Acquisition de Pioneer par Parkland

Énoncé de position

Voir les communiqués de presse du 30 avril 2015, du 3 juin 2015 et du 29 mars 2016 qui correspondent à cet énoncé de position.


OTTAWA, le 1er avril 2016 – À la suite du premier processus de médiationFootnote 1 tenu dans le cadre d’une instance du Tribunal de la concurrence, le commissaire de la concurrence et Parkland Fuel Corporation (Parkland) ont conclu un consentement qui permet de régler les questions en litige relativement à la vente d’essence au détail dans huit marchés principalement ruraux de l’Ontario et du Manitoba. Parkland se départira d’une station‑service ou d’une entente d’approvisionnement en essence dans six de ces marchés afin d’éliminer tout chevauchement résultant de cette acquisition. Dans les deux autres marchés, il sera interdit à Parkland de hausser sa marge réalisée sur les ventes d’essence.

Cette médiation, menée par l’honorable Paul Crampton, membre judiciaire du Tribunal de la concurrence et juge en chef de la Cour fédérale, découlait d’une demande présentée au Tribunal de la concurrence par le commissaire en 2015 alléguant que l’acquisition par Parkland de la quasi‑totalité des éléments d’actifs de Pioneer Energy LP (Pioneer) aurait pour effet d’empêcher ou de réduire sensiblement la concurrence dans 14 marchés locaux en Ontario et au Manitoba. Cette demande était relativement novatrice en ce sens qu’elle alléguait que la fusion augmenterait la capacité et les incitatifs permettant à la fois à l’entité fusionnée de hausser ses prix unilatéralement et à tous les concurrents dans les marchés visés de coordonner plus efficacement l’établissement de leurs prix, au détriment de la concurrence.

En mai 2015, peu après le dépôt de la demande du commissaire, le Tribunal de la concurrence rendait, pour la première fois, une ordonnance provisoire faisant suite à une demande relative à une contestation de fusion, laquelle ordonnance empêchait Parkland de mettre en œuvre la transaction dans six marchés locaux en Ontario et au Manitoba jusqu’à ce que le litige soit réglé. Le Tribunal a déterminé qu’il existait des éléments de preuve à partir desquels on pouvait inférer que, sans cette ordonnance, la transaction porterait préjudice aux consommateurs et à l’économie en générale dans les six marchés en question. Dans son mémoire, Parkland a proposé de se départir de biens dans 11 marchés ou de se retirer de ces marchés pour répondre aux préoccupations en matière de concurrence. Toutefois, le Tribunal a indiqué que la proposition de Parkland n’était ni assez précise ni assez substantielle pour lui permettre de conclure que les préoccupations en matière de concurrence seraient réglées dans ces marchés.

Des faits additionnels, recueillis après la présentation de la demande au Tribunal, ont amené le commissaire à conclure que la fusion n’était pas susceptible de réduire sensiblement la concurrence dans le marché de Chelmsford/Azilda, en Ontario, contrairement à ce qui était allégué au départ. Dans le cadre de la médiation et afin d’en arriver à un règlement rapide du litige, le commissaire a par la suite décidé de ne plus aller de l’avant pour chercher à obtenir un correctif à l’égard des cinq autres marchésFootnote 2.

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Contexte

L’essence représente une dépense importante pour la plupart des entreprises et des ménages canadiens, et la concurrence entre les détaillants d’essence est essentielle pour les consommateurs canadiens.

En vertu d’une entente d’achat d’actifs datée du 17 septembre 2014, Parkland a convenu d’acquérir de Pioneer 181 stations‑service exploitées par Pioneer ainsi que 212 contrats d’approvisionnement en Ontario et au Manitoba. Les parties ont scellé leur transaction de fusion en juin 2015, sous réserve de l’ordonnance provisoire émise par le Tribunal.

Les huit marchés visés par le consentement sont énumérés ci‑dessous, ainsi que le type de station‑service exploitée ou approvisionnée par chacune des parties. Les marchés à côté desquels il y a un astérisque sont ceux qui étaient assujettis à l’ordonnance provisoire.

Marchés visés par le consentement
Marché Station‑service de Parkland Station‑service de Pioneer
*Assujetti à l’ordonnance provisoire émise par le Tribunal en mai 2015.
Bancroft (Ont.)* Détaillant tiers Exploitée par l’entreprise
Hanover (Ont.)Détaillant tiersExploitée par l’entreprise
Innisfil (Ont.) Détaillant tiers Exploitée par l’entreprise
Kapuskasing (Ont.)* Exploitée par l’entreprise Exploitée par l’entreprise
Tillsonburg (Ont.)* Détaillant tiers Exploitée par l’entreprise
Lundar (Man.)* Détaillant tiers Détaillant tiers
Neepawa (Man.)* Exploitée par l’entreprise Détaillant tiers
Warren (Man.)* Détaillant tiers Détaillant tiers

Analyse

Parkland et Pioneer possèdent et louent à bail des stations‑service pour lesquelles elles fixent le prix de l’essence (stations exploitées par l’entreprise). Ces deux entreprises fournissent également de l’essence à des stations‑service appartenant à des détaillants tiers dans le cadre de contrats exclusifs à long terme pouvant aller jusqu’à 10 ans (stations exploitées par un tiers). Pendant la durée de ces contrats, Parkland et Pioneer peuvent à n’importe quel moment augmenter le prix de gros de l’essence qu’elles facturent aux détaillants tiers, et donc influer sur les prix au détail de l’essence fixés par ces détaillants. Par conséquent, en évaluant le degré de concentration du marché après la fusion, les ventes d’essence des stations‑service exploitées par Parkland et de celles des détaillants tiers approvisionnés par Parkland ont été attribuées à Parkland.

L’examen du Bureau portait essentiellement sur la probabilité que la fusion réduise sensiblement la concurrence dans les marchés géographiques locaux où les activités commerciales des parties se chevauchaient, soit par la présence d’une station‑service exploitée par l’une ou chacune des parties et/ou par leur approvisionnement en essence à un détaillant tiers. Le Bureau a analysé plus précisément les effets unilatéraux et coordonnés de la transaction, y compris la mesure dans laquelle la fusion aurait une incidence sur la capacité et l’intérêt des concurrents qui subsistent à coordonner plus efficacement l’établissement des prix au détriment de la concurrence.

Dans cette analyse, le Bureau a pris en considération, entre autres choses, la mesure dans laquelle des concurrents efficaces resteraient sur le marché après la transaction, et la probabilité de l’entrée sur le marché ou de l’expansion d’autres détaillants d’essence potentiels.

Au cours de son examen, le Bureau a mené des entrevues avec de nombreux intervenants, dont des détaillants et des grossistes d’essence, des entreprises de raffinage, ainsi que des organismes gouvernementaux et de réglementation. Le Bureau a également étudié les documents et les données fournis, volontairement ou en vertu d’ordonnances de la cour conformément à l’article 11 de la Loi sur la concurrence (la Loi), par un certain nombre de participants au marché. Enfin, le Bureau a consulté des experts économiques et des spécialistes de l’industrie.

Définition du marché

Le marché de produits pertinent est la vente au détail d’essence, car les consommateurs d’essence ne peuvent se tourner vers d’autres carburants en raison des spécifications de fonctionnement de leur véhicule.

Le marché géographique pertinent est d’envergure locale. Les consommateurs font face à des coûts de transport et des coûts d’opportunité liés au fait d’aller acheter de l’essence dans des stations‑service plus éloignées, et ils sont limités dans le volume d’essence qu’ils achètent en fonction de la taille du réservoir de leur véhicule. Pour décider quels concurrents doivent faire partie du marché géographique local, le Bureau s’est basé sur des entrevues avec des participants du marché local; sur des documents internes fournis par les parties et les tiers concernant, notamment, la surveillance des prix, la stratégie d’établissement des prix et les rapports d’évaluation de concurrents; sur des experts de l’industrie; et sur des visites sur les lieux dans les marchés.

Fred Scharf, spécialiste de l’industrie, a produit un rapport décrivant quelles stations‑service devraient être incluses dans chaque marché local. Son analyse est basée sur plus de 30 ans d’expérience à tous les niveaux du secteur de la vente de l’essence, tant en gros qu’au détail, sur des visites sur place, sur des documents et des données provenant des parties et des tiers, et sur la prise en considération des facteurs suivants :

  • les forces et les faiblesses relatives des parties et des autres stations‑service du secteur (en fonction de la qualité de l’emplacement, de l’accessibilité et de l’efficacité de la mise en marché);
  • les artères de circulation, les routes et les tendances du consommateur en matière de déplacement;
  • les limites, d’origine naturelle ou humaine, susceptibles d’influer sur la concurrence entre les détaillants d’essence;
  • les renseignements sur la population;
  • s’il y a lieu, les plans de croissance de la zone;
  • l’entrée d’une nouvelle station‑service au détail sur le marché ou la fermeture possible d’une station existante;
  • le commerce de détail dans les secteurs autres que celui de l’industrie de l’essence, qui auraient une incidence sur le comportement des consommateurs et des concurrents en ce qui concerne la concurrence liée à l’essence.

Effets unilatéraux

Le Bureau a constaté qu’avant la fusion, Parkland et Pioneer se livraient concurrence dans la vente au détail d’essence sur des marchés locaux où les deux parties exploitaient une station service. Le Bureau a aussi constaté que Parkland et Pioneer étaient des concurrents sur d’autres marchés locaux, où l’une des parties exploitait une station service et l’autre distribuait de l’essence à un détaillant tiers, ou encore là où les deux parties distribuaient de l’essence à des détaillants tiers. Parkland a la faculté d’augmenter les prix de détail à une station‑service qu’elle exploite, car elle en fixe le prix à la pompe. Parkland peut aussi influer concrètement sur le prix de détail de l’essence qu’elle distribue. Le coût du carburant est le facteur le plus important pour déterminer le prix de détail de l’essence et, lorsque Parkland exerce son droit contractuel d’augmenter le prix de gros de l’essence qu’elle fournit à un détaillant, ces augmentations du prix de gros se répercutent généralement sur les prix chargés aux consommateurs.

En outre, le Bureau a conclu qu’après la fusion, Parkland serait encore plus encline à augmenter les prix de vente au détail à ses stations‑service ou les prix imposés aux détaillants tiers qu’elle approvisionne sur les huit marchés. Cette conclusion est étayée par les analyses d’expertise indépendante d’Igar Hendel, qui stipulait que le degré de puissance commerciale de Parkland sur le marché après la fusion doit tenir compte non seulement de la capacité de Parkland et de son intérêt à augmenter les prix de vente au détail de l’essence à ses propres stations‑service, mais aussi de sa capacité et de sa motivation à influer sur les prix de vente au détail de l’essence aux stations‑service des détaillants tiers qu’elle alimente, en exerçant les droits que lui confèrent ses contrats d’approvisionnement exclusifs.

Cette analyse démontre qu’avant la fusion, une hausse de prix aurait entraîné la perte d’une partie des ventes ou leur détournement vers un concurrent, alors qu’après la fusion, une partie de cette perte serait récupérée par la station service nouvellement acquise. Lorsque les ventes sont détournées vers une station‑service exploitée par Parkland, elles sont immédiatement récupérées au niveau des ventes au détail. Lorsque les ventes sont détournées vers la station‑service d’un détaillant tiers approvisionné par Parkland, elles sont récupérées par Parkland au niveau de ses ventes en gros puisque Parkland détient des droits d’exclusivité dans l’approvisionnement en essence de ce détaillant.

M. Hendel a élaboré un modèle pour montrer comment les prix de vente au détail et en gros augmenteraient après la fusion en raison de ces deux effets. Les données utilisées dans ce modèle incluaient :

  • des estimations sur l’ampleur des changements d’achat des clients attribuables aux variations de prix et aux réactions des concurrents;
  • l’aptitude des détaillants à transférer les hausses de prix de gros aux consommateurs;
  • des calculs des pressions de prix à la hausse, des effets de prix et de la perte sèche pour l’économie en fonction des incidences sur la concurrence découlant de la capacité de l’entité fusionnée, indépendamment ou collectivement, à exercer une puissance commerciale.

L’analyse de M. Hendel reposait sur des données de transactions et des renseignements financiers fournis par les parties et par 19 intervenants sur le marché, volontairement ou par l’entremise d’ordonnances de la Cour fédérale émises en vertu de l’article 11 de la Loi.

Le Bureau a conclu que la fusion aurait vraisemblablement pour effet de réduire sensiblement la concurrence dans les marchés contestés en raison de la perte de rivalité entre Parkland et Pioneer, et de l’importante augmentation de la concentration eu égard au nombre limité de concurrents qui resteraient sur ces marchés.

Effets coordonnés

Les éléments de preuve recueillis par le Bureau suggèrent que sans le consentement, la fusion aurait fait augmenter le niveau de concentration de la vente au détail de l’essence dans certains marchés, haussant ainsi sensiblement l’étendue, la probabilité, la fréquence et la durée de la coordination tacite entre certains ou tous les détaillants d’essence dans ces marchésFootnote 3.

M. Marcel Boyer, un expert qui a examiné si la fusion augmenterait vraisemblablement l’aptitude des participants dans le marché à coordonner la prise de certaines décisions, dont celles en matière de prix, a constaté que la transaction comportait de sérieux risques pour la concurrence dans certains marchés examinés par le Bureau. M. Boyer a passé en revue des documents internes des parties et de tierces parties, et a visité les marchés locaux. Il a déterminé que la transaction proposée pouvait accroître la probabilité de coordination en

  1. éliminant un concurrent particulièrement agressif,
  2. en facilitant la communication d’information, et en
  3. rendant l’entité issue de la fusion plus apte à réagir aux comportements non conformes et à les punir.

M. Boyer a fait remarquer que pour se coordonner, les entreprises doivent établir une ligne de conduite commune, déceler les actes non conformes ou de tricherie de la part des rivaux, et réagir à ces comportements non conformes (ou les punir). Il cite plusieurs facteurs qui, à son avis, sont pertinents pour déterminer si de telles conditions sont en place :

  • un nombre limité de concurrents;
  • des similitudes entre les produits;
  • des similitudes entre les entreprises (p. ex. entreprises ayant des coûts semblables);
  • une demande stable;
  • la facilité avec laquelle on peut entrer dans le marché ou en sortir;
  • des antécédents de coordination entre les concurrents;
  • la transparence dans l’établissement des prix et les autres renseignements sur le marché;
  • la fréquence et la valeur des achats de clients (p. ex. petits achats récurrents ou gros achats ponctuels);
  • la crédibilité des sanctions imposées par l’entité issue de la fusion;
  • la nature et la répartition des capacités excédentaires;
  • la possibilité de sanctions imposées par la même entreprise dans d’autres marchés.

Obstacles à l’entrée

Le Bureau a déterminé qu’il existe d’importants obstacles à l’entrée et à l’expansion de concurrents dans les marchés contestés, en partie dû à la maturité du marché, aux coûts fixes élevés ainsi qu’aux autorisations nécessaires en matière d’environnement et de réglementation. Le coût de construction d’une nouvelle station‑service se situe généralement entre 2 et 4 millions de dollars, et le temps requis pour obtenir le financement et les autorisations municipales et achever la construction d’une station‑service située en dehors des grands centres urbains du Manitoba et de l’Ontario peut prendre de 18 à 32 mois.

Solution et conclusion

Suite à la médiation, Parkland a conclu avec le commissaire un consentement enregistré aux termes duquel Parkland doit se dessaisir d’une station‑service ou d’une entente d’approvisionnement avec un détaillant tiers à Kapuskasing, Bancroft, Hanover, Innisfil et Tillsonburg, en Ontario, et à Neepawa, au Manitoba; en outre, ce consentement empêche Parkland d’augmenter toute marge bénéficiaire qu’elle réalise sur la vente d’essence à ses détaillants de Lundar et de Warren, au Manitoba.

Le commissaire a accepté un règlement au litige afin de remédier à la réduction sensible de la concurrence qui aurait vraisemblablement résulté de la fusion. Dans les marchés où Parkland et Pioneer possèdent au moins une station‑service, le Bureau a déterminé que le dessaisissement constituait une solution efficace et viable qui élimine le chevauchement existant et, par extension, tout incitatif qu’aurait Parkland à augmenter les prix. Dans les marchés où les parties ne font qu’approvisionner en essence des détaillants tiers, le Bureau est satisfait qu’en empêchant Parkland d’augmenter toute marge bénéficiaire sur la vente d’essence à ces détaillants, la fusion n’est pas susceptible de réduire sensiblement la concurrence.

Le Bureau suit activement l’évolution de l’industrie de l’essence. Lorsqu’il existe suffisamment de preuves d’infraction à la Loi, le Bureau prend les mesures qui s’imposent pour régler ces préoccupations.

Le Bureau de la concurrence, en tant qu’organisme d’application de la loi indépendant, veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur.

Le présent énoncé de position n’est pas un document juridique. Les conclusions du Bureau, telles qu’elles y sont exposées, ne constituent ni des conclusions de fait ni de droit ayant subi l’épreuve d’un tribunal administratif ou judiciaire. Qui plus est, ces conclusions ne sauraient indiquer que telle ou telle partie s’est livrée à un comportement illégal.

Cependant, afin de renforcer la transparence et la communication avec les intervenants, le Bureau peut publier dans des énoncés de position les résultats de certains de ses examens de fusions et de ses enquêtes menés en vertu de la Loi sur la concurrence. Dans le cas de l’examen d’une fusion, l’énoncé de position donnera un aperçu de l’analyse de la transaction proposée et en résumera les principales constatations. Dans le cas d’une enquête, il présentera le sommaire des résultats. Le lecteur se doit d’interpréter les énoncés de position avec discernement. Les décisions liées à l’application de la loi sont prises au cas par cas, et les conclusions exposées ici ne se rapportent qu’au cas dont il est question et ne lient aucunement le commissaire de la concurrence.


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