Mémoire au comité d’examen de la Loi sur les transports : transports ferroviaire, aérien et maritime

Le 27 février 2015

Par le commissaire de la concurrence

Loi sur la concurrence

Avertissement

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Résumé

Les récentes difficultés observées dans le système de transport canadien, notamment le transport ferroviaire de grains, ont motivé l'honorable Lisa Raitt, ministre des Transports, à lancer l'examen législatif de la Loi sur les transports au Canada (la « LTC »)Footnote 1. Conformément à l'article 125 de la Loi sur la concurrenceFootnote 2, le commissaire de la concurrence (le « commissaire ») souhaite répondre à la demande de conseils du président du comité d'examen de la LTC et de ses conseillers (conjointement le « Comité »). L'article 125 prévoit que le commissaire peut, à la requête de tout office, de toute commission ou de tout autre tribunal fédéral ou de sa propre initiative, présenter des observations en ce qui concerne la concurrence.

Les services de transport sont essentiels aux consommateurs canadiens et à l'économie canadienne, du tourisme au transport de grains, de pétrole, de minéraux et de produits manufacturés. Un réseau de transport efficace est essentiel à la préservation de la capacité du Canada d'attirer des visiteurs. La compétitivité des exportations canadiennes sur les marchés internationaux passe par des tarifs de fret concurrentiels et des services de transport de qualité.

Le Bureau de la concurrence (le « Bureau ») estime qu'il faut se fier aux forces du marché et à la concurrence pour atteindre des résultats efficaces et durables. Lorsque les forces du marché ne permettent pas à elles seules d'atteindre certains objectifs stratégiques, il pourrait être opportun d'établir un cadre de réglementation pour superviser les pratiques des transporteurs ferroviaires et aériens et pour régler certains problèmes liés à la puissance commerciale, y compris le haut niveau des prix, l'insuffisance de l'approvisionnement et le niveau de services inadéquat.

Les expéditeurs de fret sont les plus grands utilisateurs du système de transport ferroviaire; cependant, les expéditeurs de fret n'ont pas tous le même degré d'accès à des tarifs de fret concurrentielsFootnote 3. Les expéditeurs qui sont desservis par une seule voie ferrée et qui n'ont pas d'autre option abordable de transport sont possiblement exposés à des prix élevés et à un faible niveau de service, puisque les compagnies de chemin de fer pratiquent des prix qui varient selon la disponibilité d'autres formes de services concurrents aux expéditeurs. Les entreprises minières, agricoles et forestières sont particulièrement vulnérables parce qu'elles dépendent largement du transport ferroviaire pour expédier leur production vers des marchés d'exportation où les prix sont fixés à l'échelle internationale.

La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le « CN ») et le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée (le « CP ») contrôlent la majeure partie des marchés canadiens de services de transport ferroviaire de fret. Les expéditeurs de marchandises par train ont peu d'options concurrentielles. De petites compagnies de chemin de fer régionales et compagnies de chemin de fer d'intérêt local acheminent des marchandises aux lignes de chemin de fer de longues distances exploitées par le CN et le CP. Plutôt que d'offrir un service de substitution concurrentiel, ces compagnies viennent suppléer les services offerts par le CN et le CP. Les grands chemins de fer américains, qui pourraient concurrencer adéquatement le CN et le CP, ne possèdent que peu de voies ferrées au Canada.

En raison des importantes entraves à l'accès qui caractérisent les marchés du transport ferroviaire, il est peu probable que les expéditeurs profitent d'une amélioration de la concurrence favorisée par l'arrivée sur le marché de nouvelles compagnies de chemin de fer dotées d'installations ou par l'expansion des compagnies de chemin de fer canadiennes ou étrangères.

Le Bureau recommande que les dispositions visant à offrir aux expéditeurs des options concurrentielles sur le marché et à corriger le déséquilibre sur le plan du pouvoir de négociation entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs soient maintenues et modifiées pour accroître leur efficacitéFootnote 4. Le Bureau recommande également de modifier la méthode de fixation des prix du transport de grains en vue d'encourager l'investissement dans le renforcement des capacités. De façon plus générale, le Bureau recommande que toute mesure extraordinaire adoptée soit mise en œuvre de façon à minimiser son effet sur la concurrence dans les marchés du transport ferroviaire. Les recommandations du Bureau visent à accroître le nombre d'options concurrentielles offertes aux utilisateurs du système de transport ferroviaire canadien, ce qui fera vraisemblablement baisser les prix et augmenter le niveau de service.

Si le transport ferroviaire est particulièrement important pour les expéditeurs de fret, le transport aérien interpelle très fortement les consommateurs canadiens, à mesure que l'industrie du voyage continue de croître. Les tarifs aériens appliqués par les transporteurs canadiens font l'objet d'une surveillance accrue ces dernières années, et les Canadiens se questionnent de plus en plus sur ce qui compose ces tarifs.

Les marchés intérieurs canadiens demeurent très concentrés. En 2013, le trafic de passagers dans les aéroports canadiens a atteint 85,2 millions de passagers embarqués et débarqués, 35,8 millions chez Air Canada et 18,5 millions chez WestJet. Près de la moitié des liaisons intérieures entre des paires de villes dans les 100 principaux marchés peuvent être qualifiées de duopoles d'Air Canada et de WestJet, et certaines liaisons sont même assurées uniquement par l'un ou l'autre de ces transporteurs. Porter Airlines est entrée en activité en 2006 et dessert à l'heure actuelle un créneau de marché dans l'Est. Cependant, sa capacité à livrer une féroce concurrence aux deux grands transporteurs canadiens sur le marché des longues liaisons est limitée à court terme par la taille des appareils de sa flotte.

De nouveaux transporteurs qui courtiseront les consommateurs soucieux d'en avoir pour leur argent s'apprêteraient à entrer sur le marchéFootnote 5. Cela dit, leur capacité de rivaliser avec Air Canada et WestJet sur les marchés intérieurs reste à prouver. L'échec d'un certain nombre de nouveaux concurrents sur le marché au cours des 20 dernières années témoigne de la difficulté qu'éprouvent les entreprises à se tailler une place rentable sur le marché canadien et montre bien que leur succès n'est pas assuré.

L'obligation de propriété canadienne des transporteurs aériens qui offrent des vols intérieurs au Canada, la superficie importante du pays, la faible densité de population ainsi que la structure tarifaire et fiscale canadienne présentent des difficultés particulières pour les transporteurs aériens.

Les nouveaux arrivants sur le marché, de même que les concurrents bien établis, pourraient avoir un meilleur accès aux capitaux étrangers grâce à l’assouplissement des règles en matière de propriété étrangère. Les voyageurs canadiens profiteraient également d'une libéralisation de la politique du transport aérien qui ouvrirait l'espace aérien canadien aux transporteurs étrangers, car cela ferait vraisemblablement baisser les prix et accroître le niveau de service.

La libéralisation du transport aérien a profité aux pays qui ont pris des mesures législatives à cet effet. L'émergence de transporteurs à faible prix, la hausse du nombre de liaisons exploitées et le renforcement de la connectivité des réseaux figurent parmi ces avantages. Le Bureau est d'avis que le gouvernement devrait permettre aux Canadiens de tirer parti d'avantages similaires.

Le Bureau recommande d'accroître le niveau de propriété étrangère autorisé des compagnies aériennes, de libéraliser les accords sur le transport aérien du Canada et de veiller à ce que les frais imposés par les aéroports et l'accès aux aéroports soient instaurés de manière équitable et non discriminatoire.

D'autres loisFootnote 6 touchant à la réglementation économique du transport maritime semblent servir des intérêts autres que la concurrence et pourraient même empêcher les forces du marché de produire des résultats optimaux. Le Bureau recommande la libéralisation des services de transports maritimes intérieurs et l'abrogation des dispositions législatives qui exemptent certains aspects du transport maritime des exigences prescrites par les lois relatives à la concurrence.

Les recommandations proposées sur la façon dont le gouvernement pourrait modifier le cadre de réglementation en vue de favoriser un marché concurrentiel juste et équitable dans les industries du transport ferroviaire, aérien et maritime sont détaillées dans le mémoire du Bureau de la concurrence.

Le Bureau est heureux de répondre à la demande de conseils du Comité. Le Bureau applaudit les efforts déployés par la ministre des Transports pour améliorer le système national de transport du Canada en tenant compte de l'objectif élargi d'un réseau de transport multimodal axé sur les échanges commerciaux et le marché. Cette stratégie fera en sorte que les Canadiens profiteront des avantages d'une concurrence accrue dans l'industrie du transport, notamment des prix moins élevés, un service de meilleure qualité et une innovation accrue.

Les recommandations du Bureau sont :

Transport ferroviaire

  1. Que le gouvernement maintienne les dispositions réglementaires de la Loi sur les transports au Canada (LTC) sur l'accès concurrentiel et sur les négociations entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer afin de minimiser la nécessité de recourir à des mesures d'urgence pour remédier aux problèmes de capacité et de niveau de services à l'avenir.
  2. Que soient adoptées des dispositions de réexamen, semblables à celles utilisées dans le cadre du projet de loi C‑30, si la prise de mesures d'urgence s'impose.
  3. Que l'obligation de consulter le ministre responsable du Bureau de la concurrence (actuellement le ministre de l'Industrie), prévue à l'article 47, soit maintenue pour que les mesures extraordinaires respectent le plus possible les principes de concurrence de la Politique nationale des transports.
  4. Que l'actuelle formule de calcul du revenu admissible maximal soit revue pour que des éléments incitant les compagnies de chemin de fer à maintenir une capacité excédentaire y soient intégrés.
  5. Que les dispositions sur l'interconnexion réglementée soient maintenues. Le Comité devrait examiner si le rayon actuel général de 30 kilomètres d'un lieu de correspondance ou le rayon de 160 kilomètres pour les expéditeurs dans les provinces des Prairies permettent d'établir un juste équilibre entre les avantages et les coûts pour les expéditeurs et pour les compagnies de chemin de fer.
  6. Que soit abolie l'exigence réglementaire découlant de la disposition sur les prix de ligne concurrentiels, à l'article 131 de la LTC, selon laquelle les expéditeurs captifs et les transporteurs de liaison doivent conclure un accord sur les prix et les services pour le transport à effectuer au‑delà du lieu de correspondance. Autrement dit, les transporteurs de liaison devraient être tenus d'accepter les marchandises prêtes à être transportées au lieu de correspondance aux termes de demandes de prix de ligne concurrentiels. En vertu de cette disposition, les expéditeurs devraient avoir la possibilité de recourir à l'arbitrage sur l'offre finale relativement aux prix et au niveau de services offerts par le transporteur de liaison.
    1. Que le critère relatif à l'intérêt public prévu à l'article 138 de la LTC soit modifié de façon à exposer une liste des facteurs que l'Office des transports du Canada devrait prendre en compte pour accepter ou refuser une demande de droits de circulation. Dans l'intervalle, l'Office pourrait diffuser un document d'information expliquant sur quels facteurs il se fonde pour accorder ou non des droits de circulation.
    2. Que le fardeau de démontrer l'absence d'intérêt public incombe à la compagnie de chemin de fer à l'égard de laquelle la demande de droits de circulation a été présentée.
  7. Que la LTC soit modifiée de façon à ce que toute personne satisfaisant au critère d'aptitude prescrit et aux qualifications soit autorisée à présenter une demande de droits de circulation, même si elle n'est pas une compagnie de chemin de fer au sens de la LTC.
    1. Que les dispositions relatives à l'arbitrage sur l'offre finale demeurent en vigueur.
    2. Que le gouvernement envisage de porter à deux ou trois ans la durée d'applicabilité des décisions d'arbitrage sur l'offre finale pour contribuer à réduire les coûts associés aux procédures répétées d'arbitrage sur l'offre finale.
  8. Que la LTC soit modifiée pour permettre explicitement à un arbitre de prévoir des sanctions pour non‑exécution des obligations en matière de niveau de services dans le cadre d'un arbitrage portant sur une entente de niveau de services.
  9. Que les compagnies de chemin de fer soient tenues de communiquer toutes les données confidentielles pertinentes aux arbitres nommés dans la procédure d'arbitrage sur l'offre finale ou de plainte relative au niveau de services engagée par les expéditeurs à l'encontre des compagnies de chemin de fer. Les arbitres devraient préserver la confidentialité de l'information obtenue dans le cadre de la procédure.

Transport aérien

  1. Que le gouvernement mette en vigueur les dispositions de la LTC prévoyant la prise de règlements permettant à des entités étrangères de posséder jusqu'à 49 % des actions avec droit de vote d'un transporteur canadien et qu'il élimine graduellement toutes les restrictions sur la propriété étrangère à l'égard des partenaires commerciaux du Canada, dans un cadre bilatéral ou multilatéral.
  2. Que le gouvernement crée une nouvelle catégorie de licenciés au titre de la LTC pour permettre à des transporteurs qui transportent des passagers et du fret seulement au Canada d'être entièrement sous contrôle étranger.
  3. Que le gouvernement cherche à négocier des droits de cabotage sur la base de la réciprocité.
  4. Que le gouvernement continue à libéraliser les accords de transport aérien du Canada et à exclure de ces accords la coordination entre les transporteurs au chapitre des tarifs et de la capacité.
  5. Que le gouvernement, au moment d'examiner les questions de gouvernance aéroportuaire, souligne l'importance de répartir de manière équitable et non discriminatoire les frais aéroportuaires entre les transporteurs et d'accorder aux transporteurs un accès aux créneaux, aux comptoirs et aux autres services qui soit conforme aux normes internationales les plus élevées.

Transport maritime

  1. Que le gouvernement mette fin à l'exemption du droit de la concurrence accordée aux conférences maritimes.
  2. Que le gouvernement négocie les droits de cabotage maritime sur la base de la réciprocité; entre‑temps, le gouvernement devrait travailler à simplifier le processus d'obtention du permis de cabotage pour l'importation de navires immatriculés à l'étranger.
  3. Que le gouvernement abolisse le monopole d'origine législative de la prestation de services de pilotage conféré aux administrations de pilotage.

I. Introduction

Les services de transport sont essentiels aux consommateurs canadiens et à l'économie canadienne — du transport de grains, de pétrole, de minéraux et de produits manufacturés jusqu'au tourisme. Le transport de fret est indispensable au commerce intérieur canadien et aux échanges internationaux. En raison de la superficie importante du Canada, de la faible densité de population et de l'importance du secteur du tourisme, il est crucial que les expéditeurs de fret et les passagers disposent de plusieurs options et aient accès à des services de transport à des prix concurrentiels.

Il est essentiel de procéder à l'examen de l'état actuel de la concurrence sur les marchés des transports canadiens pour orienter les changements à apporter à la LTC. Le Bureau préconise que les organismes de réglementation et les décideurs ne réglementent que dans les cas et dans la mesure où cela s'avère nécessaire pour assurer l'efficacité du réseau de transport canadien. Le Bureau reconnaît la nécessité de réglementer lorsque certains aspects de l'industrie peuvent mener à la défaillance du marchéFootnote 7, comme cela pourrait bien être le cas dans certains marchés du transport ferroviaire et aérien. Le Bureau présente ce mémoire pour aider les organismes de réglementation à mettre en œuvre des politiques qui permettront d'atteindre leurs objectifs de la façon la moins intrusive possible.

Le mémoire du Bureau est divisé en trois sections : le transport ferroviaire, le transport aérien et le transport maritime. Un examen de la concurrence est présenté pour les secteurs du transport ferroviaire et du transport aérien. Dans chaque section, le Bureau émet des recommandations sur les modifications potentielles à apporter à la LTC en vue de favoriser l'établissement de services de transport durables et efficaces.

Les recommandations du Bureau s'articulent autour du principe clé selon lequel, en l'absence de condition du marché pouvant mener à sa défaillance, les décisions axées sur le marché sont le meilleur moyen d'attribuer les ressources, d'établir un système de prix concurrentiel, d'améliorer la qualité des services et d'accroître l'innovation.

Dans cette optique, les recommandations du Bureau visent principalement à atteindre les objectifs suivants :

  • laisser jouer les forces du marché pour produire les avantages de la concurrence sur les marchés des transports;
  • maintenir ou améliorer les recours réglementaires qui favorisent la concurrence ou limitent la puissance commerciale lorsque les marchés sont dominés par un seul fournisseur, dans les cas où les conditions du marché limitent la capacité des forces du marché de produire des résultats souhaitables et efficaces.

A. Analyse de la concurrence — Cadre d'analyse

Le commissaireFootnote 8 est chargé de l'administration et de l'application de la Loi sur la concurrence, de la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation (sauf en ce qui concerne les aliments), de la Loi sur l'étiquetage des textiles et de la Loi sur le poinçonnage des métaux précieuxFootnote 9. Le Bureau, en tant qu'organisme d'application de la loi indépendant, veille à ce que les entreprises et les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur.

Conformément à l'article 125 de la Loi sur la Concurrence, le commissaire souhaite répondre à la demande de conseils du Comité. L'article 125 prévoit que le commissaire peut, à la requête de tout office, de toute commission ou de tout autre tribunal fédéral ou de sa propre initiative, présenter des observations en ce qui concerne la concurrence. Il faut s'appuyer sur les forces du marché autant que possible pour obtenir les avantages de la concurrence, comme des prix moins élevés, un service de meilleure qualité et une plus grande innovation dans l'économie canadienne.

La Loi sur la concurrence est une loi cadre d'application générale qui s'applique à tous les secteurs de l'économie, sauf ceux qui sont précisément exemptés de la Loi sur la concurrenceFootnote 10 ou qui sont visés par une autre réglementation économique préciseFootnote 11.

La Loi sur la concurrence comprend des dispositions criminelles et civiles visant à prévenir les pratiques anticoncurrentielles sur le marché, notamment des dispositions s'appliquant à la fixation de prix, au truquage des offres, aux fusions, à l'abus de position dominante et aux pratiques commerciales trompeuses. Dans la plupart des cas, les dispositions civiles nécessitent que les agissements en question fassent en sorte d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence ou aient un effet néfaste sur la concurrence. Une description des principales dispositions de la Loi sur la concurrence est présentée à l'annexe 1.

La section suivante décrit brièvement le cadre d'analyse général utilisé par le Bureau pour évaluer la puissance commercialeFootnote 12 et les effets de pratiques anticoncurrentielles sur le niveau de la concurrence dans un marché. Pour évaluer la puissance commerciale, le Bureau définit généralement les marchés géographiques et les marchés de produits pertinents, et examine si un quelconque facteur pourrait limiter l'exercice de la puissance commerciale. Voici une liste non exhaustive des indicateurs utilisés par le Bureau pour évaluer la puissance commerciale et les pratiques anticoncurrentielles :

  • prix supraconcurrentiels ou rentabilité excessive;
  • parts de marché;
  • efficacité des concurrents toujours sur le marché;
  • entraves à l'entrée sur le marché;
  • pouvoir compensateur.

De manière générale, le Bureau évalue la puissance commerciale au sein des divers marchés de produits et marchés géographiques qui, ensemble, forment une industrie. La définition du marché est axée sur le degré de substitution possible et sur la réaction de la demande face à la variation des prix relatifs.

Dans le cadre de la définition du marché du produit, le Bureau évalue la capacité et la volonté des acheteurs de se tourner vers un autre produitFootnote 13 en réaction à une variation des prix relatifsFootnote 14. Le marché du produit correspond au groupe le plus restreint de produits pour lequel une augmentation de prix modeste mais significative peut être maintenue sans que les consommateurs ne se tournent vers un autre produit dans une mesure telle que la hausse ne soit plus rentableFootnote 15.

Dans le cadre de la définition du marché géographique, le Bureau évalue la capacité et la volonté des acheteurs de se tourner vers un fournisseur situé dans un autre emplacement géographique en réaction à une variation des prix relatifs. Le marché géographique correspond à la plus petite région dans laquelle une augmentation de prix modeste mais significative peut être maintenue sans que les consommateurs ne se tournent vers un fournisseur d'une autre région dans une mesure telle que la hausse ne soit plus plus rentable. Lorsque les vendeurs pratiquent différents prix en fonction des groupes d'acheteurs (c.‑à‑d. qu'ils exercent une discrimination par les prix envers certains groupes de consommateurs), les marchés géographiques sont définis en fonction de l'emplacement de chaque groupe d'acheteurs ciblé.

La puissance commerciale peut se mesurer directement et indirectement. Les indicateurs directs de la puissance commerciale incluent la rentabilité excessive, l'imposition de prix supraconcurrentiels, les pratiques d'exclusion et, dans certaines circonstances, la discrimination par les prix. Les indicateurs indirects ou « structurels » qui peuvent rendre compte de l'exercice d'une puissance commerciale sont décrits dans les sections suivantes.

La part de marché est l'un des indicateurs les plus importants d'une puissance commerciale. Même s'il n'existe pas un seuil numérique donné, le Bureau estime qu'une forte part de marché est une condition nécessaire, mais non suffisante, pour établir l'existence d'une puissance commercialeFootnote 16. Les parts de marché peuvent être calculées selon diverses mesures, dont les pourcentages de revenus (chiffre d'affaires), les unités de demande (ventes unitaires) et la capacité. L'élément de mesure utilisé par le Bureau dépendra des caractéristiques du marché étudié et sera choisi de façon à garantir qu'il reflète le mieux l'importance concurrentielle des acteurs sur le marché.

Le Bureau fait de l'examen des entraves à l'entrée et à la sortie un élément clé de son analyse lorsqu'il cherche à évaluer la puissance commerciale dans un marché. Le Bureau tente de déterminer si l'expansion d'un concurrent existant ou l'arrivée d'un nouveau concurrent offrant de meilleurs prix ou de meilleurs produits pourrait contrecarrer une tentative d'utilisation de la puissance commerciale. Dans un marché où il n'existe aucune entrave à l'entrée ni à la sortie, la vigueur de la concurrence n'est pas tributaire du nombre de joueurs : la menace crédible d'entrée‑sortie rapide de la part d'un concurrent peut suffire à discipliner les entreprises établiesFootnote 17. En outre, une vive concurrence « pour le marché » entre les entrants potentiels peut favoriser un rendement concurrentiel même lorsqu'une seule entreprise a une présence réelle sur le marché pour une période donnée. Ainsi, un marché parfaitement contestable peut théoriquement comporter les avantages d'une concurrence parfaite, peu importe le nombre de vendeursFootnote 18.

Le Bureau évalue si les clients d'une entreprise ont la possibilité et les motivations leur permettant de restreindre les tentatives d'exercice de puissance commerciale de l'entreprise en question. Les acheteurs peuvent utiliser plusieurs stratégies pour exercer leur pouvoir compensateur : procéder à l'intégration verticale de leurs propres activités; refuser d'acheter d'autres produits de cette entreprise; refuser d'acheter le même produit de cette entreprise dans d'autres marchés géographiques où la situation concurrentielle est différente; encourager l'expansion ou l'entrée sur le marché de concurrents potentiels.

Le Bureau détermine la mesure dans laquelle la puissance commerciale peut être exercée de manière unilatérale par une entreprise, ou par des entreprises travaillant de concert. Un comportement coordonné ne pourrait être maintenu que dans les circonstances suivantes :

  • les entreprises sont capables
    • de reconnaître individuellement les avantages d'une ligne de conduite commune;
    • de surveiller réciproquement leur comportement et de détecter des dérogations à la ligne de conduite;
    • de réagir à toute dérogation à la ligne de conduite en vertu de mécanismes de dissuasion crédibles;
  • la coordination n'est pas menacée par des facteurs externes tels la réaction des concurrents actuels ou potentiels ne faisant pas partie du groupe d'entreprises coordonnant leur comportement et la réaction des clients.

Le Bureau détermine la présence de facteurs favorisant la coordination dans un marché, lesquels comprennent :

  • le degré élevé de concentration du marché;
  • la présence d'importantes entraves à l'entrée sur le marché;
  • l'homogénéité des produits;
  • la symétrie des coûts entre les entreprises;
  • la maturité du marché;
  • le degré élevé de transparence du marché;
  • la présence des entreprises sur de multiples marchés.

La simple existence d'un des facteurs ci‑dessus ou d'un groupe de ces facteurs ne suffit pas à conclure que des comportements coordonnés ont lieu dans un marché. Plutôt, le Bureau prend ces facteurs en considération pour évaluer la probabilité que des comportements coordonnés aient lieu.

Le Bureau a antérieurement appliqué à l'industrie du transport le cadre d'analyse présenté ci‑dessus. Un résumé des activités formelles ou publiques d'application de la loi du Bureau dans le secteur des transports est présenté à l'annexe 2.

Pour préparer ce mémoire, le Bureau a effectué des entrevues auprès d'une large gamme d'intervenants de l'industrie, tant des fournisseurs que des consommateurs, et a examiné les renseignements fournis volontairement par les participants au marché. Les entrevues avec les participants au marché, tels les consommateurs, les fournisseurs et les distributeurs, de même que l'examen de documents d'affaires, constituent des sources d'information cruciales que le Bureau utilise pour comprendre les marchés, que ce soit dans le cadre d'études de marché ou d'enquêtes officielles. Sous réserves des restrictions relatives à la confidentialité, la consultation des acteurs du marché permet au Bureau de mettre à l'épreuve diverses hypothèses, théories et allégations.

Il est important de souligner que les conclusions du Bureau, telles qu'elles sont présentées dans le présent mémoire, ne sont pas des conclusions de fait ou de droit ayant subi l'épreuve des tribunaux. En outre, les conclusions dont il question dans le mémoire sont propres à ce dernier et n'engagent en rien le commissaire. Le lecteur est invité à faire preuve de prudence dans son interprétation de l'évaluation du Bureau.

II. Transport ferroviaire

A. Contexte et aperçu de l'industrie canadienne du transport ferroviaire

1. Contexte législatif

Historiquement, les chemins de fer canadiens étaient considérés comme une forme de service public et étaient lourdement réglementés. Ainsi, les compagnies de chemin de fer devaient composer avec des tarifs réglementés et garder en fonction toutes les lignes, y compris celles qui n'étaient pas rentables. L'adoption d'une réglementation est en partie attribuable à la reconnaissance par le gouvernement du fait que l'industrie du transport ferroviaire comporte certaines des caractéristiques d'un monopole naturelFootnote 19. Il peut être nécessaire d'adopter un cadre de réglementation en vue de superviser les pratiques du détenteur d'un monopole naturel et de lutter contre les problèmes associés à l'exercice d'un monopole, lesquels comprennent des prix élevés, une offre insuffisante et un service inadéquatFootnote 20.

La Loi sur les transports nationaux (la « LTN ») a été adoptée en 1967. Elle établissait une déclaration de politique et des principes pour aborder les besoins et les capacités du réseau national de transportFootnote 21. Le mouvement vers le recours accru aux forces du marché a pris de la vitesse dans le milieu des années 1980, avec la publication par le ministre des Transports du document de discussion intitulé Aller sans entraves. La LTN a été modifiée en 1987, et des éléments clés de la réglementation de l'industrie ferroviaire canadienne en ont été éliminés. En particulier, la tarification collective a été abolie et la négociation de contrats confidentiels a été autorisée. Les modifications apportées à la LTN en 1987 comprenaient aussi des dispositions visant à renforcer la position des expéditeurs dans un marché ferroviaire dominé par deux principaux transporteurs. Par exemple, les prix de ligne concurrentiels et l'arbitrage de l'offre finale ont fait leur apparition, et la zone d'interconnexion réglementée est passée de 4 milles à 30 kilomètres (« km »). Un glossaire des termes et des expressions utilisées dans le présent mémoire figure à l'annexe 3.

La LTC est entrée en vigueur et a remplacé la LTN en 1996. La LTC comprend des dispositions qui ont eu pour effet de faciliter sensiblement le transfert et la cessation d'exploitation de lignes de chemin de fer. L'abrogation de ces entraves réglementaires à la sortie ont permis au CN et au CP de transférer bon nombre de leurs lignes les moins rentables à des entrepreneurs privés (souvent appelés « compagnies de chemin de fer régionales et compagnies de chemin de fer d'intérêt local »). Par ailleurs, la LTC comprenait initialement un critère de « préjudice commercial important » applicable aux interconnexions, aux prix de ligne concurrentiels et aux plaintes se rapportant aux services ferroviaires (articles 113 à 116 de la LTC). Les expéditeurs formant une plainte auprès de l'Office des transports du Canada (l'« Office ») devaient prouver que les tarifs de transport de marchandises ou les niveaux de services offerts par la compagnie de chemin de fer leur causeraient un préjudice commercial à défaut de se voir accorder une mesure corrective par l'Office.

La LTC a été modifiée sensiblement de deux façons à l'adoption du projet de loi C‑8 en février 2008Footnote 22. D'abord, l'accès des expéditeurs aux mesures correctives offertes sous le régime de la LTC a été facilité, car le critère du préjudice commercial important a été abrogéFootnote 23. Ensuite, la LTC, telle que modifiée par le projet de loi C‑8, oblige les compagnies de chemin de fer à publier une liste des voies d'évitement disponibles pour le chargement des wagons des producteurs de céréales et étend l'arbitrage de l'offre finale aux groupes d'expéditeurs.

Une fois le projet de loi C‑8 entré en vigueur, le gouvernement a lancé un examen des services de transport ferroviaire des marchandises (l'« Examen des services de transport ferroviaire des marchandises »). Un comité d'examen a été nommé en 2009; il était chargé de se pencher sur les enjeux et les problèmes se rapportant aux services dans le système logistique ferroviaire au Canada et de formuler des recommandations. L'Examen des services de transport ferroviaire des marchandises s'est soldé par la publication d'un rapport final en janvier 2011, selon lequel le niveau de service ferroviaire était encore une source de problèmes pour les expéditeursFootnote 24.

Le processus visant à équilibrer le pouvoir de négociation des compagnies de chemin de fer et des expéditeurs se poursuit. Des modifications législatives récentes ont imposé de nouvelles dispositions réglementaires destinées à renforcer la position des expéditeurs dans leurs négociations avec les compagnies de chemin de fer.

La Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises (projet de loi C‑52) a reçu la sanction royale le 26 juin 2013Footnote 25. Ce projet de loi a modifié la LTC afin d'obliger les compagnies de chemin de fer à conclure des ententes sur le niveau de services avec un expéditeur à la demande de ce dernier. Le projet de loi prévoit aussi un processus d'arbitrage dans l'éventualité où l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer seraient incapables de s'entendre sur les dispositions de pareille ententeFootnote 26.

La Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain (projet de loi C‑30) a reçu la sanction royale le 29 mai 2014Footnote 27. Ce projet de loi visait à accélérer le transport du grain en réaction à une congestion aigüe à l'hiver 2013‑2014, causée par la combinaison d'un hiver particulièrement rude et d'une récolte de grain record de 76 millions de tonnes, une hausse d'environ 37 % par rapport à la récolte précédente. Le projet de loi C‑30 faisait suite à un décret pris en mars 2014 conformément aux mesures en cas de perturbations extraordinaires prévues à l'article 47 de la LTC. Le décret imposait au CN et au CP de transporter chacun au moins 500 000 tonnes de grain destiné à l'exportation par semaine. Les dispositions du projet de loi C‑30 ont accordé au gouverneur en conseil le pouvoir d'obliger le CN et le CP à transporter une quantité minimum de grain par semaine et ont conféré à l'Office l'autorité d'étendre les limites d'interconnexions dans les provinces des Prairies de 30 km à 160 km pour tous les expéditeurs. Le projet de loi C‑30 comprenait un certain nombre de dispositions concernant le niveau de services, y compris une modification des dispositions sur le niveau de services visant à obliger les compagnies de chemin de fer à compenser les expéditeurs pour les coûts induits par les défaillances de service.

2. L'importance du transport ferroviaire pour l'économie

Le Canada possède un des réseaux ferroviaires les plus étendus dans le mondeFootnote 28; en 2012, les compagnies de chemin de fer canadiennes ont transporté plus de 336,5 millions de tonnes de marchandises et employaient 33 646 personnesFootnote 29. La même année, les services canadiens de transport ferroviaire de marchandises ont engrangé des revenus d'exploitation d'environ 12,3 milliards de dollars alors que VIA Rail Canada, une société d'État, a déclaré un profit net de 26,4 millions de dollars et des revenus de 277,6 millions de dollars pour ses services de transport interurbain de passagersFootnote 30. Selon l'Association des chemins de fer du Canada, les chemins de fer canadiens acheminent environ la moitié des exportations canadiennes et transportent le quatrième plus gros volume de marchandises au mondeFootnote 31.

Le tableau ci‑dessous présente la composition du fret non‑intermodal transporté par rail pour les huit dernières campagnes agricoles (du 1er août au 31 juillet) :

Composition du fret non‑intermodal transporté par rail pour les huit dernières campagnes agricoles
Composants des chargements ferroviaires (nombre de wagons) 2006‑
2007
2007‑
2008
2008‑
2009
2009‑
2010
2010‑
2011
2011‑
2012
2012‑
2013
2013‑
2014
Total, trafic non‑intermodal chargé3 168 9833 082 1182 754 8822 844 3752 987 0083 156 2113 245 6823 326 590
Blé234 669 189 914 232 869 233 041 205 898 225 542 218 202 264 595
Autres céréales48 586 76 081 60 573 54 273 54 244 56 536 57 075 58 785
Canola73 879 74 436 101 676 91 981 97 617 118 032 93 974 116 323
Minerais de fer et leurs concentrés353 248384 066348 546367 099370 279354 935376 147382 947
Charbon322 253342 032279 817335 037332 186355 861362 659377 485
Mazout et pétrole brut66 01666 96962 19164 48264 03589 288148 721181 660
Potasse178 489183 44288 921129 162175 203155 339162 315163 460
Engrais (sauf la potasse)57 16852 59755 67251 16255 99453 07952 40646 093
Bois d'œuvre174 009131 21398 12982 14294 174117 536124 660124 984
Autres produits du bois74 09448 81835 20331 62834 09245 48149 53751 232
Pâte de bois117 284116 87297 10881 58097 904101 00998 16488 884
Autres marchandises1 469 2881 415 6781 294 1771 396 2101 405 3821 483 5731 501 8221 470 142

Source : Tableau CANSIM no 404‑0002


Fret non‑intermodal transporté par rail en 2013‑2014

Fret non-intermodal transporté par rail en 2013-2014
Tableau – Fret non‑intermodal transporté par rail en 2013‑2014
Fret non‑intermodal transporté par rail en 2013‑2014 
Minerais de fer et leurs concentrés Charbon Blé et autres céréales Bois d'œuvre, autres produits du bois et pâte de bois Potasse et engrais Mazout et pétrole brut Canola Autres marchandises
11,5 % 11,3 % 9,7 % 8 % 6,3 % 5,5 % 3,5 % 44,2 %

Source : Tableau CANSIM no 404‑0002

Tel que démontré dans le graphique ci‑dessus, le fret non‑intermodal transporté en 2013‑2014 était principalement composé de marchandises en vrac, comme les minerais de fer et leurs concentrés, le charbon, le bois et les produits du bois, le blé et la potasse. Le volume de bois d'œuvre et d'autres produits du bois transporté par rail a énormément varié au cours des dernières années. Les chargements de mazout et de pétrole brut ont enregistré une hausse marquée les deux dernières années et devraient varier selon les prix internationaux du brut.

Comme chacun des produits énumérés dans le paragraphe précédent est relativement homogène, les producteurs canadiens doivent livrer concurrence à un grand nombre de fournisseurs et ne peuvent guère influer sur les prix du marché mondial de manière unilatérale. Les acheteurs avec lesquels les producteurs canadiens font affaire n'accepteront pas des prix supérieurs à ceux du marché. À titre de preneurs de prix, les producteurs canadiens de produits de base doivent donc absorber toute augmentation de leurs coûts. Par conséquent, le caractère concurrentiel des tarifs du transport de marchandises et l'efficacité des services ferroviaires sont d'une importance capitale pour la compétitivité des exportations canadiennes sur les marchés mondiaux.

Les graphiques ci‑dessous montrent les revenus du transport de marchandises attribuables à diverses marchandises :

Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CN (en cents)Footnote 32

Produits du transport de marchandises par tonnes-milles commerciales pour le CN (en cents)
Tableau – Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CN (en cents)
Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CN (en cents)
Produits pétrollers et chimiques Métaux et minéraux Produits forestiers Charbon Produits céréaliers et engrais Intermodal Véhicules automobiles Moyenne
2012 4,38 5,60 4,49 3,02 3,50 4,70 19,54 4,44
2013 4,34 5,70 4,77 3,11 3,73 4,68 20,03 4,56

Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CP (en cents)Footnote 33

Produits du transport de marchandises par tonnes-milles commerciales pour le CP (en cents)
Tableau – Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CP (en cents)
Revenus du transport de marchandises par tonne‑mille commerciale pour le CP (en cents)
Produits forestiers Charbon Céréales Engrais et soufre Intermodal Produits automobiles Produits industriels et produits de consommation Moyenne
2012 4,10 2,69 3,54 3,05 5,51 17,12 4,16 4,11
2013 4,46 2,71 3,82 3,14 5,51 17,27 4,09 4,15

Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CN ($)Footnote 34

Produits du transport de marchandises par wagon pour le CN ($)
Tableau – Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CN ($)
Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CN ($)
Produits pétrollers et chimiques Métaux et minéraux Produits forestiers Charbon Produits céréaliers et engrais Intermodal Véhicules automobiles Moyenne
2012 2 761 1 106 2 991 1 637 2 663 1 145 2 423 1 767
2013 3 173 1 160 3 168 1 666 2 815 1 156 2 473 1 847

Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CP ($)Footnote 35

Produits du transport de marchandises par wagon pour le CP ($)
Tableau – Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CP ($)
Revenus du transport de marchandises par wagon pour le CP ($)
Produits forestiers Charbon Céréales Engrais et soufre Intermodal Produits automobiles Produits industriels et produits de consommation Moyenne
2012 2 881 1 786 2 707 2 938 1 338 2 623 2 704 2 079
2013 3 132 1 904 2 964 3 083 1 324 2 758 2 982 2 226

L'emplacement géographique des expéditeurs, de même que le type et le volume des marchandises transportées, influencent les revenus tirés par les compagnies de chemin de fer du transport de marchandises. Certaines marchandises sont généralement transportées par trains‑blocs, qui offrent des avantages sur le plan de l'efficience et donnent accès à des services ferroviaires exclusifs, alors que d'autres sont habituellement transportés par trains réguliers, qui sont mieux adaptés pour l'accès à des aires de production de créneauFootnote 36.

Étant donné l'augmentation de la production et du transport des marchandises, l'importance d'une réelle concurrence dans l'industrie du transport ferroviaire ira sans doute en augmentant au fil du temps. La forte demande de produits de base agricoles dans les marchés émergents et l'augmentation du recours à ces produits pour la production de biocarburants ne peuvent que renforcer cette tendanceFootnote 37.

B. Analyse de la concurrence dans le contexte du transport ferroviaire

1. Définition du marché

Comme il a été mentionné précédemment, de nombreux facteurs sont pris en compte dans la définition des marchés pertinents, lesquels comportent un volet axé sur le produit ainsi qu'un volet géographique.

Le Bureau a étudié la mesure dans laquelle il serait possible de remplacer le transport ferroviaire par d'autres modes de transport, notamment le transport par camion. La concurrence intermodale issue du transport par camion, le cas échéant, semble effectivement restreindre les tarifs de transport ferroviaire. Néanmoins, le recours au transport par camion s'avère excessivement coûteux pour de nombreux expéditeurs, et ce, pour les raisons suivantes :

  • le volume des marchandises produites est élevé et leur valeur unitaire est faible;
  • les sites de production sont éloignés;
  • le processus de chargement et de déchargement des camions est plus long que celui des wagons;
  • le nombre d'heures de conduite d'un camionneur est limité;
  • l'accès à des camions et à des camionneurs est limité dans les collectivités éloignées.

Toute analyse de la substituabilité des autres modes de transport doit être fondée sur les prix concurrentielsFootnote 38. Dans une situation qui laisse croire à la présence d'une puissance commerciale, les prix en vigueur sur le marché peuvent être supérieurs aux niveaux concurrentielsFootnote 39. Il faut faire preuve de prudenceFootnote 40 dans l'utilisation des données relatives au recours au transport par camion étant donné que les clients peuvent faire appel à d'autres modes de transport de substitution lorsque les prix du transport ferroviaire se hissent au‑dessus des niveaux concurrentiels ou lorsque le nombre de wagons disponibles est insuffisant.

En ce qui concerne le transport de marchandises, le Bureau considère généralement les combinaisons origine‑destination comme des marchés géographiques distincts parce que, surtout au Canada, de nombreux expéditeurs produisent des marchandises dans des lieux relativement éloignés (exploitation du charbon, produits forestiers, par exemple) et sont donc limités à un seul point d'origine. De l'autre côté, les expéditeurs qui produisent des marchandises en vrac destinées à l'exportation sont souvent limités dans le nombre de ports ou d'autres destinations desquels ils peuvent expédier leurs biens à l'étranger.

2. Concentration du marché

Au Canada, environ 95 % des revenus du transport ferroviaire proviennent du transport de marchandises. Le reste est issu des services de train de banlieue et de transport interurbain ainsi que des services de transport ferroviaire touristiqueFootnote 41.

L'industrie canadienne des services de transport ferroviaire de marchandises est pour l'essentiel divisée entre les deux compagnies nationales de chemin de fer de classe I, à savoir le CN et le CP. Les parts diffèrent quelque peu selon l'unité de mesure employée.

En 2011, le CN comptait pour plus de 50 % de l'ensemble des revenus de l'industrie du transport ferroviaire, contre environ 35 % pour le CPFootnote 42. À titre de comparaison, les revenus de 53 compagnies de chemin de fer d'intérêt local et compagnies de chemin de fer régionales représentaient 5,6 % de l'ensemble des revenus du secteur ferroviaire en 2012Footnote 43.

Du point de vue de la quantité transportée, ensemble, le CN et le CP sont responsables d'environ 95 % des tonnes‑kilomètres annuelles du secteur ferroviaire canadienFootnote 44.

En ce qui concerne le réseau des voies ferroviaires, le CN et le CP détiennent ensemble plus de 75 % des voies ferrées de l'industrieFootnote 45. Quant aux compagnies de chemin de fer d'intérêt local et aux compagnies de chemin de fer régionales, elles sont responsables collectivement d'un peu plus de 22 % des voies ferrées de l'industrie. Le reste appartient à des filiales canadiennes de compagnies américaines de chemin de fer et à des compagnies de transport ferroviaire de voyageurs et de trains de banlieue. La part des voies ferrées appartenant au CN est particulièrement importante dans les provinces maritimes et au Québec compte tenu de la présence limitée ou de l'absence du CP dans ces provinces. La part des voies ferrées appartenant au CN est également notable en Colombie‑Britannique, en Alberta et en Ontario, malgré la présence du CP dans ces provinces. Au Manitoba et en Saskatchewan, les parts de voies ferrées exploitées par le CN et le CP sont comparables. En effet, le CN exploite environ 37 % de l'ensemble des voies ferrées du Manitoba et 44 % des voies ferrées de la Saskatchewan, tandis que le CP exploite environ 39 % de l'ensemble des voies ferrées du Manitoba et 43 % des voies ferrées de la SaskatchewanFootnote 46.

Malgré la fluctuation du nombre de compagnies de chemin de fer d'intérêt local et de compagnies de chemin de fer régionales au fil des ans, la part combinée des revenus, des voies ferrées détenues et de la quantité de marchandises transportées attribuable au CN et au CP est demeurée relativement stable au cours de la dernière décennie : les variations enregistrées sont plutôt faibles.

Les parts en question sont calculées à l'échelle nationale ou à l'échelle provinciale. Il est important de souligner qu'il est possible que le CN et le CP affichent des parts de marché supérieures dans certains marchés pertinents. Les parts présentées précédemment surestiment peut‑être l'importance des compagnies de chemin de fer régionales et des compagnies de chemin de fer d'intérêt local pour les raisons expliquées ci‑après.

Les compagnies de chemin de fer régionales et les compagnies de chemin de fer d'intérêt local assurent un service sur des distances relativement courtes et sur des lignes de moindre densité. Elles fournissent des services aux marchés régionaux et éloignésFootnote 47. Les compagnies de chemin de fer régionales et les compagnies de chemin de fer d'intérêt local ne peuvent être considérées comme des concurrents réels des compagnies de chemin de fer de classe I. Elles acheminent le trafic depuis les lignes exploitées par les compagnies de chemin de fer de classe I et à destination de celles‑ci en vue du transport sur de longues distances. De ce fait, elles offrent à l'heure actuelle des services complémentaires à ceux qu'offrent les compagnies de chemin de fer de classe I et non des services de substitution concurrentiels dont les prix pourraient limiter les prix exigés par le CN et le CP. Par ailleurs, la capacité des compagnies de chemin de fer régionales et des compagnies de chemin de fer d'intérêt local à faire concurrence aux compagnies de chemin de fer de classe I est réduite par leur capacité limitée à générer des revenus suffisants pour investir dans des infrastructures ferroviaires supplémentaires. Leurs revenus limités les rendent également vulnérables à la prise de mesures de rétorsion à leur endroit. En effet, les compagnies de chemin de fer de classe I pourraient baisser les tarifs qu'ils imposent aux expéditeurs si les compagnies de chemin de fer régionales et les compagnies de chemin de fer d'intérêt local tentaient de leur faire concurrence. Les compagnies de chemin de fer de classe I pourraient également refuser de procéder à des échanges de traficFootnote 48 selon des modalités raisonnables sur le plan commercial, en guise de représailles à l'égard des compagnies de chemin de fer régionales et des compagnies de chemin de fer d'intérêt local.

De plus, les grandes compagnies américaines de chemin de fer, qui pourraient concurrencer le CN ou le CP, ne possèdent qu'une quantité limitée de voies ferrées au Canada. Vu les économies d'échelle associées à la taille de leurs activités aux États‑Unis, ces compagnies de chemin de fer pourraient constituer un choix concurrentiel pour certains expéditeurs situés près de leur réseau ferroviaire. Burlington Northern Santa Fe, LLC (« BNSF ») a, plus particulièrement, des activités dans l'Ouest canadien. Les ratios d'exploitation enregistrés par BNSF au cours des dernières années sont comparables à ceux des compagnies canadiennes de chemin de fer de classe I et se situent généralement autour de 70 %Footnote 49.

La puissance commerciale d'une compagnie de chemin de fer au sein d'un marché pertinent particulier est largement tributaire des autres modes concurrentiels qui s'offrent aux expéditeurs. Les prix exigés par les compagnies de chemin de fer varient en fonction de l'élasticité‑prix de la demande des expéditeurs. Les expéditeurs qui ont accès à des substituts proches affichent une courbe de demande plus élastique que ceux qui n'ont accès à aucune solution de remplacement économique. Pour maximiser les profits, les compagnies de chemin de fer fixent un prix plus faible pour les clients dont l'élasticité‑prix de la demande est forte que pour ceux qui affichent une faible élasticité‑prix de la demande. Les compagnies de chemin de fer peuvent exercer une discrimination par les prix à l'égard des expéditeurs, car les expéditeurs visés ne peuvent bénéficier d'opérations d'arbitrage avec d'autres expéditeurs.

La capacité des compagnies de chemin de fer à influer sur les choix de destination des expéditeurs constitue une autre indication de la puissance commerciale de ces dernières. En effet, elles peuvent exercer une influence à ce chapitre en divisant le marché en routes préférentielles et non préférentielles et en fixant des prix plus élevés pour les chargements transportés vers des destinations moins favorables et des prix plus bas pour les chargements transportés vers des destinations privilégiées. Le caractère préférentiel d'une route donnée peut dépendre de facteurs comme le droit de propriété associé aux principales infrastructures au point de destination et la vitesse à laquelle les trains peuvent se déplacer sur la route.

Les deux compagnies canadiennes de chemin de fer de classe I qui assurent le transport de marchandises affichent des ratios d'exploitation faisant état d'activités rentablesFootnote 50. Les ratios d'exploitation qu'a enregistrés le CN entre 2008 et 2013 sont de beaucoup inférieurs aux ratios comparatifs qu'il a affichés durant les dix années précédant l'examen de la LTC de 2000‑2001. En moyenne, les ratios d'exploitation du CP des six dernières années sont inférieurs aux ratios comparatifs qu'il a enregistrés au cours des années 1990.

Ratios d'exploitation du CN et du CP, 2008 à 2013
AnnéeRatio d'exploitation du CNFootnote 51 (%)Ratio d'exploitation du CPFootnote 52 (%)
200865,978,9
200967,379,1
201063,677,6
201163,581,3
201262,977,0
201363,469,9

3. Entraves à l'accès

Le secteur ferroviaire comporte d'importantes entraves à l'accès. Au Canada, les compagnies de chemin de fer doivent généralement fournir leurs propres infrastructures, y compris les voies ferrées, les plates‑formes, le matériel de signalisation et les terminauxFootnote 53. Ces investissements sont à la fois importants et irrécupérables, étant donné qu'ils ne peuvent être réaffectés ailleurs et n'ont qu'une faible valeur à la casse. Les marchés du transport ferroviaire comportent des économies d'échelle et de gamme, ce qui signifie essentiellement que les coûts marginaux ou différentiels sont inférieurs aux coûts moyens, si bien que le coût moyen de transport d'une compagnie de chemin de fer diminue parallèlement à la croissance de la compagnie, soit par l'augmentation de l'échelle de production, soit par l'accroissement de la diversification du trafic. Par ailleurs, il peut s'avérer difficile pour les compagnies de chemin de fer d'obtenir les terres ou les emprises ferroviaires nécessaires à la construction de nouvelles voies ou infrastructures, en particulier dans les zones urbaines ou aux terminaux ou dans les ports à congestion élevée.

Compte tenu de ces importantes entraves à l'accès, il est peu probable qu'une compagnie de chemin de fer dotée d'installations fasse son entrée sur le marché canadien. De plus, ces entraves limitent la capacité des compagnies canadiennes ou étrangères de chemin de fer existantes à étendre leurs activités à de nouveaux marchés.

4. Expéditeurs captifs du transport ferroviaire

Les expéditeurs desservis par une seule voie ferrée et ne possédant aucune alternative de transport économiquement viable sont communément décrits comme étant « captifs » d'une compagnie de chemin de ferFootnote 54. L'Examen des services de transport ferroviaire des marchandises a reconnu la nécessité d'encourager la concurrence pour les expéditeurs captifsFootnote 55, mais n'a fourni aucune estimation de la proportion d'expéditeurs canadiens desservie par une seule voie ferrée. Une analyse détaillée des données individuelles de transport pour chaque expéditeur serait nécessaire afin de tirer une conclusion définitive relativement à la proportion d'expéditeurs canadiens desservie par une seule voie ferrée et à l'effet d'une telle captivité sur les tarifs et niveaux de servicesFootnote 56. Dans les marchés du transport ferroviaire où les expéditeurs sont captifs, les compagnies de chemin de fer peuvent imposer des prix élevés sans risquer de perdre leurs clients aux mains d'un concurrent et peuvent offrir un service de moindre qualité.

Dans le cadre de la préparation du présent mémoire, le Bureau a contacté plus de 10 associations d'expéditeurs et celles‑ci ont fait écho de préoccupations généralisées relativement au degré de captivité de certains de leurs membres. Les inquiétudes soulevées étaient particulièrement vives au sein des expéditeurs du secteur primaire situés dans une région éloignée et à l'origine d'importants volumes d'expéditions ferroviaires. Les expéditeurs de marchandises destinées aux marchés d'exportation nécessitent un réseau ferroviaire efficace afin de demeurer concurrentiels sur les marchés mondiaux où les prix sont fixés à l'échelle internationale. Des coûts d'expédition élevés ont un effet négatif sur les revenus de ces expéditeurs, ce qui, à son tour, peut nuire aux motivations de ces derniers à investir et à accroître leurs activités.

La plupart des expéditeurs ne disposent pas de leurs propres wagons ou locomotives. Ils sont donc grandement tributaires des compagnies de chemin de fer à qui ils font appel pour obtenir des wagons à charger et des locomotives pour assurer le transport des wagons en temps voulu. Les expéditeurs veulent que les compagnies de chemin de fer disposent d'un nombre de wagons et de locomotives supérieur au nombre nécessaire pour assurer le transport du trafic moyen (« capacité excédentaire ») de manière à pouvoir réduire au minimum les interruptions de service en cas de circonstances imprévues comme une hausse soudaine de la demande des services de transport ferroviaire (tel que ce fut le cas lors de la récolte exceptionnelle de produits céréaliers en 2013‑2014) ou en cas de perturbations touchant l'approvisionnement, par exemple lors d'un bris mécanique. En revanche, les compagnies de chemin de fer visent à maximiser la rentabilité de leurs activités, ce qui signifie qu'elles veulent s'assurer que toutes les ressources sont utilisées au maximum de leur capacité en tout temps. Comme l'a souligné l'Office des transports du Canada dans sa décision Louis Dreyfus,

Les intérêts des compagnies de chemin de fer sont le mieux exprimés par l'expression de l'industrie « faire travailler les actifs », ce qui signifie répondre à la demande en maintenant les coûts relatifs à l'infrastructure, à l'offre de wagons, au personnel et aux moteurs les plus bas possible. Les opérations à haute efficacité avec de faibles ratios d'exploitation […] offrent le meilleur retour aux actionnaires des compagnies de chemin de fer. Cependant, le fait de mener des opérations exigeant peu de ressources a une incidence sur la capacité de la compagnie de chemin de fer de gérer les augmentations subites de la demande ou les défis opérationnels comme les pannes attribuables à l'infrastructure ou les conditions météorologiques défavorables.

L'Office est d'avis que lorsque les pressions concurrentielles sont faibles ou absentes et lorsque le coût pour les compagnies de chemin de fer associés au fait de retarder la circulation ou de réduire le niveau de services est relativement bas, la fourniture de wagons et de moteurs sera établie à un niveau favorable à la compagnie de chemin de fer […] et non à l'expéditeur Footnote 57.

De nombreux expéditeurs de diverses marchandises qui se disent captifs signalent qu'il leur est toujours difficile de s'assurer de recevoir un nombre suffisant de wagons et de locomotives en temps opportun et de manière fiable. Les expéditeurs affirment qu'en plus d'avoir une capacité limitée en période d'augmentation inattendue de la demande, les compagnies de chemin de fer rationnent régulièrement le nombre de wagons disponibles en hiver. Il arrive qu'une compagnie de chemin de fer, même si elle a convenu de fournir un nombre donné de wagons à une date précise, ne fournisse pas les wagons en question à temps, ce qui entraîne des dépenses importantes pour les expéditeurs sous forme de rémunération supplémentaire et de droits de stationnement. Les atteintes à la réputation des expéditeurs attribuables à la non‑exécution des contrats avec leurs acheteurs lorsque les biens ne peuvent être livrés de manière fiable sont, quant à elles, plus difficiles à quantifier. Les compagnies de chemin de fer ne sont généralement pas tenues, par leurs obligations contractuelles, de payer des sanctions réciproques en cas de défauts de rendement, tandis que les expéditeurs doivent verser des sommes considérables sous forme de sanctions aux compagnies de chemin de fer pour leurs défauts de rendement (p. ex. le défaut de libérer les wagons à temps).

Les hausses de la demande peuvent être particulièrement marquées en ce qui concerne les produits céréaliers. Contrairement aux autres marchandises qui peuvent être produites à un rythme relativement constant au cours de l'année, tous les producteurs de céréales récoltent leurs produits autour de la même période, soit à l'automne de chaque année. En cas de forte demande, c'est à dire une demande telle que la capacité d'une compagnie de chemin de fer ne suffit pas à servir tous les expéditeurs, la compagnie peut décider de servir ses expéditeurs de produits céréaliers captifs plus tard que prévuFootnote 58. Bien que de tels retards imposés aux expéditeurs captifs n'aient vraisemblablement pas d'incidence sur la quantité totale de produits céréaliers transportée en fin de compte par la compagnie de chemin de fer en question et que cette dernière s'en soucie donc peu, ils peuvent engendrer des pertes financières considérables pour les expéditeurs et les producteurs de céréales qui pourraient se trouver dans l'impossibilité de vendre leurs produits au moment où les prix sur les marchés internationaux sont favorablesFootnote 59.

5. Concurrence à la source

Les compagnies de chemin de fer peuvent être limitées par la « concurrence à la source », c'est‑à‑dire que les expéditeurs captifs peuvent perdre une part notable de leur clientèle ou être contraints de fermer leurs portes en raison de la concurrence provenant d'autres producteurs lorsqu'une compagnie de chemin de fer exige des prix excessifs ou ne cesse d'offrir un mauvais service. En fin de compte, cette situation se traduirait par d'importantes pertes de revenus pour la compagnie de chemin de fer.

Bien que la concurrence à la source puisse avoir l'effet de mettre une entreprise au pas dans certaines situations, les monopoles des chemins de fer ont de fortes motivations à réduire les extrants et à augmenter les prix, en particulier en ce qui concerne les expéditeurs ayant d'importants coûts irrécupérables qui ont fortement intérêt à maintenir leur production malgré la hausse des coûts. Dans de telles circonstances, la concurrence à la source est beaucoup moins efficace pour ce qui est de limiter les prix du transport ferroviaire.

6. Pouvoir compensateur

Certains des clients desservis par les compagnies de chemin de fer sont de taille importante et de nature avertie. Dans de telles circonstances, les expéditeurs pourraient avoir la capacité de restreindre toute tentative de la part des compagnies de chemin de fer d'exercer une puissance commerciale.

La capacité des expéditeurs de procéder à une intégration verticale sur le marché des activités ferroviaires est limitée compte tenu des importantes entraves à l'accès associées à l'entrée d'entreprises dotées d'installations et à l'exigence selon laquelle une demande de droits de circulation doit être présentée par une compagnie de chemin de fer au sens de la LTC.

Certains expéditeurs peuvent parvenir à s’assurer d’obtenir des tarifs concurrentiels à un emplacement où ils sont captifs en menaçant de faire appel à des concurrents à des emplacements où ils ont la possibilité de le faire. Toutefois, seuls les expéditeurs ayant des emplacements desservis par plus d'une compagnie de chemin de fer peuvent tenter d'influer ainsi sur les négociations. Tel qu'indiqué précédemment, aucune information relative à la proportion d'expéditeurs canadiens desservie par plus d'une compagnie de chemin de fer n'est accessible au public.

Les expéditeurs situés à proximité de la ligne ferroviaire d'une autre compagnie de chemin de fer peuvent favoriser l'expansion de celle‑ci en s'engageant à transporter de gros volumes de marchandises par l'entremise d'une infrastructure ferroviaire nouvellement construite. Les expéditeurs situés à une distance raisonnable des voies ferrées de BNSF pourraient réussir à favoriser des projets d'expansion. Cependant, le réseau de BNSF est concentré dans le sud de l'Ouest canadien, ce qui a pour effet de restreindre cette possibilité, étant donné que plusieurs expéditeurs captifs du transport ferroviaire se trouvent dans des régions éloignées du Nord.

7. Activités coordonnées

Des conditions favorisant la coordination sont surtout susceptibles d'être observées dans des marchés caractérisés entre autres par :

  1. un degré élevé de concentration du marché;
  2. la présence d'importantes entraves à l'entrée sur le marché;
  3. l'homogénéité des produits;
  4. la symétrie des coûts entre les entreprises;
  5. la maturité du marché;
  6. un degré élevé de transparence du marché;
  7. la présence des entreprises sur de multiples marchés.

Comme il a été mentionné précédemment, les marchés du secteur ferroviaire peuvent être très concentrés sur une base individuelle : il s'agit là d'une conséquence directe de la présence d'importantes entraves à l'accès et à l'expansion. Bien que les données sur le mouvement des wagons et les autres conditions du marché soient généralement uniquement accessibles sur une base globale, les transporteurs pourraient être en mesure, compte tenu du grand nombre de monopoles ou duopoles au sein des marchés du transport ferroviaire de marchandises, de déduire des données sur les activités d'un transporteur concurrent. Par ailleurs, l'identité des clients servis est facilement décelable.

La présence de multiples facteurs facilitants laisse croire que les transporteurs de classe I pourraient être en mesure de surmonter les obstacles généralement associés aux activités coordonnées. Selon certains acteurs, le refus de donner les prix des chemins de fer de liaison qui permettraient aux expéditeurs de demander que soient établis des prix de ligne concurrentiels et l'utilisation limitée des droits de circulation indiquent que les transporteurs de classe I évitent consciemment la concurrence directe.

La présence de divers facteurs facilitants limite l'efficacité des dispositions visant à introduire une concurrence accrue au sein des marchés canadiens du transport ferroviaire. Le Comité doit donc évaluer l'incidence de tout éventuel changement à la réglementation ou à la législation sur les facteurs décrits précédemment.

La section suivante explique comment des changements à la réglementation ou à la législation peuvent remédier aux difficultés découlant d'un monopole naturel et de ses problèmes connexes, y compris les prix élevés, l'insuffisance de l'offre, le mauvais service et l'absence d'entrée sur le marché.

C. Recommandations

Selon la Politique nationale des transports, telle qu'énoncée à l'article 5 de la LTC, les forces du marché et la concurrence sont les principaux facteurs qui, autant que possible, doivent entrer en jeu dans la prestation de services de transport viables et efficaces. Dans ce contexte, la règlementation est utilisée seulement lorsque les forces du marché ne permettent pas d'atteindre ces objectifs de façon satisfaisante, c'est‑à‑dire en cas de risque de défaillance du marché. Dans certains marchés du transport ferroviaire, des coûts irrécupérables importants et des situations de monopole naturel susceptibles d'entraîner une défaillance du marché pourraient justifier l'adoption de mesures réglementaires ciblées sur les prix et sur l'entréeFootnote 60.

La LTC prévoit un certain nombre de dispositions qui visent à élargir la gamme d'options concurrentielles à l'intention des expéditeurs et à corriger le déséquilibre sur le plan du pouvoir de négociation entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs, de façon à ce que les prix et les niveaux de services correspondent davantage à ceux qui prévaudraient dans des marchés pleinement concurrentiels. Voici quelques exemples de ces dispositions :

  • le revenu admissible maximal (« RAM »), une limite imposée au revenu global que peuvent tirer les compagnies de chemin de fer CN et CP du transport du grain de l'Ouest vers des marchés d'exportation précis;
  • les dispositions d'accès concurrentiel, notamment l'interconnexion réglementée et les prix de ligne concurrentiels, qui visent à favoriser une tarification concurrentielle en facilitant l'accès des expéditeurs aux compagnies de chemin de fer concurrentes;
  • l'arbitrage sur l'offre finale, un mécanisme de règlement des différends survenant entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs;
  • les dispositions relatives au niveau de services, qui imposent aux compagnies de chemin de fer des obligations en matière de niveau de services, et qui autorisent l'Office des transports du Canada à examiner des plaintes et à ordonner la prise de mesures correctives au besoin.

En outre, plusieurs intervenants ont suggéré que la disposition relative aux droits de circulation, qui avait initialement pour objectif d'éviter de construire inutilement d'autres lignes de chemin de fer, pourrait être revue de façon à accroître la concurrence dans les marchés canadiens du transport ferroviaire.

Ces dispositions prévoient des mécanismes importants qui peuvent corriger ou pallier les défaillances des marchés du transport ferroviaire. Cela dit, il faut s'assurer que ces mesures réglementaires se limitent à ce qu'il est nécessaire et raisonnable d'imposer aux compagnies de chemin de fer. La dérèglementation a apporté de grands avantages à l'industrie du transport ferroviaire et à ses intervenants sous la forme de gains d'efficience et de diminution des tarifs ferroviaires, mais ces acquis pourraient être compromis si les règlements ne faisaient pas l'objet d'un examen approfondi préalablement à leur mise en œuvre. Comme les compagnies de chemin de fer exploitent des réseaux et doivent répondre aux besoins de nombreux usagers, elles doivent disposer d'une certaine marge de manœuvre en ce qui concerne l'établissement des prix et les niveaux de service pour être à même de fournir des services efficaces et adaptés.

1. Perturbations extraordinaires

En vertu de l'article 47 de la LTC, si le gouverneur en conseil est d'avis « qu'une perturbation extraordinaire de la bonne exploitation continuelle du réseau des transports […] existe », il peut « prendre les mesures qu'il estime essentielles à la stabilisation du réseau national des transports […] et, notamment, imposer des restrictions relativement à la capacité et aux prix ». Comme il a été mentionné, à la suite d'un retard dans le transport du grain en 2013‑2014, un décret a été pris en vertu de l'article 47, qui exigeait que le CN et le CP transportent chacun 500 000 tonnes de grain par semaine. Un deuxième décret a été pris en vue de prolonger jusqu'au 29 novembre 2014 le délai d'application des dispositions sur l'obligation, suivi d'un troisième décret prolongeant le délai d'application jusqu'au 28 mars 2015Footnote 61.

L'intervention du gouvernement fédéral pourrait être requise dans des cas extraordinaires où la conjoncture du marché l'exigerait, et elle pourrait prendre la forme de décrets en application de l'article 47 de la LTC. La collecte supplémentaire d'informations, de façon provisoire, permettrait au gouverneur en conseil d'évaluer adéquatement les situations critiques et contribuerait à l'application de mesures réglementaires d'urgence d'autant plus éclairées et efficacesFootnote 62. Il faudrait limiter ces mesures à celles qui sont directement nécessaires pour remédier à la situation dans l'immédiat et les revoir aussitôt que possible. L'adoption de dispositions de réexamen (comme ce fut le cas pour les décrets susmentionnés et le projet de loi C‑30) permet d'assurer que les mesures réglementaires prises dans l'urgence font l'objet d'un examen approfondi une fois passée la crise qui les a rendues nécessaires.

Les mesures d'urgence fixant un prix particulier à respecter pour le transport de certaines marchandises ou imposant le transport préférentiel de certains produits plutôt que d'autres pourraient toutefois causer d'importantes distorsions et défaillances des marchés, plus particulièrement si elles demeurent en vigueur pendant une longue période. Ces mesures pourraient générer des coûts tant pour les compagnies de chemin de fer que pour les expéditeurs d'autres marchandises, qui peuvent avoir des difficultés additionnelles liées aux prix et au niveau de services puisqu'il y a moins de capacité et d'infrastructures à leur disposition. Les mesures d'urgence peuvent même avoir des conséquences imprévues pour les expéditeurs d'un produit que les décideurs cherchaient pourtant à soutenir. Par exemple, plusieurs intervenants ont affirmé que comme les corridors que le CN et le CP doivent utiliser pour la livraison du grain ne sont pas précisés dans le décret, les compagnies de chemin de fer transportent le grain aux ports de Vancouver et de Thunder Bay en priorité, au détriment du grain à destination des marchés du sud, aux États‑Unis et au Mexique, car le délai d'exécution est plus long pour ces expéditions. Cette conséquence imprévue aurait pu être évitée si le décret avait précisé la quantité minimum de grain à transporter en tonnes‑kilomètres plutôt qu'en tonnes uniquement, encore que ce ne soit pas certain.

Ces facteurs font ressortir l'importance de consulter divers intervenants au moment d'élaborer et de mettre en œuvre les règlements et les politiques à long terme qui s'imposent pour améliorer la capacité, les infrastructures et les ressources nécessaires au transport de certains produits. Il importe de s'assurer que les règlements remplissent leurs objectifs, limitent les conséquences imprévues et se répercutent le moins possible sur les forces du marché et sur la concurrence.

La nécessité de recourir aux mesures d'urgence pourrait diminuer à l'avenir grâce à un cadre de réglementation efficace, qui tienne compte à la fois des besoins des expéditeurs et de ceux des compagnies de chemin de fer, en prévoyant des dispositions pertinentes pour favoriser la concurrence et rééquilibrer les relations commerciales entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer.

Recommandations :

  • Que le gouvernement maintienne les dispositions réglementaires de la Loi sur les transports au Canada (LTC) sur l'accès concurrentiel et sur les négociations entre les expéditeurs et les compagnies de chemin de fer afin de minimiser la nécessité de recourir à des mesures d'urgence pour remédier aux problèmes de capacité et de niveau de services à l'avenir.
  • Que soient adoptées des dispositions de réexamen, semblables à celles utilisées dans le cadre du projet de loi C‑30, si la prise de mesures d'urgence s'impose.
  • Que l'obligation de consulter le ministre responsable du Bureau de la concurrence (actuellement le ministre de l'Industrie), prévue à l'article 47, soit maintenue pour que les mesures extraordinaires respectent le plus possible les principes de concurrence de la Politique nationale des transports.

2. Revenu admissible maximal

Le revenu admissible maximal (RAM) est une limite imposée sur le revenu global que peuvent tirer les compagnies de chemin de fer CN et CP qui transportent le grain réglementé à partir de l'Ouest du Canada ou des États‑Unis à destination de ports en Colombie‑Britannique ou de Thunder Bay ou d'Armstrong. Les mouvements du grain qui sont assujettis à des tarifs commerciaux sont ceux à destination des États‑Unis, de points situés dans l'Ouest du Canada (y compris Churchill) et à l'est de Thunder Bay et d'Armstrong.

Les chemins de fer de classe I sont en situation de monopole par rapport à de nombreux expéditeurs de grain. Une situation de monopole incite naturellement les compagnies de chemin de fer à diminuer les extrants et à augmenter les prix. Le RAM vise à limiter la capacité des compagnies de chemin de fer à augmenter leurs prix à l'égard de certains expéditeurs de grain captifs. L'efficacité des dispositions relatives au RAM est matière à débats entre les intervenants du marché du transport ferroviaire.

Dans les conditions actuelles, tous les revenus additionnels tirés de la hausse des prix en fonction de la charge de pointe doivent être compensés par des réductions équivalentes des prix hors pointe. Dans un milieu réglementé assujetti aux dispositions sur le RAM, il semble que la domination du marché par les compagnies de chemin de fer se traduise pour les expéditeurs de grain captifs par l'obtention d'un niveau sous‑optimal de services en période de pointe. La réponse aux conséquences imprévues de la réglementation n'est pas d'intensifier l'intervention réglementaire directe, mais plutôt de modifier la réglementation existante en y ajoutant des mesures qui inciteraient les compagnies de chemin de fer à fournir un niveau de capacité optimal et, par conséquent, un niveau de services optimal.

Le Bureau propose de modifier l'actuelle formule de calcul du RAM pour la rendre non linéaire, de façon à ce que les compagnies de chemin de fer tirent davantage de revenus du grain expédié à des niveaux supérieurs à la normale et soient pénalisées si elles ne répondent pas à la demande excédentaire. Une formule de calcul du RAM non linéaire qui récompenserait les compagnies de chemin de fer pour avoir maintenu une capacité excédentaire et qui internaliserait les coûts occasionnés aux expéditeurs en cas de non‑rendement des compagnies de chemin de fer inciterait celles‑ci à maintenir un niveau de capacité optimal avec un minimum d'intervention directe. L'approche proposée par le Bureau est analysée en détail à l'annexe 4 du présent mémoire.

Recommandation :

  • Que l'actuelle formule de calcul du revenu admissible maximal soit revue pour que des éléments incitant les compagnies de chemin de fer à maintenir une capacité excédentaire y soient intégrés.

3. Dispositions d'accès concurrentiel

Comme il a été mentionné, les dispositions d'accès concurrentiel de la LTC visent à favoriser la concurrence sur les marchés du transport ferroviaire. Elles permettent en effet aux expéditeurs de faire transporter leurs marchandises au lieu de correspondance le plus près à des prix réglementés, puis, à partir de ce lieu, de choisir entre deux ou plusieurs compagnies de chemin de fer pour assurer le mouvement de leurs marchandises sur la plus grande partie du parcours jusqu'à la destination finale, tirant ainsi parti de la concurrence.

a. Interconnexion réglementée

Si l'interconnexion réglementée visait à l'origine à empêcher la construction excessive de lignes de chemin de fer dans les milieux urbains, la disposition a une fonction secondaire, car elle favorise la concurrence en donnant aux expéditeurs la possibilité de choisir, parmi deux ou plusieurs compagnies de chemin de fer, celle avec laquelle ils feront affaire au lieu de correspondance le plus prèsFootnote 63.

À la suite des modifications qui ont été apportées à la LTN en 1987, la distance prévue pour les services d'interconnexion réglementés est passée de 4 milles à 30 km en raison de l'accroissement des centres urbains. En vertu des pouvoirs lui ayant été conférés par le projet de loi C‑30, l'Office des transports du Canada a adopté des mesures réglementaires qui étendent à 160 km les distances d'interconnexion pour toutes les marchandises expédiées vers un lieu de correspondance en Alberta, en Saskatchewan et au ManitobaFootnote 64, ce qui a fait augmenter de façon importante le nombre d'élévateurs à grain situés à l'intérieur des limites d'interconnexion dans ces provinces.

Les expéditeurs ont des opinions partagées sur l'efficacité de l'interconnexion réglementée en tant que disposition d'accès concurrentiel et sur l'effet de l'agrandissement de la zone d'interconnexion à 160 km. Des expéditeurs affirment que l'interconnexion est un moyen efficace de mettre en place une certaine concurrence dans des marchés par ailleurs captifs, et qu'elle pourrait constituer un facteur important dans les négociations des expéditeurs avec les compagnies de chemin de fer. D'autres expéditeurs sont d'avis que l'interconnexion ne présente qu'une utilité limitée parce que son efficacité dépend de la volonté du CP et du CN de se concurrencer pour le tronçon suivant. Les expéditeurs ont l'impression que le CN et le CP ne se font pas une concurrence féroce pour gagner leurs expéditeurs captifs respectifs, car il semblerait qu'ils n'offrent pas des prix compétitifs pour les expéditions en provenance ou à destination d'un lieu de correspondance. Ce pourrait être le cas particulièrement durant les périodes où la demande est forte, lorsque les compagnies de chemin de fer poussent déjà leur capacité à leur limite pour servir leurs clients existants. Il serait peu probable qu'un expéditeur recevant un service inadéquat dans un tel contexte puisse trouver une compagnie de chemin de fer concurrente disposant d'une capacité disponible suffisante pour répondre à ses besoins. L'interconnexion est perçue comme plus efficace lorsque des compagnies de chemin de fer américaines comme BNSF sont aussi de la partie, mais seulement un petit nombre d'expéditeurs jouissent d'une telle situation. L'interconnexion présente plus d'attrait pour les expéditeurs faisant transporter leur grain par train régulier, puisque l'interconnexion nécessite temps et logistique afin de déplacer les wagons vers les voies d'évitement.

L'interconnexion réglementée joue un rôle important en multipliant les options concurrentielles pour les expéditeurs situés à l'intérieur des limites d'interconnexion. Les limites d'interconnexion devraient être les mêmes pour tous les expéditeurs canadiens, car l'agrandissement de la zone d'interconnexion pour les expéditeurs à certains endroits et non à d'autres pourrait entraîner une distorsion des marchés. Les expéditeurs captifs situés à l'extérieur des limites d'interconnexion pourraient se voir imposer des prix plus élevés par les compagnies de chemin de fer cherchant à compenser le fait que d'autres expéditeurs tirent avantage de l'interconnexionFootnote 65.

En outre, l'établissement de limites d'interconnexion optimales est une question complexe, qui doit s'appuyer sur des recherches approfondies et sur des consultations. L'agrandissement de la zone d'interconnexion à 160 km ou plus fait augmenter le nombre d'expéditeurs qui peuvent se prévaloir de la disposition pour accroître leurs options concurrentielles. Même lorsqu'elle n'est pas utilisée concrètement, l'interconnexion peut amener les expéditeurs à tirer avantage de la concurrence, car le seul fait qu'ils puissent y recourir leur permet de négocier des prix inférieurs. Puisque les prix d'interconnexion réglementée sont fondés sur les coûts, le fait d'étendre l'interconnexion sur une plus longue partie d'une voie réduit la portion du réseau sur laquelle les compagnies de chemin de fer peuvent tirer un revenu selon les prix du marché. Par conséquent, certains participants au marché se disent préoccupés par les conséquences inattendues de l'agrandissement des zones d'interconnexion, soit la hausse des coûts d'exploitation et les répercussions négatives sur la capacité et sur l'intérêt des compagnies de chemin de fer à investir dans l'entretien ou l'accroissement de l'infrastructure sur les parcours touchés. Ces conséquences ne sont certes pas escomptées par les expéditeurs.

Recommandation :

  • Que les dispositions sur l'interconnexion réglementée soient maintenues. Le Comité devrait examiner si le rayon actuel général de 30 kilomètres d'un lieu de correspondance ou le rayon de 160 kilomètres pour les expéditeurs dans les provinces des Prairies permettent d'établir un juste équilibre entre les avantages et les coûts pour les expéditeurs et pour les compagnies de chemin de fer.
b. Prix de ligne concurrentiels

Dans certains cas, les expéditeurs dont les installations ne sont pas situées à l'intérieur d'une zone d'interconnexion pourraient néanmoins vouloir que leurs marchandises soient transportées à un lieu de correspondance où leur transport serait effectué par une compagnie de chemin de fer concurrente. Ces expéditeurs peuvent présenter une demande auprès de l'Office des transports du Canada en vertu de la LTC afin d'obtenir un prix de ligne concurrentiel pour le transport de leurs marchandises par la compagnie de chemin de fer au point d'origine jusqu'au lieu de correspondance, où une compagnie de chemin de fer concurrente (ci‑après « le transporteur de liaison ») prendra le relais.

Avant 2008, les expéditeurs devaient prouver qu'ils subiraient un préjudice commercial important pour que l'Office autorise l'établissement d'un prix de ligne concurrentiel. Cette exigence a été abolie lorsque des modifications ont été apportées à la LTC en 2008; il s'avère toutefois que l'abolition de cette exigence n'ait pas suffi à faciliter l'obtention de prix de ligne concurrentiels pour les expéditeurs.

Avant qu'un expéditeur puisse faire une demande de prix de ligne concurrentiel auprès de l'Office, il doit avoir conclu un accord avec le transporteur de liaison pour le transport à partir d'un lieu de correspondance jusqu'à la destination. En pratique, cette exigence s'est révélée être un obstacle majeur pour les expéditeurs cherchant à obtenir un prix de ligne concurrentiel, car ni le CP ni le CN n'ont encore accepté de conclure un tel accord. Selon l'Examen des services de transport ferroviaire des marchandises, la disposition n'est pas utilisée, « car les chemins de fer en concurrence ne fournissent pas de tarif ou, à tout le moins, pas de tarif concurrentiel. La non‑utilisation de cette disposition suggère que les chemins de fer pourraient ne pas livrer une concurrence féroce même aux endroits où une concurrence entre les chemins de fer existeFootnote 66 ».

La LTC devrait être modifiée de façon à ce que les expéditeurs aient le droit de demander à une compagnie de chemin de fer de conclure une entente sur un prix de ligne concurrentiel, semblable au droit de demander de conclure une entente sur le niveau de services en vertu du projet de loi C‑52. Si un expéditeur et une compagnie de chemin de fer n'arrivent pas à s'entendre sur des conditions mutuellement acceptables, un arbitrage sur l'offre finale ou un processus d'arbitrage distinct pour le règlement de ce type de différends devrait être obligatoire.

Recommandation : 

  • Que soit abolie l'exigence réglementaire découlant de la disposition sur les prix de ligne concurrentiels, à l'article 131 de la LTC, selon laquelle les expéditeurs captifs et les transporteurs de liaison doivent conclure un accord sur les prix et les services pour le transport à effectuer au‑delà du lieu de correspondance. Autrement dit, les transporteurs de liaison devraient être tenus d'accepter les marchandises prêtes à être transportées au lieu de correspondance aux termes de demandes de prix de ligne concurrentiels. En vertu de cette disposition, les expéditeurs devraient avoir la possibilité de recourir à l'arbitrage sur l'offre finale relativement aux prix et au niveau de services offerts par le transporteur de liaison.

4. Droits de circulation

En vertu de l'article 138 de la LTC, chaque compagnie de chemin de fer peut demander à l'Office des transports du Canada d'obtenir des droits de circulation, c'est‑à‑dire les droits de faire circuler et d'exploiter ses trains sur les voies d'une autre compagnie de chemin de fer lorsqu'elle n'a pas pu obtenir ces droits par la négociation commerciale. L'Office peut accorder les droits et imposer les conditions « qui lui paraissent justes ou opportunes, compte tenu de l'intérêt public ».

Historiquement, les droits de circulation visaient à éviter la construction inutile d'autres lignes de chemin de fer lorsque celles d'une compagnie ferroviaire existante pouvaient être utilisées, et à favoriser l'utilisation d'itinéraires d'acheminement efficients en réduisant le kilométrageFootnote 67. Même si, à l'origine, les droits de circulation n'avaient pas précisément pour but d'accroître la concurrence, certains intervenants ont suggéré que permettre à des compagnies de chemin de fer potentiellement concurrentes d'obtenir des droits de circulation sur des voies desservant des expéditeurs captifs pourrait introduire la concurrence dans ces marchés. Jusqu'à présent, toutefois, les compagnies de chemin de fer de classe I n'ont pas utilisé les droits d'accès pour se disputer leurs clients captifs respectifs. De plus, si la possibilité de demander des droits d'accès était offerte à « toute personne » plutôt qu'aux compagnies de chemin de fer strictement, ces droits pourraient permettre aux expéditeurs d'exploiter leurs propres wagons et locomotives. Les expéditeurs auraient ainsi un contrôle accru sur la capacité disponible et sur le moment où ils pourraient en disposer. Les droits de circulation pourraient concrètement abaisser les entraves à l'accès et stimuler la concurrence en posant une réelle menace d'entrée.

Dans la décision de l'Office la plus récente concernant les droits de circulation, la décision Ferroequus de 2002, l'Office a conclu que l'octroi de droits de circulation constitue une « mesure exceptionnelleFootnote 68 » qui ne devrait être prise que s'il est clairement démontré qu'il y a abus ou défaillance du marché. Même si de nombreuses demandes pour l'octroi de droits de circulation ont été déposées auprès de l'Office, celui‑ci n'en a pas encore octroyé.

Comme les droits de circulation peuvent avoir de grandes incidences, entre autres sur l'efficacité opérationnelle, sur les motivations à investir pour les compagnies ferroviaires hôtes et sur certains plans stratégiques, il est opportun de laisser à la discrétion de l'Office la décision d'octroyer des droits de circulation. Cependant, pour améliorer l'uniformité et la transparence, il faudrait donner des explications au sujet des facteurs que l'Office prend en compte lors de l'examen d'une demande. Le Bureau constate que le terme « intérêt public » n'est défini ni dans la LTC ni dans la législation fédérale sur les transports, de telle sorte que l'exigence de démontrer que les droits de circulation sont d'intérêt public ne constitue pas une orientation claire pour l'Office, les expéditeurs ou les compagnies de chemin de fer. La LTC devrait renfermer une description plus détaillée des éléments à prendre en compte relativement au critère de l'intérêt public, ce qui rehausserait la transparence et la cohérence pour tous les intervenants.

Par conséquent, le Bureau recommande que la LTC soit modifiée de façon à ce qu'y soit ajoutée une liste de facteurs que l'Office doit prendre en considération lorsqu'il examine si l'octroi de droits de circulation répond aux critères relatifs à l'intérêt public. Outre la décision Ferroequus, la recommandation 5.13 du Rapport du Comité d'examen de la LTC de 2001 pourrait servir de point de départ à l'établissement d'une liste appropriée de facteurs, dont les suivants :

  • le caractère suffisant des services existants;
  • l'existence d'autres modes de transport concurrentiels;
  • les répercussions pour tous les usagers et expéditeurs sur les lignes où des droits de circulation ont été demandés;
  • les incidences sur l'efficacité du réseau;
  • la situation financière et la capacité d'exploitation du requérant;
  • l'empressement du demandeur à permettre l'accès réciproque à ses lignes, s'il y a lieu;
  • les répercussions sur la solvabilité du propriétaire de l'infrastructure.

Cependant, afin d'assurer que l'octroi de droits de circulation constitue un recours efficace et accessible pour les expéditeurs qui en ont un réel besoin, le Bureau recommande que le Comité examine s'il conviendrait d'inverser le fardeau d'établissement de l'intérêt public de façon à ce que ce soit aux compagnies de chemin de fer hôtes, qui ont bien souvent un meilleur accès aux ressources et à l'information pertinente, de démontrer que l'octroi des droits de circulation demandés ne servirait pas l'intérêt public.

Le Comité devrait examiner s'il conviendrait de donner l'autorisation de présenter une demande de droits de circulation à toute personne satisfaisant au critère d'aptitude et aux qualifications prescrits, plutôt qu'aux seuls exploitants ferroviaires. Ce changement donnerait la possibilité aux exploitants de chemin de fer d'intérêt local ou aux exploitants prescrits de chemin de fer régionaux, dont certains sont aussi expéditeurs, de présenter une demande de droits de circulation. À cet égard, le Bureau estime que les coûts élevés ainsi que les ressources et l'expertise technique importantes nécessaires à la préparation d'une demande devraient suffire à décourager les utilisations mal fondées de la disposition.

Recommandations :

  • Que le critère relatif à l'intérêt public prévu à l'article 138 de la LTC soit modifié de façon à exposer une liste des facteurs que l'Office des transports du Canada devrait prendre en compte pour accepter ou refuser une demande de droits de circulation. Dans l'intervalle, l'Office pourrait diffuser un document d'information expliquant sur quels facteurs il se fonde pour accorder ou non des droits de circulation.
  • Que le fardeau de démontrer l'absence d'intérêt public incombe à la compagnie de chemin de fer à l'égard de laquelle la demande de droits de circulation a été présentée.
  • Que la LTC soit modifiée de façon à ce que toute personne satisfaisant au critère d'aptitude prescrit et aux qualifications soit autorisée à présenter une demande de droits de circulation, même si elle n'est pas une compagnie de chemin de fer au sens de la LTC.

5. Arbitrage sur l'offre finale

Certains intervenants ont affirmé que l'arbitrage sur l'offre finale constitue le seul moyen efficace de limiter les prix excessifs imposés par les compagnies de chemin de fer aux expéditeurs captifs, et qu'elle est une mesure de « dernier recours » lorsqu'un expéditeur n'arrive pas à obtenir des modalités satisfaisantes par la voie de négociations commercialesFootnote 69. Même lorsqu'un expéditeur ne recourt pas à l'arbitrage sur l'offre finale, la seule perspective qu'il puisse le faire constitue un outil de négociation important pour les expéditeurs et contribue à établir une limite aux prix proposés par les compagnies de chemin de fer.

Cependant, l'arbitrage sur l'offre finale n'est pas sans difficulté. La procédure est généralement complexe et coûteuse pour toutes les parties. Selon des estimations, les coûts d'une seule demande d'arbitrage sur l'offre finale pour un expéditeur se situent entre 500 000 $ et 1 00 000 $. De plus, la décision de l'arbitre n'est applicable que pendant un an seulement, après quoi la procédure pourrait devoir être répétée. Bon nombre d'intervenants suggèrent ainsi de porter à deux ou trois ans la durée d'applicabilité des décisions d'arbitrage sur l'offre finale. Par ailleurs, dans les cas où l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer auraient conclu un contrat confidentiel en vertu de l'article 126 de la LTC, le recours à l'arbitrage sur l'offre finale pourrait être impossible. Dans l'Examen des services de transport ferroviaire des marchandises de Transports Canada, il a été conclu que les expéditeurs recouraient à l'arbitrage principalement pour les prix, car la mise en place de conditions de service compliquait considérablement le processusFootnote 70.

Bien que le Comité devrait examiner s'il conviendrait de modifier la procédure d'arbitrage sur l'offre finale pour en accroître l'efficacité, les dispositions relatives à l'arbitrage n'en demeurent pas moins un outil de réglementation important qui renforce considérablement le pouvoir de négociation des expéditeurs à l'égard des compagnies de chemin de fer, et elles ne devraient pas être retranchées de la LTC.

Recommandations :

  • Que les dispositions relatives à l'arbitrage sur l'offre finale demeurent en vigueur.
  • Que le gouvernement envisage de porter à deux ou trois ans la durée d'applicabilité des décisions d'arbitrage sur l'offre finale pour contribuer à réduire les coûts associés aux procédures répétées d'arbitrage sur l'offre finale.

6. Dispositions relatives au niveau de services

Même si un expéditeur parvient à obtenir un prix raisonnable au moyen de négociations commerciales ou d'un autre recours réglementaire prévu dans la LTC, cet avantage est dépourvu de sens si l'expéditeur ne peut pas également obtenir un niveau de services adéquat pour le transport de ses marchandises. Si les prix demeurent un enjeu important pour les expéditeurs, la plupart des participants au marché joints par le Bureau pendant la préparation du présent mémoire ont affirmé que les niveaux de service les préoccupaient davantage ces dernières années.

Les articles 113 à 116 de la LTC autorisent les expéditeurs à demander à l'Office des transports du Canada de prendre des mesures correctives si une compagnie de chemin de fer ne fournit pas un niveau de services « convenable », ce qui comprend la fourniture d'installations pour les marchandises devant être transportées, un accès aux installations et au matériel nécessaires ainsi que la rapidité d'exécution du service.

Dans la décision Louis Dreyfus, l'Office fait précisément mention des dispositions relatives au niveau de services comme d'un recours pour les expéditeurs, soulignant ce qui suit :

L'un des objectifs visés par les dispositions est de permettre à l'Office de déterminer le niveau de services qui serait naturellement établi par les forces du marché dans un environnement concurrentiel normal. Ainsi, les dispositions visent à s'assurer que le niveau de services n'est pas établi strictement en fonction des intérêts et des préférences d'une compagnie de chemin de fer, surtout là où ces dernières peuvent exercer un monopole sur des expéditeurs captifsFootnote 71.

Si les expéditeurs estiment que les dispositions sur le niveau de services sont un élément important de la LTC, plusieurs sont d'avis que leur mise en pratique pose des difficultés. Premièrement, dans le cas de produits de base comme le grain, dont le producteur et l'expéditeur sont des entités distinctes, les producteurs qui ont un intérêt légitime quant aux modalités et au moment de l'expédition de leurs produitsFootnote 72 n'ont peut‑être pas qualité pour formuler une plainte relative au niveau de services. Deuxièmement, même pour les expéditeurs qui peuvent se prévaloir de ces dispositions, les plaintes relatives au niveau de services peuvent se révéler coûteuses en argent et en temps. Troisièmement, étant donné que les dispositions sont de nature rétroactive — c'est‑à‑dire que les expéditeurs ne peuvent s'en prévaloir qu'une fois qu'ils ont subi des manquements sur le plan du service — elles ne permettent pas aux expéditeurs de planifier et de réserver de façon proactive les capacités particulières dont ils auront besoin. Enfin, certains expéditeurs font valoir que l'usage de « convenable » pour toute définition de norme dans les dispositions relatives au niveau de services est trop flou et qu'il met trop l'accent sur les activités des compagnies de chemin de fer et trop peu sur les besoins des expéditeurs; ils suggèrent de modifier ces dispositions de façon à ce qu'elles fassent davantage ressortir les besoins des expéditeurs.

a. Ententes sur le niveau de services

En vertu de l'article 126 de la LTC, les expéditeurs peuvent négocier avec une compagnie de chemin de fer une entente confidentielle sur le niveau de services concernant les prix, les conditions et les moyens à prendre par la compagnie pour s'acquitter de ses obligations de service en application de l'article 113. Depuis qu'ont été apportées les modifications précédemment décrites dans le présent mémoire, les expéditeurs peuvent conclure des ententes sur le niveau de services par arbitrage s'ils n'y parviennent pas dans le cadre de négociations commerciales, et l'Office peut, par règlement, préciser en quoi consistent les conditions d'exploitation faisant l'objet d'une entente sur les niveaux de services conclue en arbitrageFootnote 73.

En vertu de nombreux accords actuels, les expéditeurs sont tenus responsables de leurs propres défauts de rendement, car ils doivent payer des pénalités aux compagnies de chemin de fer lorsqu'ils n'effectuent pas le chargement et la libération des wagons à temps. Lorsqu'un expéditeur a fait des prévisions raisonnables de ses besoins et que la compagnie de chemin de fer a convenu de lui fournir un certain nombre de wagons et de locomotives à des dates fixées, l'expéditeur devrait de la même façon pouvoir s'attendre à ce que des sanctions réciproques soient imposées à la compagnie de chemin de fer si elle a des défauts de rendement. De telles sanctions pourraient inciter les compagnies de chemin de fer à faire le nécessaire pour fournir la capacité demandée en temps opportun, y compris disposer d'une capacité excédentaire suffisante pour répondre aux besoins dans des circonstances défavorables raisonnablement prévisibles. En raison du pouvoir de négociation inique entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs, la plupart de ces derniers ont été incapables de conclure, dans le cadre de négociations commerciales, des accords prévoyant des sanctions réciproques en cas de défaut de rendementFootnote 74.

Les expéditeurs ont mentionné que, lorsqu'ils sont captifs, les compagnies de chemin de fer peuvent utiliser leur position dominante pour imposer des conditions défavorables dans les ententes sur le niveau de services, plus particulièrement lorsqu'il s'agit de conditions qui ne sont pas considérées comme des conditions d'exploitation soumises à l'arbitrage. Ces conditions peuvent comprendre l'absence de sanctions réciproques pour non‑exécution d'obligations liées au niveau de services de la part de la compagnie de chemin de fer, la responsabilité démesurée à l'égard des marchandises dangereuses et l'impossibilité de recourir à d'autres dispositions réglementaires comme l'interconnexion réglementée.

Recommandation :

  • Que la LTC soit modifiée pour permettre explicitement à un arbitre de prévoir des sanctions pour non‑exécution des obligations en matière de niveau de services dans le cadre d'un arbitrage portant sur une entente de niveau de services.
b. Accès à l'information dans l'industrie du transport ferroviaire

À l'heure actuelle, les modalités des contrats passés entre les compagnies de chemin de fer et les expéditeurs individuels, notamment les renseignements sur les prix, sont établies dans des contrats confidentiels. Les compagnies de chemin de fer tiennent confidentielles les informations sur l'exploitation, par exemple les informations relatives à la capacité de leurs réseaux. Il arrive que ces informations ne soient pas communiquées aux expéditeurs ou aux arbitres nommés pour régler des arbitrages sur l'offre finale ou des plaintes relatives au niveau de services.

Les personnes‑ressources sur le marché affirment que les expéditeurs pourraient plus facilement intenter une action contre une compagnie de chemin de fer qui impose des prix trop élevés ou qui fournit des niveaux de services trop faibles si l'information actuellement détenue par celle‑ci était communiquée aux expéditeurs. En revanche, d'autres personnes‑ressources sur le marché ont fait savoir au Bureau que la communication de telles données pourrait nuire à la position concurrentielle des compagnies de chemin de fer, notamment celle du CN relativement à celle du CP, et inversement.

La transparence peut contribuer à accroître l'efficacité des marchés. Les arbitres nommés pour régler des arbitrages sur l'offre finale ou des plaintes relatives au niveau de services gagneraient à avoir un meilleur accès à l'information confidentielle. Néanmoins, dans les marchés où le degré de concentration est élevé, la communication de l'information peut favoriser les comportements coordonnés. La recherche du juste équilibre entre les risques et les avantages d'une transparence accrue de l'information est un exercice complexe; par conséquent, la communication de l'information devrait se limiter aux parties qui n'ont aucun intérêt participatif dans l'industrie.

Recommandation :

  • Que les compagnies de chemin de fer soient tenues de communiquer toutes les données confidentielles pertinentes aux arbitres nommés dans la procédure d'arbitrage sur l'offre finale ou de plainte relative au niveau de services engagée par les expéditeurs à l'encontre des compagnies de chemin de fer. Les arbitres devraient préserver la confidentialité de l'information obtenue dans le cadre de la procédure.

III. Transport aérien

A. Contexte et aperçu de l'industrie canadienne du transport aérien

Des années 1930 jusqu'à la fin des années 1970, les services de transport aérien de passagers au Canada faisaient l'objet d'une réglementation stricte, le gouvernement exerçant un contrôle sur les fournisseurs de services, les itinéraires, les horaires et les tarifs. La situation a graduellement changé entre le milieu et la fin des années 1970, tout comme cela a été le cas dans d'autres pays, dont les États‑Unis. La Loi d'Air Canada de 1977 a fait d'Air Canada une société d'État et en 1988, Air Canada avait été entièrement privatisée.

Au chapitre des infrastructures, le gouvernement a cédé en 1994 les rênes de 90 aéroports visés par la Politique nationale des aéroports à des sociétés sans but lucratif dirigées localement (les administrations aéroportuaires canadiennes); en 1998, les services de navigation aérienne ont été confiés à NAV CANADA, une société privée sans but lucratifFootnote 75.

Le trafic aérien transfrontalier a connu une forte poussée après la signature de l'accord sur le transport aérien de 1995 entre le Canada et les États‑Unis, fortement axé sur la libéralisation de l'industrieFootnote 76. L'accord prévoyait qu'aucune restriction ne s'appliquerait aux droits de première, de deuxième, de troisième et de quatrième libertés pour les transporteurs des deux paysFootnote 77. L'accord ciel ouvert de 1995 entre le Canada et les États‑Unis a maintenu les restrictions aux droits de cinquième, sixième et septième libertés.

La libéralisation du transport aérien entre le Canada et les États‑Unis s'est accrue lors de l'entrée en vigueur en 2007 de l'accord ciel ouvert définitif, dont la négociation avait êté amorcée en 2005Footnote 78. L'accord a introduit la libre tarification des services de cinquième et sixième libertés, et des droits de septième liberté sans restriction pour les opérations de fret.

En 2006, le gouvernement a adopté la politique Ciel bleu, qui préconise l'adoption d'une démarche proactive de la part du Canada pour libéraliser ses accords de transport aérien avec d'autres pays « lorsqu'il est dans l'intérêt général du Canada de procéder ainsi ». La politique énonce les facteurs à prendre en considération au moment de déterminer les priorités, à savoir :

  1. les priorités et les intérêts des compagnies aériennes et des aéroports canadiens;
  2. la probabilité et l'ampleur de nouveaux services exploités par des transporteurs canadiens et étrangers (en donnant préférence à ceux qui planifient de mettre en place des services rapidement);
  3. la taille et le degré de maturité des marchés de transport aérien et leurs possibilités futures d'expansion;
  4. les demandes des gouvernements étrangers concernant les négociations;
  5. les objectifs du Canada en matière de commerce international;
  6. les questions de sécurité et de sûreté;
  7. les relations internationales du Canada;
  8. les difficultés et les différends actuels relatifs aux accords bilatéraux.

Depuis l'entrée en vigueur de la politique Ciel bleu, le nombre de partenaires bilatéraux a augmenté de 55 %Footnote 79.

En 2009, le Canada et l'Union européenne ont signé un nouvel accord bilatéral de transport aérien qui est entré en vigueur le 26 juillet 2011. Cet accord global établit le cadre dans lequel les compagnies aériennes du Canada et de l'Union européenne doivent exercer leurs activités. Il permet les services directs sans restrictions entre le Canada et l'Union européenne, sans imposer de limites au nombre de vols exploités ou aux prix proposés. Il accorde aussi plus de souplesse pour les transporteurs aériens de fretFootnote 80.

La dérèglementation signifie que la LTC porte maintenant surtout sur la délivrance de licences aux transporteurs aériens et sur le traitement adéquat des questions de sûreté et de sécurité. La LTC ne régit plus la capacité, les itinéraires et les tarifs des transporteurs aériens, sous réserve que ces derniers satisfassent aux exigences relatives aux licences et à la sûreté prévues par la Loi. Ses principales dispositions, appuyées par le Règlement sur les transports aériens, portent sur la délivrance de licences; elles exigent toujours que les exploitants d'un service aérien possèdent une licence, un document d'aviation canadien et la police d'assurance responsabilité réglementaire. Les transporteurs qui interrompent un service intérieur à un point ou qui en ramènent la fréquence à moins d'un vol hebdomadaire sont tenus de respecter les exigences en matière d'avis. La LTC prévoit aussi la façon dont sont affichés ou publiés les tarifs, dont les conditions de transport.

B. Analyse de la concurrence dans le contexte du transport aérien

1. Définition du marché

Le Bureau considère généralement que les divers modes de transport — aérien, ferroviaire et maritime — se situent dans des marchés de produits distincts, quoiqu'il puisse y avoir des exceptions dans certaines circonstances (p. ex. lorsque la distance est très courte). Les services de fret et de transport des passagers constituent des marchés distincts. Le Bureau considère habituellement que les voyages d'affaires diffèrent des voyages d'agrément et que les vols directs forment un marché distinct des vols indirects. La mesure dans laquelle le Bureau établit ces distinctions dépend toutefois des caractéristiques particulières des marchés individuels étudiés et il les établit, si nécessaire, au cas par cas.

Comme il a été mentionné précédemment, le Bureau considère que les marchés géographiques des industries du transport sont habituellement définis comme des paires origine‑destination (p. ex. Montréal‑Vancouver), car on ne considère généralement pas le service offert à une paire origine‑destination différente comme un substitut adéquatFootnote 81. Cela vaut tant pour le transport de fret que pour celui des passagers.

En ce qui concerne les services de transport des passagers, le Bureau s'est penché sur la mesure dans laquelle deux destinations rapprochées ou plus pouvaient être considérées par les voyageurs comme suffisamment interchangeables pour faire partie du même marché géographique, mais n'a pas tiré de conclusion générale à cet égard. L'évaluation de la mesure dans laquelle deux destinations rapprochées ou plus pourraient être considérées comme faisant partie du même marché géographique est faite au cas par cas, si nécessaire, et dépend des faits particuliers d'une affaire.

Les petits aéroports en périphérie et les aéroports américains sont souvent caractérisés par des structures de coûts différentes de celles des principaux aéroports canadiens. Les transporteurs aériens à bas prix tentent de tirer parti de ces différences pour attirer les voyageurs soucieux des prix. Selon les renseignements recueillis, les voyageurs disposant de plus de temps, comme les voyageurs d'agrément, seraient plus disposés à prendre la route pour avoir accès à des options moins coûteuses situées à l'extérieur de la région urbaine habituelle. Certaines données révèlent que les voyageurs de la région métropolitaine de Montréal se rendent en voiture aux aéroports de Plattsburgh (New York) et de Burlington (Vermont), que ceux de la région métropolitaine de Toronto se rendent en voiture à l'aéroport de Buffalo (New York) et que ceux de Vancouver peuvent se rendre en voiture à l'aéroport de Bellingham (Washington).

2. Concentration du marché

En 2013, le trafic de passagers dans les aéroports canadiens s'est élevé à 85,2 millions d'embarquements et de débarquements. En outre, le volume de fret manutentionné dans les aéroports canadiens s'est établi à 832 000 tonnes en 2013, la valeur du fret aérien international au Canada se chiffrant à 111,3 milliards de dollarsFootnote 82.

Le premier examen de la LTC, en 2000‑2001, a eu lieu alors que l'industrie canadienne des services aériens réguliers traversait une zone de turbulence : en 2000, Air Canada a acheté Canadian Airlines, au bord de la faillite, et à la fin de l'année, les deux compagnies aériennes étaient complètement intégrées. Il restait donc une seule compagnie aérienne nationale fournissant des services aériens réguliers, avec peu ou pas de concurrence pour un grand nombre de liaisons, particulièrement dans l'Est du Canada. En 2000, la majorité des liaisons entre des paires de villes dans les 200 principaux marchés intérieurs pouvaient être qualifiées de monopoles.

De nos jours, Air Canada demeure le plus important fournisseur canadien de services aériens réguliers intérieurs et internationaux, mais sa part dans les liaisons intérieures a diminué depuis 2001. En 2013, Air Canada a fait état de revenus de 12,4 milliards de dollars, de 35,8 millions de passagers transportés (dont par ses filiales) et d'un coefficient d'occupation moyen de 82,8 %. En ce qui concerne le service intérieur, Air Canada offre un service limité dans les collectivités du Nord, où la compagnie dessert seulement les grandes villes et compte sur des accords interlignes avec de petits transporteurs locaux pour desservir les collectivités éloignées du Nord. Les activités internationales d'Air Canada sont soutenues par sa participation dans Star Alliance, une alliance internationale proposant des accords interlignes, des accords de partage de codesFootnote 83 et des programmes pour grands voyageurs. En 2013, Air Canada a lancé rouge, destinée aux marchés caribéen et européen du voyage d'agrément.

WestJet a fait son entrée sur le marché de l'Ouest canadien en 1996 et est actuellement le deuxième transporteur canadien. En 2013, WestJet a fait état de revenus de 3,7 milliards de dollars, de 18,5 millions de passagers transportés (dont par ses filiales) et d'un coefficient d'occupation moyen de 81,7 %. WestJet dessert Whitehorse et Yellowknife et a conclu un accord interligne avec Canadian North pour desservir les petites collectivités du Nord. En 2013, WestJet a lancé son transporteur régional, Encore, et établi de nouvelles liaisons pour desservir de petits marchés régionaux en Colombie‑Britannique, en Alberta et au Manitoba. WestJet a maintenant une liste croissante de partenaires à code partagé desservant l'Amérique du Nord et du Sud, l'Europe et l'Asie, ainsi que de transporteurs avec lesquels elle a conclu des accords interlignes.

La concentration du marché demeure élevée dans la plupart des marchés intérieurs du Canada. Il se peut que cette situation résulte du trafic limité entre certains points d'origine et de destination au Canada. Près de la moitié des liaisons intérieures entre des paires de villes dans les 100 principaux marchés peuvent être qualifiées de duopoles (Air Canada et WestJet). Bien que des exploitants de vols d'affrètement comme Air Transat et Sunwing Airlines offrent quelques‑unes de ces liaisons sur une base saisonnière, la capacité limitée offerte par ces exploitants n'a vraisemblablement aucun effet important au chapitre de la concurrence. Certaines liaisons intérieures entre des paires de villes des 100 principaux marchés sont offertes soit par Air Canada, soit par WestJet, mais pas par les deux compagnies. À l'été 2014, seule Air Canada fournissait un service direct de transport de passagers pour les liaisons entre les paires de villes suivantes : Deer Lake‑Halifax, Fredericton‑Toronto, Halifax‑Sydney, Montréal‑St. John's, London‑Toronto, Victoria‑Toronto, Vancouver‑Penticton et Kootenay‑Vancouver. À l'été 2014, seule WestJet fournissait un service direct de transport de passagers pour les liaisons entre les paires de villes suivantes : Edmonton‑Kelowna, Edmonton‑Abbotsford, Edmonton‑Victoria, Hamilton‑Calgary, Halifax‑Calgary, Comox‑Calgary, London‑Calgary et Abbotsford‑Calgary.

Porter Airlines (« Porter ») a commencé ses activités en 2006 et est entrée en concurrence avec Air Canada et, dans une certaine mesure, WestJet pour des liaisons dans l'Est du pays. L'offre de service de Porter a séduit les voyageurs d'affaires, de sorte que la compagnie répond aujourd'hui efficacement aux besoins d'un créneau. Toutefois, la capacité de Porter de concurrencer vigoureusement les deux principaux transporteurs canadiens sur le marché des liaisons de longue distance est limitée à court terme par sa flotte. Cette dernière est composée d'avions à turbopropulseurs qui restreignent, pour ce qui est de la distance, les endroits que Porter peut desservir. Par conséquent, à court terme, Porter ne devrait pas exercer une influence contraignante sur les prix demandés par Air Canada et WestJet pour les longues liaisons intérieures.

First Air et Canadian North sont en exploitation principalement dans le Nord et font le lien entre cette région et les grands transporteurs du Sud du pays. Le trafic limité et les caractéristiques particulières que doivent posséder les aéronefs rendent les liaisons entre des paires de villes du Nord peu attrayantes pour bon nombre de transporteurs aériens.

De nouveaux transporteurs semblent être prêts à entrer sur certains marchés intérieurs du Canada. Ces nouveaux transporteurs ont l'intention de maintenir une structure de coûts faibles et d'attirer les consommateurs soucieux des prix avec des tarifs beaucoup plus bas que ceux d'Air Canada et de WestJetFootnote 84. La capacité des nouveaux transporteurs de concurrencer Air Canada et WestJet sur les marchés intérieurs reste à démontrer. Par le passé, de nouveaux transporteurs ont parfois évité de concurrencer directement les principaux transporteurs canadiens en ciblant des créneaux ou en utilisant des aéroports situés à l'extérieur des marchés urbains desservis traditionnellement par les grands transporteurs.

La politique Ciel bleu s'est traduite par un accroissement du nombre de liaisons internationales en facilitant la conclusion d'accords du type ciel ouvert, ce qui a été à l'avantage des consommateurs. De 2006 à 2011, les transporteurs canadiens ont accru le nombre total de vols à destination de l'étranger de 56 % et le nombre de vols directs vers des destinations étrangères, de 11 %Footnote 85. Les acteurs du marché que le Bureau a contactés ont signalé que les transporteurs aériens internationaux desservent de plus en plus les villes canadiennes, ce qui représente une source supplémentaire de concurrence pour les transporteurs canadiens sur le marché des liaisons internationales.

3. Entraves à l'accès

Vu le faible nombre de transporteurs titulaires, la concurrence sur les marchés aériens du Canada dépend essentiellement des conditions d'accès. Quant à l'importance des entraves à l'accès, elle dépend d'un certain nombre de facteurs et différera vraisemblablement d'un marché pertinent à l'autre. L'entrée sur le marché de WestJet et de Porter prouve qu'il est possible de surmonter les entraves à l'accès sur certains marchés. Cependant, une série de tentatives d'entrée infructueuses (p. ex. Canada 3000/Royal Airlines, Roots Air, Jetsgo et Zoom) montre qu'exercer des activités profitables et durables sur les marchés canadiens demeure risqué et que rien n'est garanti à cet égard.

La section suivante examine la façon dont les dispositions réglementaires et législatives existantes influent sur les conditions du marché pour créer des entraves à l'accès ou les amplifierFootnote 86.

Pour qu'un nouveau concurrent éventuel puisse assurer une exploitation viable, il faut qu'il soit en mesure d'attirer un volume de trafic à chaque extrémité d'une liaison. Les transporteurs titulaires établissent des réseaux de vols qui centralisent de grands volumes de trafic passagers dans des plaques tournantes et, par conséquent, limitent l'accès d'un concurrent éventuel au volume de trafic qu'il lui faut pour livrer concurrence efficacement. Les restrictions actuelles du Canada sur la propriété étrangère et l'interdiction des activités de cabotage pèsent sur la capacité de l'industrie aérienne de générer un plus grand volume de trafic ailleurs que dans les principaux points d'entrée internationauxFootnote 87.

L'accès au capital est de toute première importance pour les nouveaux transporteurs ou les transporteurs existants qui souhaitent accroître leurs activités ou renouveler leur flotte. Les nouveaux transporteurs doivent réunir beaucoup de capital ou, autrement, montrer qu'ils peuvent lever le capital pour obtenir les approbations réglementaires requises de l'Office des transports du Canada et de Transports Canada. Les transporteurs qui envisagent d'élargir leur réseau et d'entrer sur le marché des liaisons internationales ont souvent intérêt à conclure des alliances avec des partenaires étrangers pour attirer les voyageursFootnote 88. Les membres d'alliances internationales doivent pouvoir compter sur un système mondial de distribution des réservations. Ces systèmes coûtent plus cher que les petits systèmes, parfois trop cher pour les petites compagnies aériennes. Les questions entourant l'accès au capital sont complexifiées en raison des restrictions actuelles sur la propriété étrangère imposées par le Canada.

Une entrée réussie est subordonnée à l'accès aux installations aéroportuaires essentielles comme les portes d'embarquement, les créneaux de décollage et d'atterrissage et les comptoirs ainsi qu'aux services d'escale aux points d'origine et de destinationFootnote 89. La mainmise sur l'accès à des ressources aéroportuaires limitées pourrait représenter un avantage pour les transporteurs titulaires et avoir un effet dissuasif pour l'entrée sur un marché. En outre, les transporteurs aériens titulaires pourraient exercer une influence sur les autorités aéroportuaires et adopter un comportement stratégique pour limiter les politiques des aéroports qui faciliteraient l'entrée sur le marché. Ce comportement stratégique des transporteurs titulaires pourrait se manifester de diverses façons, comme la conclusion d'ententes de restrictions des créneaux et de location des portes d'embarquement qui limitent l'accès par d'autres transporteurs, même à des portes d'embarquement inutilisées. L'influence indue exercée par les transporteurs titulaires sur l'utilisation des infrastructures et les plans d'expansion peut aussi avoir un effet dissuasif pour l'entrée sur un marché.

4. Activités coordonnées

Il existe certaines conditions propices à la coordination des activités sur les marchés canadiens du transport aérien, dont les niveaux élevés de concentration pour un certain nombre de liaisons et d'importantes entraves à l'accès. De plus, l'information sur les tarifs demandés et les liaisons assurées par les concurrents est facilement accessible.

Comme il a été mentionné précédemment, les principaux transporteurs canadiens interagissent dans le cas de nombreuses liaisons entre des paires de villes, ce qui offre de nombreuses possibilités de représailles en cas d'écart par rapport au comportement coordonné. L'arrivée de l'un des deux principaux transporteurs canadiens sur un marché de liaisons exploitées en monopole par le transporteur concurrent a eu lieu uniquement quelques fois ces dernières années. Une telle situation pourrait donner à penser qu'il y a une coordination tacite, mais il se peut qu'elle témoigne simplement d'un volume de trafic limité sur ces liaisons et de la maturité de ces marchés.

Les obstacles au comportement coordonné, dont la différenciation des produits et l'asymétrie des coûts, sont présents sur les marchés canadiens du transport aérien et nuisent à la capacité des transporteurs d'établir des conditions de coordination rentables. Les transporteurs aériens canadiens essaient d'attirer les consommateurs en proposant des produits différenciés, tant pour les classes de cabines distinctes, les fréquences de vols, la connectivité et les repas que pour les politiques sur les bagages, les programmes pour grands voyageurs et l'accès aux salons privés des aéroports. Les structures de coûts des transporteurs canadiens diffèrent en raison, entre autres choses, des différences dans les flottes et les conventions collectives.

Du point de vue du Bureau, la principale mesure que peut prendre le gouvernement pour favoriser la concurrence sur les marchés canadiens du transport aérien est de minimiser les obstacles relevant de sa compétence, qu'il s'agisse de mesures législatives ou réglementaires ou de politiques. La prochaine section explore diverses façons dont les règlements pourraient être modifiés pour lever certaines des entraves à l'accès mentionnées précédemment.

C. Recommandations

1. Libéralisation du transport aérien

Dans la Loi d'exécution du budget de 2009Footnote 90, le Parlement a modifié la LTC afin que le gouverneur en conseil puisse prendre un règlement pour permettre jusqu'à 49 % de propriété étrangère. Toutefois, plus de cinq ans plus tard, ces modifications ne sont toujours pas entrées en vigueur. Ces modifications veilleraient à ce que certains droits prévus dans l'Accord global de transport aérien entre le Canada et l'Union européenne de 2009, sous réserve de l'existence de niveaux plus élevés de propriété étrangère, entrent en vigueur et puissent être exercés par les transporteurs canadiens. Comme il est mentionné plus haut, des niveaux plus élevés de propriété étrangère donneraient un plus grand accès des transporteurs canadiens aux marchés financiers internationaux, ce qui pourrait par ailleurs réduire l'entrave à l'accès qui découle de l'accès limité au capital.

Comme il l'a fait auparavant lorsqu'il a présenté des observations au Comité d'examen de la LTC de 2000‑2001 et au Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence de 2008, le Bureau continue d'exprimer son appui à la réduction ou à l'élimination des restrictions sur la propriété étrangère imposées aux transporteurs aériens canadiens.

Il existe dans le monde des pays où les restrictions sur la participation étrangère sont moins importantes. En Union européenne et en Australie, par exemple, les restrictions sur la propriété étrangère s'élèvent à 49 %. Bien que les États‑Unis maintiennent une limite de 25 %, l'accès à des niveaux importants de capital est plus élevé dans ce pays, en fonction de la taille de son économie.

Par ailleurs, le Canada devrait permettre à des transporteurs entièrement sous contrôle étranger d'assurer des liaisons intérieures. Selon ce modèle, un type particulier de « transporteur assurant seulement des liaisons canadiennes » aurait un permis pour n'assurer que des liaisons intérieures et pourrait être entièrement sous contrôle étranger. Un transporteur assurant seulement des liaisons canadiennes aurait recours à des équipages canadiens, serait tenu de respecter toutes les lois et tous les règlements du Canada et serait assujetti aux mêmes conditions de concurrence et coûts des intrants que tout autre transporteur canadien actif au Canada. En vertu d'une telle politique, les transporteurs étrangers pourraient tirer profit de leurs connaissances et de leur savoir‑faire pour exercer de nouvelles activités au Canada. Cela s'est fait en Australie et en Nouvelle‑Zélande, où des étrangers ont pu acquérir jusqu'à 100 % d'une compagnie aérienne nationale.

Le Bureau appuie le cabotage. Permettre aux transporteurs aériens étrangers de fournir des services entre divers points du Canada pourrait stimuler la concurrence au chapitre des liaisons intérieures. Les compagnies aériennes des pays membres de l'Union européenne sont autorisées à offrir des vols sur toutes les liaisons en Union européenne, dont les liaisons nationales d'un autre pays membre, sans restrictions sur les prix. L'Australie et la Nouvelle‑Zélande, tout comme les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), sont des groupes qui tirent parti d'un seul marché intégré dans leurs régions respectives.

La libéralisation du transport aérien a été avantageuse pour les pays qui ont modifié leurs lois en ce sens. L'arrivée de transporteurs à bas prix, l'augmentation du nombre de liaisons exploitées ainsi que la plus grande connectivité des réseaux figurent parmi les avantages signalés par les pays où une politique de libéralisation est en vigueurFootnote 91.

Tant les nouveaux arrivants que les entreprises établies bénéficieraient d'un meilleur accès au capital étranger grâce à l’assouplissement des règles régissant la propriété étrangère. Les voyageurs trouveraient leur compte dans la libéralisation des politiques sur le transport aérien, car l'ouverture de l'espace aérien du Canada aux transporteurs étrangers créerait une menace crédible d'entrée sur le marché et pourrait générer un volume de trafic plus important ailleurs que dans les principaux points d'entrée internationaux, ce qui se traduirait ensuite par une baisse des tarifs ou un accroissement du service, ou les deux.

Recommandations :

  • Que le gouvernement mette en vigueur les dispositions de la LTC prévoyant la prise de règlements permettant à des entités étrangères de posséder jusqu'à 49 % des actions avec droit de vote d'un transporteur canadien et qu'il élimine graduellement toutes les restrictions sur la propriété étrangère à l'égard des partenaires commerciaux du Canada, dans un cadre bilatéral ou multilatéral.
  • Que le gouvernement crée une nouvelle catégorie de licenciés au titre de la LTC pour permettre à des transporteurs qui transportent des passagers et du fret seulement au Canada d'être entièrement sous contrôle étranger.
  • Que le gouvernement cherche à négocier des droits de cabotage sur la base de la réciprocité.
  • Que le gouvernement continue à libéraliser les accords de transport aérien du Canada et à exclure de ces accords la coordination entre les transporteurs au chapitre des tarifs et de la capacité.

2. Accès aux aéroports

Il est crucial que la gouvernance aéroportuaire continue d'insister sur l'accès comme un moyen de maintenir et d'encourager la concurrence. En ce qui concerne la gouvernance aéroportuaire, la répartition équitable et non discriminatoire des frais aéroportuaires — en particulier les redevances d'atterrissage et d'aérogare — entre les divers transporteurs ainsi que l'accès de tous les transporteurs aux créneaux, aux portes d'embarquement, aux comptoirs et aux autres services nécessaires, conformément aux normes internationales les plus élevées, sont essentiels pour assurer des règles du jeu équitables pour les concurrentsFootnote 92.

Les redevances et les taxes imposées par les gouvernements fédéral et provinciaux et les administrations municipales, en plus de celles imposées par les autorités aéroportuaires, devraient être évaluées en tenant compte de la proximité du Canada par rapport aux États‑Unis. Les loyers des aéroports et les droits pour la sécurité sont des exemples de frais imposés par le gouvernement fédéral; la taxe d'accise sur le carburant est un exemple de frais imposés par les gouvernements provinciaux; et les frais d'améliorations aéroportuaires sont un exemple de frais aéroportuaires. Il se peut que les frais élevés rendent les aéroports canadiens rebutants et incitent les exploitants potentiels à desservir des marchés près de la frontière, depuis des aéroports situés aux États‑Unis plutôt qu'au Canada. On ignore si l'arrivée de ces exploitants suffit, tant par son envergure que par sa portée, à concurrencer efficacement les transporteurs titulaires, surtout sur le marché des vols d'affaires, sensibles au facteur temps. Ainsi, l'arrivée d'exploitants offrant des liaisons depuis des « aéroports frontaliers » ne permet peut‑être pas aux forces de la concurrence de jouer pleinement, même lorsque l'entrée sur le marché semble faite. La tarification et la taxation actuelles au Canada contribuent en partie aux tarifs aériens supérieurs demandés pour les liaisons en provenance ou à destination des aéroports canadiens.

En plus de prendre en compte la répartition des frais entre les divers transporteurs et l'importance des redevances et des taxes imposées, il faudrait porter une attention particulière à la méthode utilisée pour percevoir les redevances et les taxes. Dans les marchés caractérisés par une concurrence imparfaite, les consommateurs doivent assumer une part plus importante du fardeau lié aux taxes de consommation par unité de produit que du fardeau lié aux taxes de consommation ad valoremFootnote 93. Dans ces circonstances, les taxes ad valorem sont plus avantageuses pour les consommateurs que les taxes par unité de produit, car elles réduisent les distorsions découlant de la concurrence imparfaite.

Recommandation :

  • Que le gouvernement, au moment d'examiner les questions de gouvernance aéroportuaire, souligne l'importance de répartir de manière équitable et non discriminatoire les frais aéroportuaires entre les transporteurs et d'accorder aux transporteurs un accès aux créneaux, aux comptoirs et aux autres services qui soit conforme aux normes internationales les plus élevées.

IV. Transport maritime

Outre la LTC, d'autres lois pertinentes en matière de transport influent sur la concurrence dans les différentes industries des transports au Canada. La présente section expose des recommandations sur la façon dont la Loi dérogatoire sur les conférences maritimes, la Loi sur le cabotage et la Loi sur le pilotage pourraient être modifiées en vue d'accroître la concurrence dans l'industrie canadienne du transport maritime.

A. La Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes

Les conférences maritimes sont des associations de sociétés de transport maritime qui adoptent des politiques communes. Certaines dispositions de la Loi sur la concurrence ne s'appliquent pas à des activités particulières des conférences maritimes, notamment l'usage de tarifs communs, le recours aux contrats de clientèle, l'établissement des modalités des contrats de service, la répartition des ports, l'édiction de règles régissant l'horaire des navires et des services, la mise en commun des ressources et l'édiction de règles régissant les adhésions à une conférence.

La raison d'être de la Loi dérogatoire de 1987 sur les conférences maritimes est dépassée. Les tarifs résultant de décisions fondées sur le marché se traduisent par une répartition des ressources plus efficiente que les tarifs établis sur une base commune de collaboration. Le privilège spécialement conféré au transport maritime international ne s'applique pas aux autres secteurs de l'économie. Par exemple, la tarification collective a été abolie en 1987 dans l'industrie du transport ferroviaire. L'essor de la mondialisation des échanges renforce la nécessité d'accroître les forces concurrentielles dans l'industrie de l'expédition, y compris dans le transport maritime. À titre de comparaison, en 2006, l'Union européenne a abrogé l'exemption par catégorie du droit européen de la concurrence accordée aux conférences maritimes de ligne. L'abrogation a finalement pris effet en octobre 2008, après une période de transition de deux ans.

Recommandation :

  • Que le gouvernement mette fin à l'exemption du droit de la concurrence accordée aux conférences maritimes.

B. La Loi sur le cabotage

La Loi sur le cabotage régit l'utilisation de navires immatriculés à l'étranger dans les services maritimes intérieurs canadiens. En vertu de la Loi sur le cabotage, le cabotage maritime au Canada est pour ainsi dire limité aux navires immatriculés au Canada, à moins qu'aucun navire immatriculé au Canada ne soit à la fois adapté et disponible pour assurer le service requis. Dans de telles circonstances, un permis de cabotage peut être délivré pour permettre à un expéditeur d'importer temporairement un navire au Canada et d'obtenir des permis de travail temporaires pour l'équipage du navire.

La réglementation sur le cabotage maritime a été assouplie en Australie, en Nouvelle‑Zélande et dans l'Union européenne. L'assouplissement de la réglementation sur le cabotage a conduit à une baisse des tarifs de fret en Australie et en Nouvelle‑Zélande et, de manière plus générale, à une utilisation plus efficace et efficiente de l'équipement de transport maritime dans les pays ayant libéralisé le secteur du transport maritimeFootnote 94. Les États‑Unis, toutefois, maintiennent un régime de cabotage hautement protectionniste. Comme dans le cas de l'industrie du transport aérien, le Bureau ne voit aucune raison économique impérieuse de restreindre la concurrence dans les services maritimes intérieurs canadiens. L'assouplissement de la réglementation sur le cabotage donnerait plus de choix aux expéditeurs et des possibilités accrues aux exploitants de navires battant pavillon canadien, pourvu que les droits de cabotage soient négociés sur la base de la réciprocité. L'industrie du transport maritime bénéficierait d'une exposition accrue à la concurrence internationale.

Recommandation :

  • Que le gouvernement négocie les droits de cabotage maritime sur la base de la réciprocité; entre‑temps, le gouvernement devrait travailler à simplifier le processus d'obtention du permis de cabotage pour l'importation de navires immatriculés à l'étranger.

C. La Loi sur le pilotage

Le pilotage maritime est régi par la Loi sur le pilotage de 1972, qui établit quatre administrations de pilotage. Chacune de ces administrations est dotée d'un monopole d'origine législatif en ce qui concerne l'accréditation des pilotes et la prestation de services de pilotage.

Les préoccupations du Bureau, exprimées au départ devant le Comité d'examen de la LTC de 2000‑2001, concernent : a) les tarifs non concurrentiels attribuables au pouvoir restreint de l'Office des transports du Canada d'intervenir à l'égard de la structure tarifaire existante; b) la possibilité d'interfinancement des ports ou des régions relevant d'une administration; et c) l'absence de concurrence dans la prestation des services de pilotage.

La prestation de services de pilotage au Canada ne présente aucune des caractéristiques habituelles, comme les économies d'échelle, le monopole naturel, les marchés incomplets, etc., qui justifient la prestation des services par l'entremise d'un monopole réglementé. La production de biens et de services est mieux assurée dans un régime concurrentiel. L'élimination du monopole d'origine législative de la prestation de services de pilotage conféré aux administrations de pilotage corrigerait le caractère inadéquat de la structure tarifaire, éliminerait la possibilité d'interfinancement et permettrait la réalisation d'économies.

Recommandation :

  • Que le gouvernement abolisse le monopole d'origine législative de la prestation de services de pilotage conféré aux administrations de pilotage.

V. Conclusion

De l'avis du commissaire, la concurrence dans un système de libre marché permet d'offrir aux consommateurs — qu'il s'agisse de passagers ou d'expéditeurs — des coûts inférieurs, des services de qualité supérieure et une innovation accrue. Comme les Canadiens utilisent de plus en plus les services de transport, faire en sorte que le cadre de réglementation régissant ces services favorise la concurrence revêt une importance névralgique.

La réglementation devrait être mise en œuvre seulement là où elle est nécessaire pour corriger des défaillances du marché ou atteindre d'autres objectifs stratégiques, notamment la sécurité, l'accessibilité et la protection de l'environnement. Lorsqu'il convient de restreindre la concurrence pour atteindre ces buts, le commissaire préconise de mettre en œuvre les mesures réglementaires de façon à entraver le moins possible la concurrence.

Le commissaire formule les recommandations exposées dans le présent document dans le but d'aider le Comité à envisager de possibles modifications à apporter à la LTC et à d'autres lois qui pourraient favoriser le caractère concurrentiel et sain des marchés des transports. Le commissaire pourra présenter des observations additionnelles sur des propositions particulières formulées dans le cadre des consultations menées par le Comité. Il offrira également avec plaisir toute aide supplémentaire que peut souhaiter le Comité.

Annexe 1 : Principales dispositions de la Loi sur la concurrence

Fusionnements

L'article 92 de la Loi sur la concurrence habilite le Tribunal de la concurrence (le « Tribunal ») à rendre, à la demande du commissaire, une ordonnance correctrice lorsqu'un fusionnement réalisé ou proposé empêche ou diminue sensiblement la concurrence, ou aura vraisemblablement cet effet. Le Tribunal ne tire pas une telle conclusion en se fondant uniquement sur la concentration ou sur la part de marché; il peut aussi tenir compte de divers facteurs énoncés à l'article 93 de la Loi sur la concurrence, y compris les produits pouvant servir de substituts acceptables, les entraves à l'accès, le maintien résiduel d'une concurrence réelle et tout autre facteur pertinent pour la concurrence dans un marché. Si le Tribunal décide de rendre une ordonnance, le recours peut comprendre la dissolution du fusionnement, la cession d'éléments d'actifs ou d'actions, ou une ordonnance interdisant la réalisation du fusionnement ou d'une partie du fusionnement. L'article 105 de la Loi sur la concurrence autorise le commissaire et la ou les personnes visées à parvenir à un consentement, lequel sera enregistré auprès du Tribunal et exécuté comme s'il s'agissait d'une ordonnance.

L'article 96 de la Loi sur la concurrence prévoit un moyen de défense fondé sur l'efficience à l'égard des dispositions sur les fusionnements. Dans les cas où une fusion crée, maintient ou accentue une puissance commerciale, le paragraphe 96(1) établit un cadre d'analyse par lequel les gains en efficience susceptibles d'être réalisés par suite de la fusion sont comparés aux effets anticoncurrentiels qu'entraînera vraisemblablement celle‑ci. Les catégories de gains en efficience pertinentes dans l'analyse des compromis comprennent les gains en efficience liés à l'affectation des ressources, les gains en efficience technique et les gains en efficience dynamique. Aux fins de l'analyse comparative dans les litiges dont le Tribunal est saisi, le Bureau doit établir les effets anticoncurrentiels d'un fusionnement tandis que les parties ont le fardeau, entre autres, de prouver que les gains en efficience sont probables, qu'ils découlent du fusionnement ou du fusionnement proposé, qu'ils surpassent et neutraliseront les effets anticoncurrentiels et qu'ils ne seraient probablement pas réalisés si l'ordonnance au titre de l'article 92 était rendue.

Les transactions concernant une « entreprise de transport » devant faire l'objet d'un avis aux termes de la Loi sur la concurrence doivent aussi être notifiées à Transports Canada, aux fins d'examenFootnote 95. Le processus d'examen spécifique à l'industrie des transports prévu par la LTC fonctionne de manière parallèle aux dispositions de la Loi sur la concurrence relativement aux transactions devant faire l'objet d'un avis et susceptibles d'examen. Plus précisément, lorsqu'une transaction proposée concernant une « entreprise de transport » doit faire l'objet d'un avis aux termes de la Loi sur la concurrence, celle‑ci doit obligatoirement être notifiée au ministre des Transports afin que ce dernier détermine si la transaction proposée soulève des enjeux en lien avec l'intérêt public en matière de transport national. Si la transaction proposée est soumise à une enquête d'intérêt public sous la LTC, ce processus se substituera au processus d'examen prévu en vertu de la Loi sur la concurrence. Le ministre des Transports peut enjoindre l'Office des transports du Canada ou toute autre personne à examiner les enjeux en lien avec l'intérêt public et à déposer un rapport qui, accompagné d'un rapport du commissaire relativement aux préoccupations en matière de concurrence, informera la recommandation du ministre des Transports au cabinet quant à l'approbation de la transaction proposée.

Abus de position dominante

L'article 79 de la Loi sur la concurrence habilite le Tribunal à rendre, à la demande du commissaire, une ordonnance correctrice par rapport à un abus de position dominante dans le marché. Aux termes de la Loi sur la concurrence, il y a abus de position dominante :

  1. lorsqu'une entreprise ou un groupe d'entreprises;
  2. se livrent à des agissements anticoncurrentiels;
  3. qui ont été, sont ou seront susceptibles d'avoir pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.

Lorsque le commissaire établit chacun de ces trois éléments, le Tribunal peut rendre une ordonnance :

  1. interdisant la pratique d'agissements anticoncurrentiels;
  2. enjoignant à la ou aux personnes visées de prendre des mesures raisonnables et nécessaires dans le but d'enrayer les effets anticoncurrentiels de la pratique et, notamment, de se départir d'éléments d'actifs ou d'actions;
  3. obligeant la ou les personnes visées à payer une sanction administrative pécuniaire d'au plus 10 millions de dollars et, pour toute ordonnance subséquente, d'au plus 15 millions de dollars.

Le paragraphe 78(1) de la Loi sur la concurrence dresse une liste non exhaustive de neuf types de pratiques réputées être des « agissements anticoncurrentiels » aux fins de l'article 79, notamment la fixation d'un prix d'éviction. Comme la liste n'est pas exhaustive, d'autres pratiques, par exemple l'utilisation préférentielle (ou préemption) d'installations essentielles, pourraient être examinées aux termes de l'article 79.

Collaborations entre concurrents

L'article 90.1 de la Loi sur la concurrence habilite le Tribunal, à la demande du commissaire, à rendre une ordonnance concernant des accords ou des arrangements entre concurrents qui empêchent ou diminuent sensiblement la concurrence dans un marché, ou auront vraisemblablement cet effet. Le Tribunal peut interdire à toute personne d'accomplir tout acte au titre de l'accord ou de l'arrangement, ou enjoindre à toute personne de prendre toute autre mesure, si le commissaire et elle y consentent.

Le paragraphe 90.1(4) prévoit un moyen de défense fondé sur l'efficience, qui interdit au Tribunal de rendre une ordonnance dans les cas où il conclut que l'accord ou l'arrangement a eu pour effet, ou aura vraisemblablement pour effet, d'entraîner des gains en efficience qui surpasseront et neutraliseront les effets de l'empêchement ou de la diminution de la concurrence, et que ces gains n'auraient pas été réalisés si l'ordonnance avait été rendue ou ne le seraient vraisemblablement pas si l'ordonnance était rendue.

Complot

L'article 45 érige en infraction criminelle le fait que deux concurrents ou concurrents potentiels ou plus complotent ou concluent un accord ou un arrangement pour fixer les prix, attribuer des clients ou des marchés ou réduire la production d'un produit. Cette infraction est punissable d'une amende d'au plus 25 millions de dollars ou d'une peine d'emprisonnement d'au plus 14 ans, ou les deux.

Le Bureau reconnaît que certaines transactions commerciales souhaitables doivent s'accompagner de restrictions explicites de la concurrence pour qu'elles soient efficaces, voire possibles. En conséquence, la Loi sur la concurrence prévoit une « défense fondée sur les restrictions accessoires » pour que des alliances stratégiques ou d'autres formes de collaboration légitime entre concurrents ne soient pas traitées comme des infractions criminelles.

Pour que cette défense puisse être invoquée :

  • l'accord doit être « accessoire » à un accord ou à un arrangement plus large ou distinct qui inclut les mêmes parties;
  • l'accord doit être directement lié à l'objectif de l'accord ou de l'arrangement plus large ou distinct et être raisonnablement nécessaire à la réalisation de cet objectif;
  • l'accord ou l'arrangement plus large doit lui‑même être légal.

Lorsque la défense fondée sur les restrictions accessoires s'applique, le commissaire peut intenter un recours à l'égard de l'accord en vertu de la disposition civile de l'article 90.1 de la Loi sur la concurrence s'il juge que l'accord aura vraisemblablement pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.

Annexe 2 : Activités d'application de la loi par le Bureau de la concurrence dans le secteur des transports depuis 2001

Les enquêtes menées en vertu de la Loi sur la concurrence se tiennent en privé, et les renseignements fournis au commissaire sont confidentiels. Les enquêtes deviennent publiques généralement quand des accusations sont portées, quand une demande est faite devant le Tribunal ou quand une autre action publique est déclenchée. Depuis 2001, le Bureau a procédé à des enquêtes publiques dans les affaires en matière de transport suivantes.

Transport ferroviaire

Enquête civile sur la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

En 2014, le commissaire de la concurrence a annoncé qu'il avait mis fin à son enquête qui visait à savoir si le CN s'était livré à un comportement qui contrevenait aux dispositions civiles de la Loi sur la concurrence et à savoir si ce comportement présumé avait eu pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans certains marchés liés au transport du bois d'œuvre. Durant son enquête, le Bureau a examiné si le CN jouissait d'une puissance commerciale sur le marché du transport du bois d'œuvre à partir de certaines usines de bois d'œuvre de l'Ouest canadien vers Vancouver, et si le CN avait tiré parti d'une telle position sur le marché pour accroître sa puissance commerciale sur le marché du transbordement du bois d'œuvre à Vancouver. Selon les éléments de preuve recueillis, le Bureau a estimé que certaines usines de bois d'œuvre de l'Ouest canadien dépendaient fortement du CN pour transporter leur bois jusqu'à Vancouver. Après avoir examiné tous les renseignements qui lui avaient été présentés, le Bureau a conclu que le CN n'avait pas contrevenu à la Loi sur la concurrence parce que le comportement du CN n'avait pas eu pour effet d'empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence dans le transbordement du bois d'œuvre à Vancouver.

Fusionnement du CN et de la British Columbia Railway Company

En juillet 2004, le commissaire, le CN et la British Columbia Railway Company (BC Rail) ont conclu un consentement autorisant le CN à exploiter BC Rail sous réserve de divers engagements pris dans le but de remédier à l'empêchement ou à la diminution sensible de la concurrence qui aurait pu autrement résulter vraisemblablement de la fusion. Pour que les expéditeurs de BC Rail continuent d'avoir accès, après la fusion, aux chemins de fer concurrents qui échangent du trafic avec le CN à Vancouver pour les expéditions à divers endroits en Amérique du Nord, le CN a accepté de respecter trois engagements à l'égard des prix et des services :

  1. publier des tarifs de porte ouverte au départ et à destination de divers endroits sur le réseau de BC Rail à destination ou au départ de Vancouver, ajustés tous les ans en fonction du Rail Cost Adjustment Factor (facteur d'ajustement des coûts ferroviaires) — ajusté en fonction des gains de productivité, publié par l'Association of American Railroads;
  2. améliorer les temps de transit sur le trafic échangé avec la BNSF, le CP et l'Union Pacific Corporation à Vancouver de manière à ce qu'ils soient inférieurs aux temps de transit moyens de BC Rail en 2003;
  3. attribuer et fournir des wagons en n'exerçant pas de discrimination à l'endroit des expéditeurs qui utilisent des transporteurs de liaison concurrents à Vancouver au lieu du CN.

Pour éviter que la fusion ne lui permette d'augmenter considérablement ses tarifs ou de réduire ses niveaux de services pour le marché du grain dans la région de Peace River, le CN s'est aussi engagé à respecter les mesures additionnelles suivantes :

  • pratiquer les tarifs publiés pour le mouvement du grain d'exportation par wagon unique de la région de Peace River jusqu'à Vancouver et Prince Rupert;
  • assurer le transport interréseaux du grain exporté aux États‑Unis selon les engagements à l'égard des services et les tarifs de porte ouverte indiqués ci‑dessus;
  • maintenir les rabais incitatifs publiés sur les mouvements par wagons multiples dans la région de Peace River;
  • maintenir la fréquence du service de manœuvre minimale pour les expéditeurs de grain de BC Rail;
  • attribuer et fournir des wagons‑trémies couverts sans discrimination dans la région de Peace River.

Transport aérien

Air Canada — éviction

En mars 2001, le commissaire a soumis au Tribunal une demande contre Air Canada, alléguant que la société s'était livrée à des pratiques d'éviction sur plusieurs liaisons aériennes pour le transport de passagers entre certaines régions des provinces maritimes canadiennes et des villes en Ontario et au Québec.

L'affaire a été divisée en deux parties et, en juillet 2003, le Tribunal a rendu sa décision dans la première partie. Comme Air Canada s'était placée sous la protection de la loi sur la faillite en avril 2003, la demande a été retirée le 29 octobre 2004. En octobre 2004, compte tenu de la décision du Tribunal, le Bureau a publié une déclaration pour préciser son approche dans les futurs cas mettant en jeu des pratiques d'éviction dans l'industrie du transport aérien. Les principaux points sont les suivants :

  • Les examens des abus de position dominante allégués dans l'industrie du transport aérien ne seraient déclenchés que par des réactions marquées d'un transporteur dominant à la concurrence existante ou à un nouveau venu dans le marché, et non par les pratiques saisonnières ou opérationnelles habituelles d'un transporteur.
  • Le Bureau a reconnu qu'un transporteur aérien pouvait avoir des raisons commerciales légitimes d'exploiter un vol sous ses coûts évitables. À ce titre, l'exploitation d'une capacité sous les coûts évitables ne donnerait pas forcément lieu à des mesures d'application de la loi dans toutes les situations.
  • Comme principe général, le Bureau ne prendrait pas de mesure d'application de la loi lorsqu'un transporteur dominant a réagi à la concurrence en réduisant ses tarifs afin d'égaler, mais non de sous‑coter, les tarifs d'un concurrent. Ce principe témoignait d'une tolérance nuancée de l'alignement des tarifs, laquelle représentait un adoucissement de la position antérieure du Bureau sur ce point clé. Cependant, le commissaire a également dit dans sa lettre que si de telles réductions des tarifs s'accompagnaient d'une augmentation importante de la capacité ou du nombre de places disponibles au prix le plus bas, le Bureau examinerait la pertinence de prendre des mesures d'application de la loi.

Air Canada et United Continental Holdings — Fusionnement et alliance stratégique

En octobre 2010, Air Canada et United Continental Holdings ont annoncé leur intention d'établir une coentreprise qui aurait entraîné le fusionnement de leurs opérations sur des liaisons transfrontalières entre le Canada et les États‑Unis. Le Bureau a examiné la coentreprise et trois accords de coordination antérieurs. Le Bureau a conclu que la coentreprise engendrerait un monopole sur dix liaisons transfrontalières et diminuerait sensiblement la concurrence sur neuf autres liaisons. En juin 2011, le Bureau a soumis au Tribunal une demande dans laquelle il contestait le projet de coentreprise en vertu des dispositions sur les fusionnements de la Loi sur la concurrence et cherchait aussi à défaire les trois accords de coordination antérieurs sur le fondement de l'article 90.1 de la Loi sur la concurrence, lequel autorise le commissaire à contester des accords anticoncurrentiels — existants ou proposés — entre concurrents. En octobre 2012, un consentement a été conclu, aux termes duquel il était interdit aux parties de mettre en œuvre leur entente de coentreprise, ou de se coordonner conformément à leurs accords antérieurs, par rapport à 14 liaisons transfrontalières populaires.

Fret aérien

Une enquête menée par le Bureau sur la fixation du supplément pour carburant et d'autres suppléments par des fournisseurs de services internationaux de fret aérien a permis de collecter plus de 25 millions de dollars d'amendes pénales à ce jour auprès des neuf sociétés reconnues coupables — Air France, KLM, Martinair, Qantas, British Airways, Cargolux, Korean Air, Cathay Pacific et LATAM Airlines Group. Des enquêtes semblables ont également été entreprises par bon nombre des partenaires internationaux du Bureau en matière d'application de la loi.

Transport maritime

Cartel dans l'industrie du fret maritime

Une enquête sur l'industrie du fret maritime a cours depuis 2009. Le 8 août 2014, deux personnes et une entreprise ont plaidé coupablesFootnote 96 à deux chefs d'accusation chacune en vertu de la disposition de la Loi sur la concurrence portant sur les complots, pour leur participation à un cartel de fixation des prix en lien avec divers suppléments imposés, notamment pour les fluctuations des taux de change et le carburant. Les reconnaissances de culpabilité visent des suppléments imposés pour la prestation de services de groupage à l'exportation par des transporteurs ordinaires non exploitants de navires depuis le Canada vers diverses destinations à l'étranger. Une amende de 1 million de dollars a été infligée à l'entreprise. Les deux personnes ont été condamnées respectivement à deux peines concurrentes avec sursis de quatre mois assorties de 30 heures de service communautaire, et à deux peines concurrentes avec sursis de trois mois assorties de 20 heures de service communautaire.

Transport de liquides

En septembre 2008, la Cour fédérale du Canada a rendu une ordonnance d'interdiction enjoignant à Stolt‑Nielsen Transportation Group Ltd. de respecter des mesures de conformité au titre des lois canadiennes sur la concurrence et de verser un paiement de 200 000 $ pour couvrir les coûts de l'enquête réalisée par le Bureau sur les activités de complot et de truquage d'offres.

Annexe 3 : Glossaire

Accord de niveau de services
Aux termes de l'article 113 de la Loi sur les transports au Canada, une compagnie de chemin de fer et un expéditeur peuvent s'entendre, par contrat confidentiel, sur les prix, les modalités de service et les moyens que la compagnie de chemin de fer doit prendre pour s'acquitter de ses obligations. Les expéditeurs ont le droit d'avoir recours à l'arbitrage pour obtenir un accord de niveau de services s'ils ne peuvent en obtenir un par la négociation commerciale.
Arbitrage sur l'offre finale
L'arbitrage sur l'offre finale est un processus défini à la partie IV de la Lou sur les transports au Canada qui s'applique au règlement des différends en matière de prix et de conditions entre compagnies de chemin de fer et expéditeurs. Aux termes de ces dispositions, l'expéditeur insatisfait des prix ou des niveaux de services offerts par une compagnie de chemin de fer peut soumettre la question à l'Office des transports du Canada pour arbitrage. Dans les 10 jours de la signification de la demande à l'Office, l'expéditeur et la compagnie de chemin de fer présentent chacun leur dernière offre, y compris les propositions de prix. Un arbitre indépendant évalue ensuite les deux offres et doit en choisir une; il ne peut proposer de compromis. La décision de l'arbitre a force obligatoire.
Chemin de fer de classe I
Selon le rapport annuel de 2011 de Transports Canada, intitulé Les Transports au Canada 2011Rapport approfondi, les chemins de fer de classe I comprennent généralement le CN et le CP (dans le cas du transport ferroviaire de marchandises), et VIA Rail (dans le cas du transport ferroviaire de passagers). Leurs revenus d'exploitation dépassaient les 250 millions de dollars au cours des deux dernières années.
Dispositions sur le niveau de services
Les articles 113 à 116 de la Loi sur les transports au Canada, communément appelés les « dispositions sur le niveau de services », décrivent les obligations des compagnies de chemin de fer. Les dispositions sur le niveau de services permettent aux expéditeurs de demander à l'Office des transports du Canada de prendre des mesures correctives si une compagnie de chemin de fer ne fournit pas un niveau de services « convenable », notamment l'acheminement du trafic, la disponibilité d'installations et d'équipement convenables et la prestation de services sans délai. À la réception d'une plainte, l'Office peut mener une enquête et déterminer si la compagnie de chemin de fer s'acquitte de ses obligations. Dans la négative, l'Office peut se servir de ses vastes pouvoirs de redressement afin de corriger la situation.
Droits de circulation
Les droits de circulation permettent à une compagnie de chemin de fer d'exploiter ses trains sur les voies d'une autre compagnie et d'utiliser les installations de celle‑ci (p. ex. les voies d'évitement). La compagnie de chemin de fer verse une indemnité à la compagnie hôte pour l'exercice de ces droits. L'Office des transports du Canada tranche tout différend concernant l'indemnité.
Aux termes de l'article 138 de la Loi sur les transports au Canada, une compagnie de chemin de fer peut demander à l'Office des droits de circulation quand elle n'a pu obtenir de tels droits par la négociation commerciale. L'Office peut accorder les droits et imposer les conditions « qui lui paraissent justes ou opportunes, compte tenu de l'intérêt public ».
Expéditeur captif
L'expéditeur captif est une entreprise qui n'a pas accès à un mode de transport à prix rentable autre que la compagnie de chemin de fer qui dessert son emplacement (au point d'origine ou de destination). Il s'agit habituellement d'une société du secteur primaire située dans une région éloignée du Canada et qui est, par conséquent, desservie par une seule compagnie de chemin de fer. En raison de la nature de ses produits et de l'emplacement de la société, d'autres modes de transport comme le transport par camion ou par voie navigable ne constituent pas des solutions de rechange concurrentielles. Cet expéditeur n'est pas seulement captif à l'égard du mode de transport ferroviaire, mais aussi à l'égard du transporteur ferroviaire qui dessert son emplacement.
Interconnexion réglementée
L'interconnexion réglementée, exposée à l'article 127 de la Loi sur les transports au Canada, permet à un expéditeur desservi par une seule compagnie de chemin de fer au point d'origine ou de destination de transférer le trafic des lignes de cette compagnie aux lignes d'une compagnie concurrente à un prix réglementé établi par l'Office des transports du Canada, pourvu qu'il y ait un lieu de correspondance situé dans un rayon de 30 km de l'installation de l'expéditeur ou à une distance supérieure prévue par règlement. Un expéditeur situé à plus de 30 km peut demander à l'Office d'agrandir les limites de l'interconnexion de manière à inclure son installation, pourvu que celle‑ci soit située suffisamment près, selon le cas, du lieu de correspondance.
Prix de ligne concurrentiels
Dans certaines circonstances, les expéditeurs dont les installations ne sont pas situées dans les limites de l'interconnexion peuvent néanmoins vouloir faire transporter leurs marchandises jusqu'à un lieu de correspondance pour qu'elles soient transportées par une compagnie de chemin de fer concurrente. Aux termes de la Loi sur les transports au Canada, ces expéditeurs peuvent demander à l'Office des transports du Canada d'établir un prix de ligne concurrentiel pour le transport des marchandises qui sera effectué par la compagnie de chemin de fer depuis le point d'origine jusqu'au lieu de correspondance en vue de leur transfert à la compagnie concurrente (le transporteur de liaison). Les prix de ligne concurrentiels ont été conçus, en grande partie, pour être utilisés par des expéditeurs captifs situés dans des endroits éloignés, qui sont souvent à bonne distance du lieu de correspondance le plus près.
L'Office établit les prix de ligne concurrentiels selon une formule qui tient compte : 1) du prix d'interconnexion pour la portion du trajet qui est située dans les limites de l'interconnexion réglementée; et 2) d'une somme pour le reste de la distance, fondée sur le revenu moyen par tonne‑kilomètre de la compagnie de chemin de fer au point d'origine pour le transport de trafic semblable sur une distance similaire. Les prix de ligne concurrentiels diffèrent surtout de l'interconnexion réglementée en ce sens que le prix sur une portion du trajet correspond aux prix du marché.

Annexe 4 : Formule non linéaire de calcul du revenu admissible maximal (RAM)

Le Bureau propose de remplacer la formule existante par une formule non linéaire articulée selon les grandes lignes suivantes et appliquée, comme c'est le cas à l'heure actuelle, à chacune des compagnies de chemin de fer visées :

RAM=P1*Qa+P2(Qa-Qe)-P3(Qr-Qa)

Où :

P1 est le prix moyen maximal actuel, qui correspond au prix moyen avant le RAM rajusté en fonction de l'inflation.

Qa est le volume total réel des expéditions de grain transportées par la compagnie de chemin de fer en question. P1*Qa est donc la formule de calcul du RAM actuelle.

Qe est le volume total des expéditions de grain prévu pour l'expéditeur en question pour une année « normale » d'après une ligne de tendance qui représente le taux de croissance à long terme des expéditions totales de grain.

P2 est la prime reçue par la compagnie de chemin de fer pour le grain transporté à des niveaux qui dépassent la ligne de tendance, (P2=0 si Qa<Qe).

Qr est le volume total des expéditions de grain demandé par les expéditeurs pour la compagnie de chemin de fer en question, lequel peut être estimé au moyen de la production régionale par rapport à la tendance en guise de substitut pour le volume demandé s'il est nécessaire d'éviter les demandes exagérées.

P3 est la pénalité versée par la compagnie de chemin de fer pour le grain qu'elle n'a pas transporté.

Exemple : D'après le taux de croissance à long terme des expéditions de grain totales, le volume des expéditions de grain prévu pour un expéditeur donné en 2016 est Qe=100, mais la production réelle (ou la demande de l'expéditeur) en 2016 est Qr=150. À supposer que la compagnie de chemin de fer a conservé une capacité excédentaire suffisante pour transporter Qa = 130, la compagnie de chemin de fer aura une rétribution supplémentaire égale à (P2‑P1)*(130‑100) si elle maintient la capacité nécessaire afin de fournir les 30 unités de volume additionnelles, mais une pénalité égale à (P3*[150‑130]) si elle ne maintient pas la capacité nécessaire pour transporter la totalité des 150 unités de volume produites (ou demandées).

Le Bureau propose une approche fondée sur le marché, dont le but est de produire une structure incitative qui rétribuerait adéquatement les investissements faits dans la capacité excédentaire. Au besoin, l'ajustement peut être neutre par rapport au revenu dans les valeurs prévues si P2 et P3 sont établis de manière à ce que P2 (Qa‑Qe) soit égal à P3 (Qr‑Qa) à long terme. Si la quantité de capacité excédentaire selon les valeurs des paramètres initiaux est trop faible (ou trop élevée), P2 et P3 peuvent être augmentés (ou réduits) pour induire une capacité additionnelle (ou une diminution de la capacité excédentaire).

Annexe 5 : Libertés de l'air

Transports Canada utilise les définitions suivantes, acceptées dans l'ensemble de l'industrie, pour décrire les libertés de l'air.

Droit de première liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien de survoler le territoire d'un autre pays sans y atterrir.
Droit de deuxième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien de faire des escales non commerciales sur le territoire d'un autre pays, la plupart du temps pour faire le plein, faire faire des réparations d'urgence ou intervenir dans une situation d'urgence.
Droit de troisième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien du pays A de débarquer du trafic provenant du territoire de son pays dans le territoire du pays B.
Droit de quatrième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien du pays A d'embarquer du trafic dans le territoire du pays B pour l'acheminer dans le territoire de son pays.
Droit de cinquième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien du pays A d'embarquer du trafic dans le territoire du pays B pour l'acheminer vers un pays tiers, dans le cadre d'un service à destination ou en provenance de son territoire.
Droit de sixième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien du pays A d'embarquer du trafic dans le territoire du pays B pour l'acheminer vers un pays C via le pays A.
Droit de septième liberté :
Droit ou privilège d'un transporteur aérien du pays A d'acheminer du trafic entre le territoire des pays B et C, sans desservir le pays A (service autonome).

Comment communiquer avec le Bureau de la concurrence

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la Loi sur la concurrence, la Loi sur l'emballage et l'étiquetage des produits de consommation (sauf en ce qui a trait aux aliments), la Loi sur l'étiquetage des textiles, la Loi sur le poinçonnage des métaux précieux ou sur le programme d’avis écrits du Bureau ou encore pour déposer une plainte en vertu de ces lois, veuillez communiquer avec le Centre des renseignements du Bureau de la concurrence.

Adresse

Centre des renseignements
Bureau de la concurrence
50, rue Victoria
Gatineau (Québec)  K1A 0C9

Téléphone

Sans frais : 1‑800‑348‑5358
Région de la capitale nationale : 819‑997‑4282
ATS (malentendants) : 1‑866‑694‑8389

Télécopieur
819‑997‑0324