont tentants que pour une part non négligeable du marché, la seule qu’ils peuvent obtenir :
    « Les ERMV de marché de masse, comme Simpel et Youfone, offrent des abonnements sans superflu pour le segment des faibles et moyens budgets et ne ciblent pas de consommateurs d’un créneau particulier... Il s’agit du type d’ERMV le plus dynamique aux Pays-Bas. Simpel et Youfone ont été les seuls ERMV en mesure d’acquérir une part non marginale d’abonnés dans le segment privé du prépayéNote de bas de page 181. »
  8. Pour conclure, le Bureau a constaté que les ERMV ont tendance à cibler certains « créneaux » du marché qu’ils occupent. Il s’agira, selon le cas, de petits segments sur lesquels les ERM ont décidé de ne pas se concentrer, ou de segments plus importants, comme les clients des formules au rabais.

d. Les preuves du rôle de concurrence des ERMV sont mitigées

  1. La part d’abonnés des ERMV, dans l’ensemble, ne dépasse habituellement pas 10 % des marchés dans lesquels ils œuvrent. Toutefois, une faible part d’abonnés ne signifie pas toujours que les ERMV n’exercent pas une pression concurrentielle sur les ERM. L’imposition d’un accès obligatoire aux ERMV a donné lieu à divers degrés de réussite dans l’atteinte des objectifs stratégiques. Mais, malgré des parts relativement faibles d’abonnés, les ERMV ont dans certains cas exercé une pression concurrentielle sur le marché dans certains pays.
  2. À la suite de la fusion d’Hutchison et d’Orange, en Autriche, en 2012, le prix des services sans fil a augmenté jusqu’à ce que des ERMV commencent à entrer sur le marché, à la fin de 2014. L’autorité autrichienne en matière de réglementation pour la radiodiffusion et les télécommunications (RTR) a mené une étude ex post qui a montré que les prix pour les nouveaux clients avaient augmenté de l’ordre de 20 % à 90 % après la fusionNote de bas de page 182. Une étude de BEREC, qui a aussi observé une diminution des prix en 2016, après l’entrée d’ERMV en 2014, a confirmé ce constatNote de bas de page 183. Avant la prise de mesures correctives, il n’existait qu’un ERMV autrichien indépendant, Vectone, dont la part de marché était inférieure à 1 %Note de bas de page 184. Les ERMV indépendants détiennent actuellement une part de marché d’environ 7 %, en AutricheNote de bas de page 185.
  3. Dans une lettre ouverte sur les prix de la téléphonie cellulaire en Autriche, Georg Serentschy, Ph. D., ancien chef de la direction de la RTR, relie directement l’entrée des ERMV à la baisse des prix :
    « Même cette mesure [indice mensuel de facturation de la RTR] est maintenant sous les niveaux de 2011, l’entrée sur le marché des ERMV ayant entraîné des baisses de tarifs pendant quatre trimestres consécutifs » (nous soulignons ce passage)Note de bas de page 186.
  4. De plus, bien que l’imposition d’un accès obligatoire n’ait touché que l’entreprise acquéreur Hutchison, l’entente a enflammé la concurrence sur le marché de gros, ce qui a amené d’autres exploitants de réseau mobile à conclure volontairement des ententes avec des ERMV afin de tirer des revenus de la vente en grosNote de bas de page 187.
  5. De même, l’accès obligatoire des ERMV en Espagne a stimulé la concurrence sur les marchés de détail et de gros. Dans leurs premières soumissions dans le cadre de cette instance, plusieurs exploitants ont mis en évidence la décision de l’Espagne de déréglementer l’accès obligatoire des ERMV, mais n’ont pas mentionné que cette décision faisait suite à la constatation, par la CNMC, que le marché sans fil avait atteint un niveau de « concurrence efficace »Note de bas de page 188.
  6. À titre d’exemple, Telus, dans sa première soumission, mentionne que « [...] plusieurs pays (Israël et l’Espagne, notamment) ont particulièrement rejeté la réglementation des ERMV », citant le rapport Dippon sur les cadres réglementaires des ERMV. Dans ce rapport. M. Dippon souligne la déréglementation de l’accès obligatoire des ERMV en Espagne, mais il ne va pas jusqu’à expliquer les motifs à la base de cette décision, se contentant d’ajouter :
    « L’Espagne, qui était une des rares exceptions en matière de réglementation liée aux ERMV en 2014, a décidé de modifier son régime réglementaire et mise maintenant sur les forces du marché »Note de bas de page 189.
  7. En 2006, l’Espagne avait imposé un accès obligatoire aux ERMV en raison des observations des organismes de réglementation relativement à une dominance collective des trois exploitants de réseaux mobiles du pays dans leur refus de donner accès aux ERMV. Par contre, à la suite d’un examen du marché effectué plus tard, en 2017, la CNMC a constaté que l’accès obligatoire aux ERMV avait permis l’entrée de beaucoup d’entre eux sur le marché de détail et occasionné une importante baisse des prix de détail. Dans sa lettre de décision, la CE décrit en ces termes les résultats de l’analyse du marché de la CNMC et sa proposition de retirer l’accès obligatoire aux ERMV :
    « La CNMC a expliqué que la réglementation du commerce de gros avait permis l’entrée d’un grand nombre d’ERMV sur le marché de détail. À l’heure actuelle, 33 ERMV (dont 13 sont des ERMV complets) sont actifs sur le marché et, ensemble, ont une part de marché de 10,7 %. Les exploitants de réseaux mobiles traditionnels ont les parts suivantes du marché de détail : Telefónica 30,2 %, Vodafone 25,5 % et Orange 27,2 %. Depuis le dernier examen du marché, un quatrième ERM, Yoigo, membre du groupe Masmóvil, s’est établi et détient une part d’environ 6,4 % du marché de détail. La CNMC a remarqué une importante baisse des prix de détail entre 2011 et 2016.

    Entre 2011 et 2016, la CNMC a remarqué une importante baisse des prix de gros. Les revenus moyens par minute du service de gros du départ d’un appel téléphonique ont chuté de plus de 75 % au cours de cette période. Les ententes commerciales conclues entre les exploitants de réseau mobile et les ERMV ont, selon la CNMC, fait place à des prix près de ceux des terminaisons d’appel, qui sont assujettis à une réglementation des prix de type « modélisation ascendante basée purement sur les coûts différentiels à long terme (LRIC) »Note de bas de page 190. (références omises)
  8. La croissance du marché des ERMV a également mené les trois principaux exploitants de réseaux mobiles d’Espagne à lancer leurs propres marques dérivées pour cibler les marchés à faibles budgets et les jeunesNote de bas de page 191.
  9. Après l’imposition de l’accès obligatoire des ERMV, en 2009, et la mise aux enchères de spectre en 2011, décrite précédemment, les prix ont énormément chuté en Israël. En 2011, les Perspectives des communications de l’OCDE ont classé Israël parmi les pays les plus coûteux de l’Organisation pour ses paniers d’utilisation élevée, mais il faisait partie des moins coûteux en 2013Note de bas de page 192. Cependant, comme nous l’avons déjà mentionné, il est difficile d’isoler les effets d’un accès obligatoire aux ERMV des autres mesures réglementaires imposées en Israël. Les baisses de prix semblent notamment s’être produites après la mise aux enchères de spectres, en 2011, qui a mené deux nouvelles entreprises à vouloir se transformer en ERM. Ces deux entreprises ont fixé des prix très concurrentiels dès leur arrivée sur le marché afin d’acquérir la part de marché requise pour le remboursement du spectre.
  10. Plusieurs pays ayant imposé un accès obligatoire aux ERMV ne semblent pas avoir réussi à exercer une pression concurrentielle au sein du marché sans fil. Par exemple, malgré l’imposition d’un accès obligatoire aux ERMV en 2013 (contre l’avis de l’OSIPTEL), les quatre entreprises ayant actuellement des permis pour exploiter des ERMV au Pérou ne fonctionnent pas encore adéquatement dans le paysNote de bas de page 193, et le premier ERMV du Pérou, Virgin Mobile Peru, a déjà quitté le paysNote de bas de page 194. De plus, comme nous l’avons déjà indiqué, les prix semblent avoir augmenté en Irlande et en Allemagne après l’adoption de politiques d’accès aux ERMV en réaction aux fusions. En outre, après la prise de mesures correctives en matière de fusion en Irlande, en 2014, qui aura exigé de Three Ireland qu’il vende jusqu’à 30 % de sa capacité de réseau à 2 ERMV (à raison de 15 % à chacun), un des entrants, ID Mobile, a déclaré faillite depuis parce qu’il n’a pas été en mesure d’utiliser pleinement sa capacité.
  11. Le Bureau a également observé un certain nombre de caractérisations erronées des effets de la concurrence des ERMV dans les premières interventions de cette instance. À titre d’exemple, dans le rapport d’expert préparé pour Bell, Robert Mandelin déclare que :
    « [...] la Commission [européenne], qui a écarté la prise de mesures correctives relatives à l’accès des ERMV, ne devrait pas revenir en arrière et accepter des mesures correctives en matière de fusionNote de bas de page 195 »
  12. Dans ce rapport, M. Mandelin explique que la CE a modifié sa politique pour imposer un accès obligatoire aux ERMV, soit après avoir constaté la présence d’un important pouvoir de marché, soit en tant que condition liée au spectre. L’auteur évoque comme raison de la réticence de la CE à prendre des mesures correctives en matière de fusion que les ERMV n’avaient pas les aptitudes nécessaires pour concurrencer les exploitants de réseau mobile.
  13. Toutefois, dans une récente décision de la CE sur le projet de fusion de T-Mobile et de Tele2, aux Pays-Bas, où la Commission a constaté que les ERMV « n’étaient pas en mesure d’exercer le même degré de pression concurrentielle que celui exercé par les exploitants de réseau mobile », elle explique que cela pourrait être le cas parce que les ERMV ont souvent des contraintes en matière de capacité concurrentielleNote de bas de page 196.
  14. Dans son rapport d’expert préparé pour Rogers, M. Feasey précise ceci :
    « J’ai expliqué dans mon rapport de 2014 comment les organismes de réglementation de l’Europe ont d’abord appliqué la théorie de l’échelle d’investissement pour ensuite l’abandonner. Cette théorie était porteuse de la promesse que l’instauration d’un règlement sur une base temporaire pourrait aider les nouveaux venus à s’établir dans le marché de détail en aval avant de "monter l’échelle" et d’investir dans leurs propres installations de réseau. Mais aucun ERMV, à ma connaissance, n’a jamais cessé de dépendre des services de gros réglementés parce qu’il avait ensuite déployé son propre réseau sans fil mobile. Et, toujours à ma connaissance, aucun organisme de réglementation dans le monde n’est intervenu dans les marchés de gros de la téléphonie cellulaire dans l’espoir que son intervention soit limitée dans le temps parce que ces ERMV se transformeraient par la suite en entreprises dotées d’installationsNote de bas de page 197. »
  15. Le Bureau a constaté que, bien que rares, certains ERMV sont devenus des exploitants de réseaux mobiles. Cependant, dans quelques cas de transition d’ERMV en exploitant de réseaux mobiles, leur transition faisait souvent suite à l’acquisition d’un autre exploitant de réseaux mobilesNote de bas de page 198.
  16. De plus, le Bureau a aussi identifié des exemples d’organismes de réglementation ayant intervenu dans les marchés de service sans fil de gros dans l’attente que leur intervention serait de durée limitée et que les ERMV deviendraient éventuellement des exploitants de réseaux mobiles ayant leur propre infrastructure. Nkom, par exemple, dans les décisions de 2006 et de 2010, a facilité des investissements graduels dans l’infrastructure grâce à un accès à une infrastructure établie à différents niveaux (échelle d’investissement). Tele2 a eu recours à un investissement graduel dans son processus de transformation en détenteur de réseau sur le marché norvégienNote de bas de page 199.
  17. De même, en Italie, la CE et l’organisme de réglementation et autorité de la concurrence pour l’industrie des télécommunications italienne (AGCOM) ont accepté la prise d’une mesure corrective qui comprenait à la fois une itinérance et des retranchements transitoires pour permettre à un nouveau venu de passer d’ERMV à ERMNote de bas de page 200. Iliad, le nouveau venu, s’est révélé prometteur en recueillant 4 % des cartes SIM « humaines » (3,2 % de toutes les cartes SIM) en moins d’un an, alors qu’il était encore dans la phase transitoire – une part de marché qu’il a prise aux trois exploitants nationauxNote de bas de page 201.
  18. En somme, les preuves de la capacité des politiques relatives aux ERMV à stimuler la concurrence sont mitigées et dépendent des conditions particulières de la concurrence dans chaque marché.

e. La mesure dans laquelle les ERMV peuvent réduire les incitations à l’investissement ne se détache pas avec précision

  1. Dans leurs soumissions initiales, de nombreux exploitants citent une étude de Kim et al., à l’appui de l’argument selon lequel l’accès obligatoire des ERMV menace l’investissement et l’avenir du 5G au CanadaNote de bas de page 202. L’étude, qui consistait à examiner des données de 21 pays de l’OCDE de 2000 à 2008, a relevé qu’un accès obligatoire des ERMV était associé à moins d’investissements de la part des exploitants de réseaux mobiles. Il est important de noter qu’un des principaux avertissements de l’article indique qu’il ne faut pas confondre faible investissement et sous-investissementNote de bas de page 203. C’est-à-dire, les auteurs ne cherchent pas à faire un lien entre une diminution mesurée en investissement et de pires résultats pour les consommateurs et la société en général. De plus, l’étude n’analyse que six pays ayant instauré ou aboli un règlement imposant l’accès obligatoire aux ERMV et, dans tous les cas, ces modifications réglementaires portaient sur une réglementation n’obligeant pas l’accès des ERMVNote de bas de page 204. En outre, les auteurs ont reconnu la difficulté de compiler des données sur la réglementationNote de bas de page 205.
  2. Dans ses recherches, le Bureau n’a trouvé aucune preuve concluante, dans d’autres pays, d’une réduction des incitations à l’investissement découlant d’un accès obligatoire aux ERMV. Dans un certain nombre de pays où l’accès obligatoire des ERMV s’est révélé efficace pour entraîner une baisse des prix, le Bureau n’a trouvé aucune preuve d’une réduction marquée des investissements.
  3. En Autriche, en Espagne et au Japon, où l’accès obligatoire des ERMV a favorisé l’apparition d’une pression pour réduire les prix sur le marché sans fil, il ne semble pas y avoir eu de recul important des investissementsNote de bas de page 206.
  4. L’Autriche, qui se classe au 13e rang mondial, selon le test mondial de la vitesse des communications sans fil réalisé en juillet 2019 par OoklaNote de bas de page 207, a été le premier pays de l’UE à mettre aux enchères des permis d’utilisation du réseau 5G, en mars 2019Note de bas de page 208, et un des cinq principaux pays en ce qui a trait à l’utilisation des données mobiles par abonnement au service mobile à large bandeNote de bas de page 209. De même, alors qu’il a imposé un accès réglementé aux ERMV en 2002, le Japon fait partie des cinq principaux pays en ce qui a trait à l’état de préparation au réseau 5G, avec les États-Unis, la Chine et la Corée du SudNote de bas de page 210, ce qui indique que l’investissement dans le réseau reste sain; le Japon fait en outre partie des trois principaux pays quant au nombre d’abonnements au service mobile à large bande par 100 habitantsNote de bas de page 211. En 2018, la couverture 4G de l’Espagne atteignait 94 %, ce qui correspond à la moyenne de l’UE; le pays avait consacré 30 % à son spectre 5G, une moyenne supérieure à celle de l’UE, de 14 %Note de bas de page 212.
  5. Avant que Nkom décide d’imposer un accès obligatoire aux ERMV pour les fournisseurs de services, en 2016, Telenor avait avancé que cette exigence réduirait son incitation à investir. Dans sa décision de 2016, Nkom a produit son évaluation :
    « De l’avis de Nkom, un accès réglementé à un fournisseur de services ne doit pas devenir une solution de rechange à la construction d’une infrastructure propre à l’entreprise si bonne qu’elle réduirait les incitations à investir... Toutefois, selon Nkom, la question porte davantage sur les exigences réglementaires liées à l’accès aux fournisseurs de services par rapport à d’autres formes d’accès que la question de devoir ou non imposer un accès.

    Selon ce qui précède, Nkom estime qu’il est nécessaire d’imposer à Telenor une obligation de répondre à toute demande raisonnable d’accès présentée par des fournisseurs de services, avec les produits et services compris dans le marché concerné... De l’avis de Nkom, les bienfaits pour la concurrence qu’entraîne cette obligation compensent tout inconvénient potentiel pour TelenorNote de bas de page 213. »
  6. En 2018, Telenor a été désigné en tant que réseau le plus rapide du monde, selon le test de vitesse d’Ookla. Dans son communiqué, le chef intérimaire de la direction de Telenor, Bjørn Ivar Moen, a déclaré :
    « Telenor bâtit depuis plus d’un siècle de solides assises qui lui permettent d’offrir les meilleurs services possibles. Notre pays continue toutefois de nous mettre à l’épreuve, avec ses vastes montagnes et ses profonds fjords. C’est pourquoi nous sommes tout particulièrement fiers de ces résultats. Nous avons d’ambitieux plans d’agrandissement pour l’avenir, qui se poursuivront tout au long de 2019Note de bas de page 214. »
  7. Le Bureau a également observé un certain nombre de caractérisations erronées des effets qu’auraient eus les ERMV sur les investissements dans d’autres pays, dans les premières interventions de cette instance.
  8. Dans ce rapport, soumis pour le compte de Bell, M. Yossi Abadi insinue que la concurrence féroce entraînée par les ERMV, bien qu’elle ait servi à réduire les prix des services sans fil, a du même coup mené à une diminution des dépenses en immobilisation et à des mises à pied dans l’industrie des services sans fil en Israël.
  9. S’il existe effectivement des indices d’une concurrence accrue ayant mené à une réduction des investissements en IsraëlNote de bas de page 215, le rôle qu’ont joué les politiques mises en place par le MOC ne se dessine pas avec précision. Comme nous l’avons décrit précédemment, le MOC a imposé un certain nombre de mesures réglementaires visant à promouvoir l’apparition de nouveaux venus et à réduire les obstacles au changement de statut, en plus de l’accès obligatoire aux ERMV. Cette situation fait en sorte qu’il est difficile d’évaluer la mesure dans laquelle chaque politique aurait pu influer sur les prix et les investissements. À titre d’exemple, l’incitatif du remboursement de la courbe spectrale, qui a possiblement mené les nouveaux venus à établir des prix inférieurs au coût pour accroître leur part, a peut-être joué un rôle plus déterminant sur la baisse de prix jusqu’à un niveau insoutenable, ce qui aura eu plus d’effets négatifs sur l’investissement que l’exigence relative aux ERMV.
  10. De plus, à l’appui de cette allégation. M. Abadi pointe vers les données d’un article paru dans le journal israélien Haaretz et sur les données de l’OCDE relativement à l’investissement dans les télécommunications dans la région comprise de l’OCDE. Le Bureau met en garde de ne pas donner trop de poids aux conclusions tirées par M. Abadi des données de l’OCDE, et ce, pour deux raisons :
    1. Les données correspondent à l’investissement dans toutes les télécommunications et ne devraient par conséquent pas servir d’indicateur de l’investissement dans les télécommunications sans fil, surtout du fait que l’investissement dans le réseau filaire dépasse souvent celui dans la téléphonie cellulaire. Par exemple, selon les états financiers publics, les dépenses en immobilisations de Bell, de Rogers et de Telus de 2007 à 2017 étaient presque le double pour le réseau filaire (52 milliards de dollars) que dans le réseau sans fil (25 milliards de dollars).
    2. Dans sa démonstration d’une baisse de l’investissement en télécommunications, M. Abadi compare l’investissement par personne uniquement pour chacune des années allant de 2010 à 2015. Cela ne brosse toutefois pas un portrait exact de l’investissement au cours de cette période. La Figure 16 expose l’investissement par personne entre 2009, année de l’imposition d’un accès obligatoire aux ERMV, et 2015. Elle montre que, dans les deux années ayant suivi l’accès obligatoire aux ERMV, l’investissement par personne a en fait augmenté, et ce n’est qu’en 2012 et en 2015 qu’il était sous les niveaux de 2009.

Figure 16 – Investissements en télécommunications par personne en Israël Note de bas de page 216

Investissements en télécommunications par personne en Israël
Les détails de Investissements en télécommunications par personne en Israël
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
123,23 $ 127,41 $ 130,55 $ 118,98 $ 124,58 $ 123,30 $ 111,25 $

  1. Il est aussi important de tenir compte du fait que les pays n’ayant pas imposé d’accès obligatoire au marché de gros ont aussi connu des hauts et des bas des investissements d’une année à l’autre. La Figure 17 illustre par exemple les investissements en immobilisations sans fil combinés de Bell, Rogers et Telus. Cette figure montre que les dépenses en immobilisations sans fil d’une année à l’autre, par exemple entre 2009 et 2010, ont diminué de 18,3 %.

Figure 17 – Dépenses combinées en immobilisations dans le réseau sans fil de Bell, de Rogers et de Telus Note de bas de page 217

Figure 17 – Dépenses combinées en immobilisations dans le réseau sans fil de Bell, de Rogers et de Telus
Les détails de Dépenses combinées en immobilisations dans le réseau sans fil de Bell, de Rogers et de Telus
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015
123,23 $ 127,41 $ 130,55 $ 118,98 $ 124,58 $ 123,30 $ 111,25 $
  1. Le rapport d’expert, intitulé An Analysis of the Performance of the Canadian Mobile Wireless Industry, soumis pour le compte de Telus, avance que les dépenses en immobilisations au Canada et aux États-Unis, qui reposent sur une concurrence entre entreprises dotées d’installations, sont nettement plus importantes que dans l’UE, qui mise davantage sur une concurrence relative aux servicesNote de bas de page 218.
  2. Dans le même ordre d’idée, la comparaison des prix des services sans fil entre les pays se révélera difficile, tout comme de comparer leurs dépenses en immobilisations. Les différences de coûts, par exemple, les propriétés des réseaux et la densité de la population peuvent donner lieu à des écarts en matière de dépenses en immobilisations. Malgré le recours à des techniques économétriques pour contrôler les facteurs observables (p. ex. qualité du réseau) pour tenter de soustraire ces effets, il faut faire preuve de prudence dans les comparaisons directes ne comportant pas cette analyse.
  3. Là où le rapport d’expert de Telus attribue plus de dépenses en immobilisations au Canada et aux États-Unis qui dépendraient d’une concurrence entre entreprises dotées d’installations, il est aussi possible que les écarts relatifs à la densité de population et à la masse terrestre favoriseraient de moins grandes dépenses en immobilisations par abonné dans l’UE. Il est en outre important de noter que bien que le rapport regroupe tous les pays de l’UE, très peu continuent d’imposer un accès obligatoire aux ERMV. Comme dans le rapport de M. Abadi, le rapport cite des chiffres qui représentent l’investissement dans toutes les télécommunications et ne devraient par conséquent pas servir d’indicateur de l’investissement dans le réseau sans fil.

IX. Conception d’une politique d’accès obligatoire aux ERMV

a. Résumé des constatations du Bureau concernant l’évaluation du bien-fondé d’imposer un accès obligatoire pour les ERMV

  1. Afin de faire naître une pression concurrentielle additionnelle dans les marchés de gros et de détail des services sans fil canadiens, le CRTC envisage un modèle d’ERMV dans lequel les exploitants de réseau sans fil du pays seraient obligés de fournir un accès aux services de gros à leurs réseaux.
  2. Bien que des ERMV aient émergé naturellement dans d’autres marchés, cela ne s’est pas produit sur le marché canadien. Il existe certes une poignée d’offres de type ERMV au Canada (p. ex. 7-11 Speak Out, Petro-Canada Mobilité, PC Mobile), les modalités selon lesquelles ces organismes accèdent aux services sans fil de gros des exploitants de réseau mobile nationaux n’indiquent pas qu’elles exercent une contrainte concurrentielle sur les trois géants ou les entreprises régionales.
  3. Si le Bureau a encore des inquiétudes quant au degré de pouvoir de marché qui existe sur le marché des services sans fil au Canada, des signes prometteurs montrent que les politiques visant à promouvoir la concurrence entre entreprises dotées d’installations portent des fruits. L’étude Matrix a constaté que la concurrence de fournisseurs de services locaux dotés d’installations avait une incidence importante sur les prix, en particulier pour les fournisseurs qui sont en mesure d’acquérir une part de marché d’entre 5.5 % et 20 %.
  4. Même si la concurrence entre entreprises dotées d’installations a commencé à procurer des avantages concurrentiels aux consommateurs canadiens sous la forme de choix accrus et de prix réduits, la croissance des nouveaux venus régionaux aura été lente et inégale à l’échelle du pays. Bien que des portions du pays ont commencé à profiter de la présence d’un solide concurrent régional, une grande partie de la population n’a pas de solution de rechange acceptable pour les exploitants de réseaux sans fil nationaux.
  5. L’étude Matrix montre par exemple que la croissance de Freedom a des répercussions positives sur les prix, mais que celles-ci n’atteignent toutefois pas le niveau de Vidéotron dans leurs marchés respectifs. Le récit n’est pas le même pour toutes les nouvelles entreprises régionales, Eastlink ne semblant pas avoir eu une incidence significative sur les prix dans son secteur d’activité jusqu’à maintenant.
  6. En théorie, un régime qui impose l’accès obligatoire des ERMV a le potentiel d’accroître l’intensité concurrentielle dans le marché sans fil, cependant, il va sans dire que la conception du régime en question joue un rôle essentiel dans ses chances de réussite.
  7. L’expérience internationale en matière d’imposition d’un accès obligatoire des ERMV est mitigée, certains pays voyant la concurrence s’accroître dans les marchés de gros et de détail, tandis que d’autres ne constatent aucune augmentation marquée de la concurrence. Les constatations de l’étude Matrix suggèrent qu’un ERMV devrait obtenir une part de marché supérieure à 5,5 % pour avoir une incidence sur le marché, mais idéalement, un ERMV devrait obtenir une part de marché de 20 % pour avoir une incidence comparable à celle des agents perturbateurs de services sans fil. L’expérience internationale donne à penser qu’il s’agit là d’un objectif ambitieux, en particulier dans le contexte d’un régime d’accès obligatoire. Par exemple, grâce à l’imposition de l’accès obligatoire, les ERMV en Espagne ont collectivement obtenu une part de marché de 10 %, et en Autriche la part de marché des ERMV était de 7 %.
  8. Lorsqu’on prend en compte l’incidence des investissements sur les ERMV, il faut reconnaître que très peu de données font état de baisse des investissements à la suite de ces politiques, à l’échelle internationale. De nombreux pays ont cependant mis cette politique en place pour inciter un quatrième exploitant de réseaux mobiles à entrer sur le marché. Dans le contexte canadien, il y a dans la majorité des régions du Canada un quatrième ERM qui élargit ses activités afin d’atteindre son plein potentiel concurrentiel. Les enjeux en matière d’investissement seront probablement différents au Canada pour les nouveaux venus dotés d’installations qui pourraient être particulièrement à risque dans la concurrence avec un ERMV ayant accès aux réseaux de qualité relativement supérieure des exploitants. Cela pourrait nuire à leurs projets d’investissements, surtout en raison de leurs marges déjà plus étroites et de leur grande intensité de capital.

b. Conception d’une politique d’accès obligatoire aux ERMV

  1. Deux choix de conception principaux se présentent, d’un point de vue concurrentiel :
    1. les critères relatifs à l’accès des ERMV aux services de gros et
    2. la démarche adoptée pour l’établissement des prix.
    Les options de conception dépendent en partie des objectifs particuliers de la politique du CRTC en ce qui a trait au marché sans fil.

  1. Même si toute forme d’obligation relative aux ERMV comprend l’imposition d’une obligation pour les exploitants de réseaux mobiles de donner accès à leurs réseaux sans fil, les critères qu’une entreprise doit satisfaire pour obtenir un accès aux services sans fil de gros constituent un élément de différenciation. Le type de critères d’accès retenus par le CRTC dépend de la manière dont le CRTC perçoit l’arrivée des ERMV, comme moyen d’accélérer et de stimuler la concurrence entre les entreprises dotées d’installations ou comme une occasion d’implanter une concurrence relative aux services sur un marché où il n’y en a pas.

ERMV orienté vers les entreprises dotées d’installations

  1. Un modèle d’ERMV orienté vers les entreprises dotées d’installations fournirait l’accès aux services de gros à des perturbateurs des services sans fil qui pourraient raisonnablement mettre en place un réseau d’infrastructure physique sans fil ou développer un réseau existant. Cela fournirait un accès obligatoire temporaire à des entreprises désireuses et capables de construire un réseau et aux clients en transition après la période d’accès obligatoire.
  2. L’objectif d’un régime d’ERMV orienté sur les entreprises dotées installations est de permettre à un ERM régional existant d’offrir des services sans fil dans une région où il a l’intention de construire l’infrastructure correspondante, mais ne l’a pas encore fait. Dans un régime d’ERMV temporaire, les revenus tirés de la concurrence des services sans fil permettraient de financer des investissements dans l’infrastructure qui serviraient à la fin du régime d’ERMV. Cette option serait particulièrement profitable aux exploitants qui veulent s’agrandir, mais sont limités par de faibles marges et une plus forte intensité de capital. Freedom propose par exemple :
    « Il est vrai que de nouveaux concurrents régionaux, comme Freedom, ont une couverture limitée sur notre réseau. Et il est aussi vrai que Freedom fonctionne à la moitié de la marge pour des dépenses en immobilisations de plus du double de celles des trois géants, ce qui rend difficile et très risqué pour Shaw de resserrer ces limites de couverture.

    Si une mesure réglementaire est nécessaire et orientée vers un rapprochement de ces limites de couverture de réseau, les nouveaux concurrents des services sans fil seraient en mesure d’attirer des clients et de créer une base de revenus dans ces secteurs, ce qui accroîtrait la qualité et la portée de leurs services, tout en intensifiant immédiatement la concurrence. Les revenus permettraient aux nouveaux concurrents de croître rapidement, tout en canalisant les investissements dans ces secteurs en raison de la concurrence entre entreprises dotées d’installations, ce qui établirait une solide concurrence à moyen et à long terme pour défier la dominance nationale des trois géantsNote de bas de page 219. »
  3. En plus de stimuler les investissements dans l’infrastructure chez les acteurs régionaux, cette approche permet aussi d’instaurer une concurrence des prix à court terme dans les secteurs où il n’y a pas encore d’acteur régional. Ainsi, il y a une possibilité de profiter de certains des avantages en matière de prix mentionnés dans l’étude de Matrix, et ce beaucoup plus rapidement que les délais prescrits en vertu des horizons d’investissement actuels.
  4. Cependant, cette approche comporte une source de complexité pour atteindre l’objectif d’un tarif de gros qui incite les exploitants régionaux à raccourcir leur horizon en matière de déploiement de réseau complet et à élargir la portée potentielle de leurs investissements, sans pour autant les décourager d’investir dans un premier tempsNote de bas de page 220. Il est possible qu’un acteur régional veuille acquérir des clients durant la période d’ERMV temporaire, et ce, sans établir d’infrastructure sous-jacente, mais il s’ensuivrait d’importantes perturbations pour le client en raison du spectre que détiendra l’exploitant à la fin du régime d’ERMV. Le CRTC devrait être sûr de pouvoir éviter cette éventualité s’il veut suivre la voie de l’orientation vers les entreprises dotées d’installations.
  5. Ce risque pourrait être atténué par l’ajout d’exigences de création de réseau au régime d’ERMV pour les acteurs régionaux détenteurs de spectre, semblables à celles appliquées dans les enchères de réservation de spectre.
  6. Dans le contexte des mesures correctives en matière de fusion, la récente expérience d’autres pays comme l’ItalieNote de bas de page 221 et les États-UnisNote de bas de page 222, comme il est mentionné plus haut, pourrait aider le CRTC à concevoir un modèle d’ERMV orienté vers les entreprises dotées d’installations.
  7. Un modèle d’ERMV axé sur les installations risque fort de perturber la dynamique actuelle du marché de détail, comme l’a démontré une analyse d’experts du Bureau, et pourrait influer sur le niveau de concurrence sur le marché de gros à long terme, à mesure que des capacités de réseau supplémentaires seront ajoutées au marché par la création de nouveaux réseaux. Cela peut, à son tour, entraîner l’entrée spontanée des ERMV sur le marché lorsque celui-ci sera devenu suffisamment concurrentiel.

Régime ERMV évoluant en une combinaison d’installations et de services

  1. La solution de rechange à un régime d’ERMV axé sur les installations en est une qui favorise la combinaison entre deux types de concurrence, soit la concurrence des entreprises dotées d’installations et la concurrence axée sur les services, une combinaison qui serait fondée sur des critères d’accès élargis. Les critères seraient établis pour déterminer l’accès aux marchés des services sans fil de gros, mais comprendraient nécessairement un plus vaste bassin d’entreprises entrantes que d’entreprises dotées d’installations.
  2. Pour ce qui est de stimuler l’entrée de nouveaux venus sur le marché de détail des services sans fil, un modèle d’ERMV qui permet un accès élargi au marché est le plus prometteur.
  3. Bien que les services filaires et les services sans fil représentent des marchés différents ayant des caractéristiques uniques, l’approche générale concernant les ERMV utilisée sur le marché des services filaires pourrait donner lieu à une structure de marché du sans-fil semblable composée d’un grand nombre de participants de plus petite taille et d’un petit nombre de joueurs mieux établis. Toutefois, contrairement au marché des services filaires, il y a actuellement des nouveaux venus dotés d’installations qui sont en train de construire une infrastructure de réseau.
  4. Le compromis le plus évident de cette approche est que même s’il est possible d’élargir le bassin de nouveaux venus, ces derniers auront une capacité limitée d’investir dans l’établissement d’un réseau sans fil puisqu’ils ne détiennent pas de spectre.
  5. Cette approche pourrait également amplifier les insuffisances existantes en matière de réseau pour les communautés rurales et éloignées, réduisant l’analyse de rentabilité pour l’investissement dans des régions déjà moins économiquement attrayantesNote de bas de page 223. Cependant le CRTC semble avoir reconnu à juste titre que d’autres mesures correctives pourraient être nécessaires pour étendre les investissements dans l’infrastructure aux collectivités qui ne sont pas connectées actuellement ou qui ont un service insuffisant.
  6. Cette solution comporte un risque accru que les entreprises régionales entrantes, qui sont dotées d’installations et ont de plus faibles marges en raison d’investissements continus dans l’infrastructure de réseau pour rattraper les trois géants, soient désavantagées par rapport à des ERMV entrants liés à des exploitants établis ayant de plus grandes marges. Il est possible que ce risque puisse être atténué par un tarif de gros moins généreux. Par contre cela pourrait aller à l’encontre de l’objectif de la politique.
  7. Bien que l’expérience observée dans des pays comme l’Espagne donne à penser qu’un régime temporaire d’ERMV qui encourage une concurrence combinée entre les installations et les services soit possible, il est plus probable que ce régime s’allongerait à perpétuité.

Recommandation du Bureau

  1. Le Bureau recommande que le CRTC adopte un modèle axé sur les installations pour la conception de mesures correctrices pour les ERMV.
  2. Toutes choses étant égales par ailleurs, la concurrence fondée sur les installations est la forme de concurrence la plus durable et la plus efficace. La concurrence réglementée fondée sur les services est une approche justifiable là où la concurrence fondée sur le marché ne sera pas suffisamment vigoureuse pour promouvoir les intérêts des consommateurs en l’absence de réglementation.
  3. Une des faiblesses d’un modèle d’accès obligatoire de gros pour les ERMV de grande envergure est que le nouvel ERMV dépend d’un fournisseur faisant concurrence au ERMV en aval, et qui est incité à augmenter les coûts du ERMV et à utiliser tout levier disponible pour faire du ERMV un concurrent moins efficace dans le marché en avalNote de bas de page 224. Afin de répondre aux motivations des fournisseurs de gros, l’organisme de réglementation peut établir des conditions et modalités d’accès ainsi qu’un prix de gros.
  4. Cette approche peut, potentiellement, générer une plus forte concurrence, comme c’est le cas dans le marché de l’internet à large bande, mais représente un résultat de « deuxième place », puisque l’ERMV dépend à la fois de l’exploitant de réseau ainsi que de l’organisme de réglementation pour définir les limites dans lesquelles l’ERMV peut faire concurrence.
  5. Le marché des services sans fil se distingue du marché de l’internet à large bande par le fait que plusieurs fournisseurs de services sans fil régionaux intégrés verticalement construisent leurs propres réseaux. Ceci n’est pas le cas dans le marché des service d’internet à large bande, où il y a peu de raison commerciale incitant un concurrent additionnel à construire un réseau filaire indépendantNote de bas de page 225.
  6. Les exploitants de réseaux régionaux comme Vidéotron contrôlent complètement leurs prix, leurs offres de services et la qualité du réseau. Cette plus grande liberté d’action leur permet de faire concurrence plus agressive. Il pourrait donc ne pas être nécessaire de faire usage de l’option de « deuxième place » dans le sans-fil si les concurrents régionaux sont disposés à étendre leur portée et faire concurrence plus agressive. Essentiellement, une politique d’ERMV de plus grande envergure pourrait créer plus d’entrée sur le marché, mais possiblement de l’entrée moins efficace.
  7. Une concurrence plus étendue des ERM régionaux pourrait ouvrir la voie à une entrée naturelle future d’ERMV. Au fur et à mesure que les exploitants régionaux étendent leurs réseaux, ils créent des alternatives viables aux trois géants pour les services de gros, augmentant la probabilité qu’un marché de gros pour les services sans fil se développera. Ce résultat pourrait se produire grâce à l’augmentation de la qualité et la portée des réseaux régionaux, et à la création de capacité additionnelle dans le marché.
  8. L’incidence concurrentielle des perturbateurs sans fil est encourageante et indique qu’un marché concurrentiel pourrait se développer, mais onze ans après avoir adopté des politiques visant à promouvoir la concurrence fondée sur les installations, les Canadiens ne voient pas tous ces avantages. Une politique concernant les ERMV axée sur les installations est donc appropriée, car il s’agit en soi d’un terrain d’entente. Si elle est bien conçue, elle peut permettre à court terme d’accroître la concurrence des perturbateurs de services sans fil, tout en maintenant leur motivation à continuer d’investir et de prendre de l’expansion.
  9. Un large critère d’accès pour les ERMV peut également favoriser la concurrence, mais il y a un coût à ça. Les perspectives de succès et les risques associés à l’adoption d’une politique d’accès plus large pour les ERMV dépendent fortement de la fixation des tarifs. Si les prix sont trop élevés, la politique aura un effet minimal sur la concurrenceNote de bas de page 226. Si le prix est trop bas, les agents perturbateurs de services sans fil se retrouvent à risque, car les avantages financiers qu’ils pourraient tirer en étant un ERMV seraient plus intéressants que l’investissement. Il en résulterait probablement une solution réglementée à perpétuité.
  10. Étant donné que les ERMV achèteraient l’accès au réseau des trois géants, qui se comparent favorablement par rapport aux réseaux de la majorité des concurrents, un ERMV ayant très peu investi peut obtenir un avantage significatif sur les perturbateurs de services sans fil qui ont investi depuis plus d’une décennie. Qui plus est, l’expérience des exploitants à l’échelle internationale donne à penser qu’il est probable que les ERMV cibleront une clientèle similaire à celle des perturbateurs de services sans fil, lesquels sont particulièrement vulnérables en raison de leurs marges plus faibles et de leur intensité de capital plus élevée. Si les perturbateurs de services sans fil ne dégageaient toujours pas de résultats prometteurs, il pourrait être justifié de poursuivre une politique plus large relativement aux ERMV; toutefois, le Bureau est d’avis que les risques associés à une telle politique sont actuellement trop élevés pour qu’elle puisse être justifiée.
  11. Une politique relative aux ERMV dotés d’installations est conçue comme une mesure temporaire visant à déréglementer le marché après une période de cinq ans. Cette période de cinq ans s’aligne avec le prochain examen des services sans fil mobiles du CRTC. Le Bureau recommande que le CRTC limite l’accès au réseau uniquement à ceux qui pourraient avoir la capacité de construire un réseau dans un délai de cinq ans et de transférer à leur propre réseau les clients qu’ils ont acquis à titre d’ERMV. Pour déterminer l’accès, le Bureau suggère que les critères énoncés dans ses lignes directrices sur les mesures correctives pourraient constituer un point de référence approprié. Plus précisément, un ERMV potentiel devrait avoir la « capacité administrative, opérationnelle et financière » nécessaire pour être compétitif sur le(s) marché(s) pertinent(s) après l’imposition de la période d’accès obligatoire des ERMVNote de bas de page 227.
  12. Les nouveaux venus les plus susceptibles de pouvoir prouver qu’ils ont la « capacité opérationnelle » de se développer dans cinq ans sont ceux qui exploitent déjà des réseaux sans fil au Canada. Toute politique relative aux ERMV axée sur les installations signifie en soi qu’un nombre moindre de nouveaux venus seront admissibles à entrer sur le marché; toutefois, étant donné l’importance des économies d’échelle dans l’exploitation des réseaux sans fil, cela pourrait être un résultat logique.
  13. En pratique, seuls les fournisseurs de services sans fil qui disposent d’une quantité et d’une combinaison suffisantes de fréquences dans une zone donnée, mais qui n’y sont pas encore établis, auront probablement la capacité opérationnelle de le faire dans cinq ansNote de bas de page 228. En vertu de cette politique, il est donc peu probable que la Saskatchewan et le Québec voient d’autre entrée sur le marché puisque ces les fournisseurs locaux ont déjà construit un vaste réseau dans les endroits où ils détiennent du spectre. Cela dit, ce résultat est conforme à l’évaluation de la concurrence qui montre que ces régions bénéficient actuellement d’un degré de concurrence plus élevé.
  14. Selon l’étude Matrix, les autres régions du Canada pourraient probablement bénéficier d’une concurrence accrue et bénéficieraient de l’arrivée de nouveaux venus et d’une expansion éventuelle en vertu de cette politique. Cette politique pourrait notamment accélérer l’entrée et l’expansion prévues de Freedom, car Freedom serait en mesure d’obtenir une base d’abonnés avant d’entrer sur un marché. Il est également possible que Xplornet choisisse de devenir un ERMV et de construire un réseau dans les Maritimes, où elle a acheté le spectre de 600 MHz, d’accélérer son impact concurrentiel et son déploiement au Manitoba, et peut-être d’entrer dans d’autres régions du Canada. Eastlink pourrait également vendre au-delà de la zone de couverture de son réseau actuel en Ontario et dans les Maritimes et Tbaytel pourrait également prendre de l’expansion dans le nord de l’Ontario. Enfin, Iristel pourrait offrir des services dans les Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et au Nunavut.
  15. Le CRTC voudra probablement conserver les mesures incitatives afin que les fournisseurs locaux continuent d’investir et de prendre de l’expansion, et éviter que des mesures incitatives financières destinées à l’investissement dans l’aménagement des zones rurales soient détournées vers les investissements dans les villes. Par conséquent, un élément clé de la conception de cette politique est l’application des exigences de construction. Pour ce faire, le Bureau recommande ce qui suit :
    1. Premièrement, et à tout le moins, le Bureau recommande que le CRTC établisse clairement que si cette politique ne mène pas à une amélioration semsob;e des effets de la concurrence lorsque le CRTC procédera à un autre examen des services sans fil dans cinq ans, celui-ci exigerait alors un accès élargi pour les ERMV dans les marchés où la concurrence est encore insuffisante. Une telle attente claire pourrait d’elle-même motiver les nouveaux ERMV à adhérer aux objectifs de la politique du CRTC.
    2. Deuxièmement, le ERMV potentiel pourrait aussi être tenu de prendre des engagements crédibles pour assurer qu’ils rencontrent les demandes de déploiement. De tels engagements pourraient impliquer :
      1. des sanctions pécuniaires si l’ERMV ne respecte pas le délai convenu pour une entrée en tant qu’entreprise dotée d’installations; ou
      2. des investissements financiers initiaux qui seraient substantiels, mais toujours à une échelle moindre que si le candidat était inscrit comme ERM.
  16. Pour l’option i), le CRTC peut envisager l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire (SAP) distincte dans chaque marché où un fournisseur de services a fait affaire en tant qu’ERMV, mais n’a pas respecté l’exigence de construction. La SAP devrait être suffisamment élevée pour garantir qu’ils ont toujours la motivation pour construire dans les régions rurales.
  17. Une conception efficace de la politique garantira que ces mesures correctrices servent à stimuler et à accélérer à court terme la concurrence des perturbateurs de services sans fil, sans risquer de nuire à la construction et à la mise à niveau continuelles des réseaux par les perturbateurs sans fil ainsi que les compagnies déjà établies.
  18. Au fur et à mesure que les fournisseurs de services sans fil régionaux croissent et étendent leurs réseaux, les facteurs les décourageant de coordonner leurs actions avec les trois géants peuvent s’éroder à long terme. Les fournisseurs de services sans fil régionaux pourraient ne plus faire face à des asymétries de coût et de part de marché, à une différentiation de réseaux, et à un manque de contact avec les trois géants dans plusieurs marchés. Il est probable que les facteurs rendant l’industrie des services sans fil susceptible à la coordination, comme les entraves à l’entrée et la transparence des prix demeurent; par contre, la probabilité de coordination diminue avec le nombre plus élevé de concurrent. Ceci est un risque important qui doit être surveillé au fur et à mesure que la concurrence progresse. Par contre, le Bureau n’a aucune preuve de coordination entre les trois géants et les fournisseurs de service sans fil régionaux en ce moment. Si du comportement coordonné entre les trois géants et les fournisseurs de service.

d. Méthodes de tarification

  1. La deuxième grande composante concurrentielle de l’accès réglementé de gros des ERMV est le mécanisme de détermination du tarif qu’il convient d’exiger pour un accès au marché de gros des services sans-fil.
  2. En règle générale, le Bureau n’est pas en faveur d’une réglementation des prix. Cependant, comme l’ont montré les résultats de l’étude de marché menée par le Bureau sur les services à large bandeNote de bas de page 229, le Bureau reconnaît que, dans les marchés comportant d’importantes difficultés concurrentielles, une intervention du gouvernement pourrait stimuler la concurrence.
  3. Toutefois, ces interventions ont des coûts qui, en fait, sont souvent assumés indirectement par les consommateurs. Si le CRTC décidait d’imposer un régime d’accès obligatoire pour les ERMV, il devra évaluer ces coûts par rapport à leurs répercussions sur la concurrence.
  4. Il existe trois principales méthodes pour déterminer le tarif approprié pour les services d’accès sans fil de gros : prix coûtant majoré, prix de détail minoré et filets de sécurité aux négociations.

Prix coûtant majoré

  1. Une tarification fondée sur une méthodologie de majoration du coût fixe le tarif d’accès au marché de gros en estimant le coût de l’infrastructure pour un ERM qui fournit des services sans fil aux consommateurs, et applique une marge additionnelle pour procurer à cet exploitant un juste taux de rentabilité.
  2. La méthode du prix coûtant majoré est attrayante parce qu’elle ne crée pas d’incitatif à l’augmentation des prix de détail en réaction à l’accès obligatoire et permet aux ERM bien établis de recevoir un juste taux de rentabilité pour leur investissement dans l’infrastructure de réseau.
  3. L’inconvénient le plus évident de la méthode du prix coûtant majoré est la complexité de l’établissement d’un coût de base convenable à partir duquel serait calculé le tarif correspondant ainsi que la durée du processus. Il aura par exemple fallu plusieurs années au CRTC pour établir le tarif définitif des services filaires de gros sur la base du prix coûtant majoré et ce tarif a déjà nécessité un important rajustement.
  4. Un suivi des résultats indique que l’approche du prix coûtant majoré s’ajuste lentement aux changements de l’infrastructure de réseau sous-jacente. Cela se révèle problématique dans un environnement où les exploitants de réseau mobile canadiens s’apprêtent à mettre en place des réseaux 5G.
  5. La complexité du prix coûtant majoré et la nécessité d’obtenir des données détaillées des ERM font en sorte que les tarifs établis à partir de cette méthode sont susceptibles d’être manipulés par les ERM. Dans la mesure du possible, une approche du prix coûtant majoré doit recourir à des données vérifiables déjà utilisées dans le courant normal des activités des ERM.
  6. Un facteur atténuant possible est que la méthode du prix coûtant majoré permet un traitement différentiel de portions d’une infrastructure de réseau de ERM. Un régime d’accès réglementé de gros recourant à la méthode du prix coûtant majoré pourrait comprendre des incitations qui encouragent l’investissement dans une infrastructure de réseau de la prochaine génération (RPG).

Prix de détail minoré

  1. Délaissant le calcul complexe d’un coût de base sous-jacent, l’approche de prix de détail minoré établit les tarifs d’accès au marché de gros en appliquant une réduction fixe, en pourcentage, au prix de détail courants des services sans fil.
  2. Les principaux avantages de la méthode du prix de détail minoré sont la facilité d’établir le tarif d’accès au marché de gros des services sans fil et la nature publique des données utilisées pour établir les prix. Le premier avantage fait en sorte que le prix d’accès au marché de gros des services sans fil réagit aux conditions changeantes du marché, tandis que le second élimine la possibilité de manipuler le prix par présentation fallacieuse des données sous-jacentes.
  3. La méthode du prix de détail minoré vise à fixer la réduction à un niveau qui permet aux ERMV d’apporter une pression concurrentielle dans le marché, tout en offrant une rémunération équitable aux ERM pour la mise en place et l’entretien de leur infrastructure de réseau. Il s’agit de la principale source de complexité réglementaire de la méthode de prix de détail minoré.
  4. Certaines décisions importantes sont à prendre sur ce qui constitue un prix de détail convenable, puisque les ERM offrent habituellement une variété de plans et de points de prix. La méthode du prix de détail minoré requiert que le CRTC élabore une méthodologie qui intègre cette variété de points de prix et détermine un tarif à exiger aux ERMV. Un autre des avantages de la méthode du prix de détail minoré est que le calcul repose sur des données publiques, ce qui réduit les possibilités de manipulation.
  5. Par contre, la méthode du prix de détail minoré comporte une autre forme de problème incitatif qui pourrait se révéler encore plus problématique pour un régime d’ERMV. Dans un marché marqué par des comportements coordonnés et où il manque d’acteur perturbateur, la méthode du prix de détail minoré incite les ERM à faire monter les prix de détail comparativement à la méthode du prix coûtant majoréNote de bas de page 230. La capacité des ERMV entrants à exercer une pression concurrentielle efficace est d’autant réduite, puisque leur coût d’accès au marché de gros est augmenté par le prix de détail.
  6. La dynamique actuelle du marché canadien justifie la prise en compte de ce risque, qui est précisément élevé dans les régions où il n’existe pas la pression concurrentielle d’un acteur perturbateur offrant des services sans fil mobiles.
  7. La méthode du prix de détail minoré est relativement peu employée dans les juridictions étrangères et accompagne souvent un régime d’accès plus généralisé utilisant la méthode du prix coûtant majoré.

Filet de sécurité réglementaire

  1. La dernière approche de la tarification en est une qui repose sur un filet de sécurité réglementaire en cas d’échec des négociations commerciales ou lieu d’un prix prédéterminé fondé sur le prix de détail ou les coûts sous-jacents.
  2. Le filet de sécurité réglementaire vise à supprimer les obstacles à une entente et à inciter les parties à convenir de modalités qui créent un équilibre entre l’instauration d’une pression concurrentielle et une juste rétribution à l’ERM pour ses investissements dans l’infrastructureNote de bas de page 231.
  3. Le filet de sécurité réglementaire remédierait aux plaintes d’éventuels ERMV entrants concernant le refus qu’ils essuient de la part des ERM de prendre part à des négociations en toute bonne foi pour l’accès au marché de gros. En imposant un régime de télécommunications sans fil de gros et en mettant en place un filet de sécurité aux négociations, le CRTC informera les parties de sa prédilection pour la conclusion d’ententes avec les ERMV, partageant les incitatifs entre les deux parties à la recherche d’une entente en toute bonne foi.
  4. Cette approche procure une plus grande marge de manœuvre dans l’établissement des tarifs d’accès au marché de gros, puisque les ententes peuvent être flexibles en cas de changement des dynamiques du marché et des structures de coût sous-jacentes. En mettant l’accent sur l’ajout de participants dans le marché, il est plus probable que le prix convenu corresponde à une approximation d’un effet du marché plutôt que d’un effet purement réglementaire.
  5. Cette approche s’inspire de l’expérience internationale, puisque l’étude que le Bureau a faite des autres pays a révélé que les cas d’intervention réglementaire comprenant la réglementation des tarifs de vente en gros sont rares, la majorité des organes de réglementation optant pour une démarche « plus légère » par laquelle ils obligent la tenue de négociations commerciales justes et raisonnables et, en cas d’échec de celles-ci, la mise en place d’un filet de sécurité réglementaire.
  6. Puisque les processus d’arbitrage peuvent être coûteux et longs, la conception du processus d’arbitrage et la sélection d’un arbitre qualifié sont des étapes essentielles à la réussite d’un régime de filet de sécurité réglementaire.
  7. Même si les méthodes d’intervention peuvent varier, l’arbitrage de l’offre finale constitue une méthode qui a connu un certain succès tant à l’échelle nationale qu’à l’étranger. Selon les termes de cette démarche, les deux parties soumettent une offre finale à la fin des négociations et l’arbitre sélectionne celle qu’il estime la plus convenable. Cela incite les deux parties à soumettre des offres qu’un arbitre jugera raisonnables, puisque l’autre offre sera vraisemblablement plus favorable à la partie opposée.
  8. Compte tenu de l’historique des plaintes à propos d’expériences de négociations commerciales dans le marché des télécommunications, la conception du processus d’arbitrage doit tenir compte des possibilités que les participants retardent inutilement ou fassent échouer la procédure. L’arbitrage comportera un certain niveau d’engagement de coût et de temps, mais le processus devrait viser la plus grande efficacité possible afin de réduire le fardeau des parties.
  9. La sélection de l’arbitre est aussi importante que l’établissement réussi d’un tarif fondé sur des négociations commerciales. Il est impératif, pour la sélection d’un arbitre, de très bien comprendre les propriétés économiques et techniques du marché afin d’éviter des retards inutiles et d’obtenir un résultat qui engendre une pression concurrentielle dans le marché.
  10. Le CRTC occupe une position idéale pour jouer le rôle d’arbitre dans une approche de filet de sécurité qui repose sur l’offre finale. Les compétences et les connaissances du CRTC dans ce domaine lui procurent un avantage comparatif quant à la capacité à prendre des décisions équitables qui favorisent une plus grande concurrence dans le marché sans fil.

Recommandation du Bureau

  1. Quels que soient les critères d’accès que le CRTC juge appropriés, le Bureau recommande que le CRTC adopte un filet de sécurité pour la négociation de l’établissement des tarifs des ERMV. Un filet de sécurité pour la négociation renforce le pouvoir de négociation d’un ERMV potentiel avec les trois géants et présente l’avantage d’être une démarche réglementaire plus légère qui peut s’adapter rapidement aux changements du marché.
  2. En revanche, les études d’établissement des coûts associées à l’établissement d’un prix coûtant majoré sont longues, complexes et deviennent rapidement désuètes. En outre, la méthode du prix coûtant majoré est particulièrement problématique à l’heure où la technologie 5G se profile à l’horizon. Les données historiques sur les coûts seront peu pertinentes pour l’établissement de tarifs. Il est peu probable qu’une stratégie fondée sur la méthode du prix de détail minoré soit une meilleure approche; dans un marché qui est vulnérable aux comportements coordonnés, cette politique pourrait avoir pour conséquence involontaire d’augmenter les prix des services sans fil mobiles.
  3. Bien sûr, les détails seront essentiels à l’efficacité d’une telle politique. Cependant les filets de sécurité réglementaires ont fait leurs preuves dans d’autres juridictions, car il s’agit généralement de l’approche privilégiée. Le CRTC peut donc se tourner vers ses homologues internationaux pour obtenir des conseils, y compris l’Espagne, où la politique d’accès obligatoire pour les ERMV a déclenché une concurrence suffisante pour justifier la déréglementation du marchéNote de bas de page 232.
  4. En ce qui a trait au mécanisme de résolution des différends, le Bureau recommande le recours à arbitrage de l’offre finale (AOF)Note de bas de page 233. L’AOF diffère de l’arbitrage conventionnel ou d’une étude d’établissement des coûts en ce sens qu’il peut créer des incitatifs à agir raisonnablement, qu’il est plus efficace et qu’il peut contrôler les coûtsNote de bas de page 234. Le CRTC profite du fait qu’il a de l’expérience avec ce processusNote de bas de page 235. Le Bureau a déjà examiné ce processus dans le cadre d’une question d’application de la loi et le Bureau a constaté qu’il peut constituer un mécanisme efficace pour régler les différendsNote de bas de page 236. Le Bureau a obtenu dans d’autres contextes, des conclusions semblables relativement aux mécanismes de l’arbitrage de l’offre finaleNote de bas de page 237.
  5. Le CRTC est susceptible de devenir un arbitre approprié en matière de différends étant donné la nature complexe de ces processus d’arbitrage et son expérience de l’examen des coûts des entreprises de télécommunications sans fil dans l’établissement des tarifs d’itinérance de gros. En se fondant sur les constatations de l’étude Matrix selon lesquelles la concurrence régionale accrue entraine l’abaissement des prix des trois géants sans affecter la qualité du réseau, le Bureau recommande que le CRTC examine les prix de détail en vigueur dans les régions plus concurrentielles du Canada pour « vérifier la validité » des propositions qu’il reçoitNote de bas de page 238.

e. Applicabilité aux fournisseurs nationaux

  1. Le spectre est un élément essentiel pour tout fournisseur de services mobiles sans fil souhaitant s’introduire dans un nouveau marché et y livrer concurrence. En tant que tels, les trois géants peuvent attribuer une valeur ajoutée, souvent appelée « valeur d’exclusion », aux actifs du spectre en raison de leur capacité d’empêcher la concurrenceNote de bas de page 239. Cette valeur d’exclusion peut faire grimper le prix du spectre, ce qui crée un autre obstacle pour les nouveaux entrants potentiels. Pour lutter contre ce problème, ISDE a mis en œuvre des politiques visant à garantir que les nouveaux entrants auront accès au spectre dont ils ont besoin pour continuer à étendre leurs réseaux. Les Canadiens constatent actuellement les avantages de ces politiques confirmés par le développement et l’expansion des réseaux des fournisseurs régionaux ainsi que par ses répercussions connexes sur les prix.
  2. Cela dit, comme il est démontré à la Figure 18, les trois géants continuent de détenir la part du lion du spectre au Canada, y compris le spectre critique dans les bandes basses, probablement en raison des avantages historiques de l’attribution du spectre.

Figure 18 – Part de détention du spectre en termes de population à servir Note de bas de page 240 Note de bas de page 241

[## ##]

  1. En particulier, il semble que la balance ait basculé en faveur du réseau de Bell et de Telus. Rogers a expliqué ne pas être en mesure d’appuyer les ERMV sans investir graduellement, car elle n’a pas une capacité excédentaire suffisante. « Rogers surveille de près sa capacité disponible à tous les points de son réseau. Rogers n’entreprend les mises à niveau nécessaires pour augmenter la capacité que lorsqu’un élément particulier de son réseau approche de ses limites. Deux conséquences en découlent : D’abord Rogers ne cherche pas activement à conclure des ententes avec les ERMV pour combler sa capacité inutilisée et, deuxièmement, Rogers ne peut desservir les ERMV sans investir davantage de capitaux pour accroître la capacité du réseau.Note de bas de page 242 »
  2. Cette affirmation de Rogers est appuyée par la quantité de spectre inutilisé dans son portefeuille par rapport à ses concurrents nationaux. Bell et Telus détiennent ensemble [##] % du spectre inutilisé détenu par les trois géantsNote de bas de page 243. L’affirmation est également vérifiée que les vitesses offertes récemment par Rogers sont légèrement inférieures à celles de Bell et de Telus dans les grandes villesNote de bas de page 244. Cela dit, c’est Rogers qui a obtenu, parmi les trois géantsNote de bas de page 245, la plus grande partie des 600 MHz de spectre mise aux enchères donc cette situation pourrait changer lorsque ce spectre sera prêt à être déployé.
  3. Par ailleurs, Bell et Telus mentionnent souvent l’avantage sur le plan des coûts que le partage de réseau leur procure dans les conférences téléphoniques avec les investisseurs. Par exemple, Bell a déclaré « grâce à notre important investissement dans la fibre filaire, ainsi qu’à notre entente de partage de réseau avec Telus, nous avons été en mesure de maintenir une intensité de capital sans fil d’environ 7 %Note de bas de page 246. Rogers, d’autre part, a déclaré une intensité du capital des services sans fil de 14 %, soit le double de celle de Bell et de TelusNote de bas de page 247.
  4. Il peut s’agir d’une considération pertinente pour le CRTC dans la conception d’un régime de ERMV et dans l’éventualité où le régime s’appliquerait à tous les transporteurs nationaux.

f. Autres mesures correctives à examiner

  1. Que le CRTC prévoie ou non imposer un régime d’accès obligatoire aux ERMV sur le marché canadien des services sans fil mobiles, il reste des solutions de rechange et d’autres mesures correctives qui accroîtraient l’intensité concurrentielle dans le marché des services sans fil mobiles canadien. Ces mesures correctives se concentrent sur la diminution du coût de transfert ainsi que des barrières à l’entrée et à l’expansion.
  2. Des soumissions antérieuresNote de bas de page 248 ont examiné en détail ces mesures correctives, ce qui fait qu’elles sont peu abordées ici.

Transfert sans heurt

  1. Différent de l’itinérance sans heurt, le transfert sans heurt (et plus particulièrement la rétrocession sans heurt) permet aux consommateurs d’entrer sur les marchés d’itinérance et de retourner à leurs marchés d’accueil sans interruption de service (p. ex. appels manqués, téléchargements/téléversements interrompus). Les ERM locaux indiquent que cette interruption constitue une expérience néfaste pour le consommateur, qui dégrade la qualité de leurs offres de service et affaiblit l’efficacité de leur capacité concurrentielle.
  2. Même si cette capacité comporte un certain degré de complexité technique et nécessite un investissement, Shaw avance que les ERM établis ont déjà cette capacité :
    « Nous sommes conscients que Bell et Telus, par exemple, favorisent le transfert sans heurt. Un client de Bell peut sortir d’une zone desservie par Bell et entrer dans une zone desservie par Telus sans interruption de son appel. À notre avis, il est possible d’en dire autant en ce qui concerne Rogers et BellNote de bas de page 249. »
  3. L’élargissement de cette obligation de transfert sans heurt à tous les exploitants agirait au niveau des conditions de concurrence et atteindrait les objectifs stratégiques du régime obligatoire de l’accès sans fil en itinérance.

Modifications des règles de partage des tours de transmission et d’accès aux sites

  1. Il semble qu’il serait possible d’améliorer le potentiel concurrentiel des règles de partage des tours de transmission et d’accès aux sites. Un certain nombre de parties à cette instance mentionnent que les règles actuelles engendrent des possibilités de retard et d’obstruction à un accès légitime aux tours de transmission et aux sites par les entreprises entrantes.
  2. Rogers indique par exemple que l’examen d’une demande de permis est déraisonnablement compliqué et coûteux, que les refus de permis sont vagues et manquent de détails et de motifs, que les allégations de capacité insuffisante sont infondées ou trompeuses, que la pratique de délivrance d’autorisations « partielles » donne lieu à des installations fragmentaires et inefficaces, que les coûts de mise en route sont prohibitifs et que les entreprises de services locaux titulaires (ESLT) peuvent aussi contrôler l’accès aux pylônesNote de bas de page 250. De même, Shaw mentionne ceci :
    « Shaw se bute à d’importants retards dans l’obtention d’un accès aux structures de soutènement des ESLT (principalement Telus). Les deux retards les plus fréquents concernent d’abord les refus d’accès en raison de cas allégués “d’absence de capacité restante”, puis de retards indus engendrés par l’insistance de l’ESLT à effectuer des travaux de mise en route et l’absence de normes de services pour l’exécution de ces travaux par l’ESLT.

    [...] les refus d’accès aux structures de soutènement des ESLT pour des raisons d’une “absence de capacité restante” alléguée donnent rarement de raisons détaillées de l’absence de capacité disponible, notamment s’il s’agit de réservations d’espace par l’ESLT pour son usage ultérieurNote de bas de page 251. »
  3. Resserrer les définitions de « usage imminent et futur » et les fenêtres de synchronisation qui y sont associées pourrait réduire la capacité d’un ERM établi à obstruer l’installation d’une infrastructure par une entreprise entrante sur des tours de transmission et des sites existants.
  4. Outre ces modifications, une démarche d’« approbation négative » pourrait améliorer les résultats. Cette démarche pourrait inverser efficacement la responsabilité de répondre aux demandes d’accès aux tours de transmission et aux sites. Dans le régime actuel, à défaut d’accuser réception d’une demande dans un délai prescrit, cette demande n’est pas réputée approuvée, et le demandeur doit demander l’aide d’ISDE pour remédier à la situation. Avec une démarche d’approbation négative, les demandes non traitées dans un délai prescrit seraient réputées approuvées, ce qui inciterait les ERM à répondre plus rapidement aux demandes des entreprises entrantes.
  5. Le bureau est d’avis qu’une mise en place de règles de partage des tours de transmission et d’accès aux sites plus rigoureuses pourrait faciliter la croissance des concurrents régionaux.

Tarifs réduits pour l’itinérance et autres modes de négociation de ces tarifs

  1. Le tarif associé au régime d’itinérance obligatoire du CRTC est un ajout majeur dans la capacité d’un ERM local à concurrencer contre les exploitants établis ayant des réseaux nationaux. Des tarifs d’itinérance fixés de façon efficace réduisent la pertinence d’établir un réseau national d’infrastructure physique et permettent aux ERM locaux d’attirer des clients ayant besoin de services à l’extérieur de leur réseau.
  2. Un tarif d’itinérance sans fil gonflé réduit le potentiel concurrentiel des ERMlocaux, en plus d’être contraire à l’intention d’ordre concurrentiel du régime d’itinérance obligatoire sans fil du CRTC.
  3. Des données probantes indiquent que le tarif d’itinérance sans fil est gonflé. Il est prouvé notamment que le tarif actuel de l’itinérance, par gigaoctet, est bien au-dessus du tarif de détail par gigaoctet offert aux consommateurs canadiens, ce qui indique que ce tarif ne correspond pas à la structure de coût sous-jacente. Dans sa première soumission, Eastlink mentionne que :
    « [...] conformément aux tarifs de gros de l’itinérance, les exploitants établis facturent l’itinérance de données de 13,00 $ à 14,00 $ par gigaoctet de données, tandis que les tarifs de données qu’ils facturent aux consommateurs de détail sont nettement plus bas. Si les tarifs exigés sont de beaucoup inférieurs à ceux excessivement élevés exigés auparavant, les décisions ne comprenaient pas d’examen ou d’un autre mécanisme pour l’établissement des réductions ou des révisions de tarifs de gros de l’itinérance dans les cas où une modification des coûts associés à l’itinérance occasionnerait une réduction des tarifs, ou lorsque les circonstances le justifientNote de bas de page 252. »
  4. À l’instar de l’approche recommandée par le Bureau concernant l’établissement des tarifs dans le contexte d’une politique de ERMV obligatoire, il serait utile d’examiner les tarifs du marché de détail dans des marchés plus concurrentiels pour vérifier le caractère raisonnable des tarifs d’itinérance. Par exemple, au Québec, les forfaits « illimités » de Bell avec 10 Go de données (après quoi les vitesses du réseau sont réduites) sont d’environ 6,5 $ par Go au détailNote de bas de page 253, mais les tarifs d’itinérance se situent entre 13 $ et 14 $ par Go (selon l’entreprise)Note de bas de page 254.

Dissociation des appareils

  1. Dans sa soumission initiale, le Bureau a proposé diverses mesures à prendre pour accélérer l’effet perturbateur des nouveaux concurrents dotés d’installations, notamment celle de réduire les coûts de transfert. Un des exemples présentés consiste à dissocier l’achat d’un combiné du plan de service, pratique mise en place en Israël.
  2. Dans ses demandes de renseignements du 5 juillet, le CRTC a demandé aux fournisseurs de services sans fil mobiles de faire part de leur opinion sur la pertinence d’imposer ce genre d’obligation en tant que moyen pour faciliter le transfert. Dans leurs réponses, un certain nombre d’exploitants ont indiqué que ces plans existent déjà sur le marché canadien. Dans sa réponse, Telus a par exemple précisé que :
    « [...] de nombreux fournisseurs de services sans fil canadiens, entre autres Bell, Rogers, TELUS et Iristel, offrent maintenant le financement distinct de l’appareil qui sépare l’achat du combiné du plan de service sans fil. Le financement de l’appareil permet au consommateur de payer l’appareil par versements mensuels. Une fois que le solde restant du montant financé pour l’appareil est entièrement liquidé, les consommateurs n’ont plus à payer de versements mensuels pour l’appareil. Chez Telus, le financement de l’appareil s’appelle « Paiements faciles ». Le contrat de financement de l’appareil Paiements faciles est un contrat distinct de l’entente de services sans fil et offre un financement à un TAP de 0 %. Il y a une option à 0 $ d’acompte pour les téléphones de la gamme Telus Mobilité, ce qui permet aux consommateurs d’acquérir plus facilement la plus récente version de téléphones intelligents. Paiements faciles de Telus n’est qu’un des exemples d’options de financement d’appareil sur le marché, qui a évolué sans réglementation inutile de la vente de détail de services sans fil. »
  3. Bien que le contrat de financement d’appareil offert par Bell, Rogers, Telus et Iristel soit séparé du contrat de service, ces deux contrats ne sont pas distincts sur le plan fonctionnel. Il est impossible de résilier un contrat de service sans devoir annuler le contrat de financement et en liquider le solde restantNote de bas de page 255, ce qui élimine tout avantage potentiel d’un transfert facilité.
  4. Une dissociation des contrats de financement et de service d’un appareil pourrait réduire les entraves au transfert en permettant à un consommateur de résilier son contrat de service sans avoir à faire de même pour le contrat de financement de son appareil. Dans ce scénario, le consommateur est libre de se tourner vers un plan de service concurrent, tout en continuant de payer le solde de son appareil à son fournisseur de services précédent.

X. Conclusion

  1. Il est clair que les trois géants détiennent le pouvoir de marché dans les volets gros et détail du marché des services sans fil mobiles. Les indices et les preuves directes appuient cette conclusion. De plus, les données indiquent que le marché des services sans fil mobiles est vulnérable à la coordination et qu’il y a bel et bien eu des comportements coordonnés entre les trois géants.
  2. Les perturbateurs du marché des services sans fil mobiles, dont la part de marché se situe entre 5,5 % et 20 %, ont été de plus en plus en mesure d’exercer des pressions sur les trois géants sur les marchés où ils exercent leurs activités, ce qui laisse entrevoir des services sans fil plus abordables pour les consommateurs, qui confirment le bien-fondé des politiques visant à promouvoir la concurrence fondée sur les entreprises dotées d’installations introduites par le CRTC et ISDE.
  3. Toutefois, cette concurrence n’a pas encore atteint son plein potentiel et l’application très large de l’accès obligatoire aux ERMV risque de miner les mesures prises par les perturbateurs des services sans fil mobiles, sans grande certitude que la politique liée aux ERMV réduira considérablement les prix. Si le CRTC a l’intention d’instaurer un faible taux d’accès pour les ERMV, il devrait le faire en sachant qu’il met en péril les perturbateurs sans fil. Avec un taux d’accès élevé des ERMV, il est peu probable qu’ils aient une incidence concurrentielle significative sur le marché.
  4. Le Bureau est d’avis qu’il existe une mesure correctrice qui peut stimuler la concurrence à court terme et assurer le déploiement continuel des réseaux et la concurrence fondée sur les entreprises dotées d’installations que livreraient les perturbateurs des services sans fil mobiles. Cette mesure correctrice accélère et accroît à court terme la concurrence des perturbateurs des services sans fil mobiles en leur permettant d’entrer sur de nouveaux marchés et de s’y déployer. Les perturbateurs des services sans fil mobiles, comme l’ont démontré l’expert du Bureau, ont fait la preuve qu’ils ont une incidence importante sur les prix et l’utilisation des données lorsqu’ils entrent sur un marché, et qu’ils sont capables de créer des réseaux sans fil. Cette mesure correctrice ne met pas en danger les perturbateurs des services sans fil mobiles en réduisant leurs marges en deçà des niveaux actuels de sorte qu’ils ne pourraient plus financièrement justifier l’expansion de leur réseau.
  5. La clé du succès de cette mesure correctrice réside dans la poursuite de l’expansion du réseau. Un résultat négatif potentiel serait que les perturbateurs des services sans fil mobiles choisissent de renoncer, de retarder ou de détourner les financements qui auraient été utilisés pour étendre leurs réseaux et tirer le meilleur parti de l’accès obligatoire. Le Bureau suggère trois moyens de surmonter cet enjeu : 1) investissement initial; 2) amendes pour ne pas avoir déployé un réseau; et 3) une intention clairement exprimée d’imposer un large accès obligatoire aux ERMV au cours des cinq prochaines années, sans autres critères limitant l’accès, si cette politique ne donne pas les résultats escomptés. En outre, les politiques qui visent à réduire les obstacles à l’entrée et les frais de changement de fournisseur peuvent être envisagées conjointement avec cette mesure correctrice pour faciliter le déploiement et l’accroissement de la part de marché des perturbateurs de services sans fil.
  6. Le Bureau serait heureux de prendre part à une audience publique.
  7. Pour les besoins de cette instance, la représentante désignée du commissaire est :

    Laura Sonley
    Agente principale du droit de la concurrence, Direction générale de la promotion de la concurrence
    Bureau de la concurrence
    21e étage, 50, rue Victoria
    Gatineau (Québec) K1A 0C9