Mémoire au ministère des Finances du Canada : régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes

Le 18 mai 2018

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Introduction

  1. Le commissaire de la concurrence (le commissaire) est heureux de présenter ce mémoire en réponse au document de consultation du ministère des Finances Canada (Finances Canada) intitulé « Examen du Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes » (le document de consultation).
  2. Le Bureau de la concurrence, sous la direction du commissaire, applique et fait respecter la Loi sur la concurrence (la Loi) et veille à ce que les entreprises ainsi que les consommateurs canadiens prospèrent dans un marché concurrentiel et innovateur. Suivant l’article 125 de la Loi, le commissaire peut présenter des observations en ce qui concerne la concurrence à tout office, toute commission ou tout autre tribunal fédéral. C’est dans ce contexte qu’il soumet le présent mémoire.
  3. Le commissaire appuie l’examen exhaustif du cadre réglementaire canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (RPC/FAT) mené par Finances Canada. Un examen régulier des cadres réglementaires peut garantir que les règles suivent le rythme de l’innovation.
  4. En décembre 2017, le Bureau a terminé une importante étude de marché sur l’innovation technologique dans le secteur canadien des services financiers (étude de marché sur les technologies financières). Le présent mémoire s’appuie sur les conclusions du Rapport de l’étude de marché sur les technologies financières du Bureau. Il traite également de l’intérêt du Bureau, aux fins de l’application de la loi, à devenir destinataire des déclarations de renseignements financiers du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE).
  5. Le commissaire est heureux de contribuer à la poursuite du dialogue sur l’importante question de la concurrence et de l’innovation dans le secteur des services financiers. En plus de ce mémoire, le commissaire a récemment présenté des mémoires au ministère des Finances Canada en réponse à ses consultations suivantes : Un nouveau cadre de surveillance des paiements de détail et Mesures stratégiques possibles pour soutenir une économie forte et en croissance : préparer le secteur financier du Canada pour l’avenir.

Aperçu

  1. La concurrence est bénéfique pour les consommateurs et pour les entreprises. Les nouveaux produits et services financiers introduisent une plus grande concurrence dans le secteur. La concurrence et l’innovation accrues entraînent une baisse des prix, une meilleure qualité, un plus grand choix et plus de commodité pour les Canadiens. En ce sens, la réglementation doit être le moins interventionniste possible pour ne pas empêcher ou entraver de façon indue la concurrence du marché.
  2. Le Bureau dépose le présent ce mémoire afin de formuler des commentaires sur deux aspects généraux du régime de lutte contre le RPC/FAT. La partie I du mémoire porte sur les changements qui peuvent favoriser la concurrence et l’innovation. La partie II du mémoire traite des changements qui peuvent aider le Bureau à détecter et à décourager la fraude, la fixation des prix et le truquage des offres.

Favoriser la concurrence et l’innovation

  1. Le régime de lutte contre le RPC/FAT est un élément important de la politique de réglementation et de la législation du secteur financier au Canada. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et ses règlements d’application contribuent à la sécurité des Canadiens et à la protection et à l’intégrité du système financier du Canada, par la détection, la prévention et la dissuasion du recyclage des produits de la criminalité et du financement des activités terroristes.
  2. Bien que le régime de lutte contre le RPC/FAT soit incontestablement essentiel pour protéger les entreprises ainsi que les consommateurs et atténuer les risques pour le système financier, il est important de veiller à ce qu’il ne décourage pas l’innovation et les avantages concurrentiels qui en découlent. L’étude de marché sur les technologies financières menée récemment par le Bureau a révélé que certains aspects du régime de lutte contre le RPC/FAT peuvent constituer un obstacle à l’entrée et à la croissance des entreprises qui utilisent les technologies financières pour innover et modifier la façon dont les Canadiens peuvent accéder aux produits et aux services financiers et les consommer. Par exemple, les règles au sujet de la « connaissance du client » énoncées dans le régime actuel de lutte contre le RPC/FAT peuvent avoir des répercussions sur la vérification de l’identité des clients et l’accès aux services bancaires. Des directives supplémentaires jumelées à des « innovations » réglementaires, comme des exemptions ou des abstentions administratives, pourraient favoriser une gestion plus efficace des risques et faciliter l’entrée de nouveaux acteurs.
  3. Dans l’ensemble, la mise à jour de la réglementation pour tenir compte de la nouvelle dynamique du marché peut contribuer à mieux protéger les consommateurs lorsqu’ils utilisent des produits ou des services financiers nouveaux ou novateurs. Le Bureau voit d’un bon œil les mesures stratégiques possibles dont il est question dans l’examen actuel du régime canadien de lutte contre le RPC/FAT du ministère des Finances Canada et croit que plusieurs des mesures et des changements proposés peuvent mener à une plus grande innovation et à une concurrence accrue.

Partie I — Moderniser le cadre et sa supervision

Améliorer et renforcer les méthodes d’identification

  1. Le rapport de l’étude de marché sur les technologies financières du Bureau recommande que les participants et les organismes de réglementation de l’industrie explorent le potentiel de la vérification d’identité numérique. Cela ferait baisser les coûts d’acquisition de clients pour les fournisseurs de services, ce qui réduirait en définitive les coûts de changement pour les consommateurs et faciliterait le respect des règlements là où la vérification d’identité est nécessaire. En ouvrant la voie à un recours accru à la vérification d’identité numérique, le gouvernement favoriserait la réalisation de son objectif de politique publique de mettre en place un système financier national sûr, sain et efficace.
  2. Le Bureau accueille favorablement l’appel du ministère des Finances Canada en faveur de l’adoption d’exigences plus axées sur des principes et de mesures d’identification souples qui permettraient aux entités déclarantes d’adopter une approche fondée sur le risque à l’égard des nouvelles technologies, afin de faciliter et d’améliorer l’efficacité de la diligence raisonnable à l’égard de la clientèle dans le cadre du régime de lutte contre le RPC/FAT.

Accès aux services bancaires pour les nouveaux entrants et atténuation des risques

  1. Dans son document de consultation, Finances Canada cherche à obtenir des conseils sur la question de l’atténuation des risques. La position du Bureau est que l’accès aux services bancaires pour les nouveaux acteurs de la technologie financière est essentiel à la concurrence.
  2. Dans son étude de marché sur les technologies financières, le Bureau s’est penché sur la pratique récente d’atténuation des risques par laquelle les institutions financières cessent ou refusent de fournir des services bancaires à des clients qui prennent part à l’offre de services de paiement ou de transfert d’argent, afin de minimiser le risque de non-conformité de l’institution à la LRPCFAT. Au cours de l’étude en question, plusieurs entreprises de technologies financières inscrites auprès de CANAFE à titre d’entreprises de services monétaires (ESM) — en particulier celles qui fournissent des services liés aux paiements — ont éprouvé des difficultés à ouvrir et à conserver des comptes auprès d’institutions financières.
  3. Comme il est indiqué dans le document de consultation, l’atténuation des risques est liée à la perception selon laquelle les ESM présentent intrinsèquement un risque élevé et, dans certains cas, que les institutions financières doivent « connaître le client de leur client ». Les ESM doivent avoir un compte dans une institution financière canadienne pour exercer leurs activités. De nombreuses ESM offrent des services, comme les transferts de fonds électroniques et les transferts de fonds internationaux, qui peuvent concurrencer les produits offerts par une institution financière. En raison de cette dynamique unique, les institutions financières peuvent empêcher l’entrée en scène de nouveaux concurrents. Le Bureau est d’accord avec Finances Canada pour dire que les pratiques d’atténuation des risques reflètent la perception voulant que les ESM présentent intrinsèquement un risque élevé. Elle reconnaît également que les institutions financières pourraient décider de fermer des comptes pour des raisons non liées au risque, comme l’exclusion d’un concurrent existant ou potentiel.
  4. Au cours de son étude de marché sur les technologies financières, le Bureau a appris que les institutions financières ont, dans certaines circonstances, fermé des comptes bancaires d’ESM ou refusé des services aux ESM en donnant peu d’explications ou en ne donnant pas d’explications. Le manque de transparence entourant les motifs de refus et la disponibilité des recours fait qu’il est difficile pour les nouveaux arrivants de savoir à quoi ils doivent remédier pour obtenir des services. Le Bureau a également entendu les participants de l’industrie dire que les pratiques d’atténuation des risques découlent du souci des institutions financières de respecter leurs propres obligations en matière de RPC/FAT, malgré le fait que les ESM, une fois désignées comme telles, doivent elles-mêmes respecter les obligations en matière de RPC/FAT, y compris la gestion de tout risque de RPC/FAT découlant de leurs propres clients.
  5. Les pratiques d’atténuation des risques peuvent avoir une incidence négative sur le niveau de service et le modèle d’affaires des ESM. Par exemple, une entreprise de transferts de fonds n’ayant pas accès aux services bancaires de base n’a pas la capacité de transférer de la valeur depuis et vers l’infrastructure de paiements existante, ce qui peut donc avoir un impact de taille sur son modèle d’affaires. L’incertitude et le refus éventuel de l’offre de services bancaires augmentent les coûts irrécupérables pour les nouvelles entreprises légitimes et peuvent les conduire à abandonner l’idée d’accéder au marché. L’atténuation des risques peut également limiter la mesure dans laquelle les ESM peuvent exercer une pression concurrentielle sur les institutions financières existantes. Il pourrait en résulter des prix plus élevés ainsi qu’une réduction de l’innovation, de la qualité et du choix pour les Canadiens.
  6. Le Bureau accueille favorablement l’adoption de droits et responsabilités plus clairs pour les ESM et les institutions financières, et il se réjouit que le document de consultation s’aligne sur l’évaluation qu’a faite le Bureau des défis liés aux pratiques d’atténuation des risques. Comme le souligne le rapport de l’étude de marché sur les technologies financières, le Bureau recommande que les institutions financières soient tenues de justifier leurs décisions, preuves à l’appui, lorsqu’elles cessent ou refusent de fournir des services de comptes à des entreprises comme les ESM, et qu’il y ait une voie de recours appropriée en cas de résiliation ou de refus injustifié.
  7. Le Bureau applaudit les déclarations du ministère des Finances Canada dans son document de consultation et réitère son attente selon laquelle, en vertu de la LRPCFAT, les entités déclarantes devraient gérer l’exposition au risque créé par leurs clients, au moyen d’une approche fondée sur le risque, au cas par cas.
  8. Le Bureau se réjouit également de l’orientation continue fournie à l’industrie au sujet de la position du ministère des Finances Canada et de CANAFE concernant la question de l’atténuation des risques, ainsi que les rôles, responsabilités et obligations des institutions financières à l’égard des ESM. De telles directives peuvent aider à accroître la confiance que s’accordent les participants de l’industrie entre eux.

Exemption discrétionnaire et abstention administrative

  1. Le document de consultation propose des projets pilotes de réglementation pour permettre aux entreprises en démarrage de fonctionner dans un environnement supervisé sans avoir à se conformer nécessairement à toutes les exigences réglementaires qui pourraient autrement s’appliquer. Comme il est mentionné dans le rapport de l’étude de marché sur les technologies financières, le Bureau est d’avis que l’élaboration de projets pilotes de réglementation, ou « bacs à sable », est une étape importante pour rendre le cadre de RPC/FAT plus souple, plus axé sur les risques et favorable à l’innovation.
  2. Les bacs à sable réglementaires, comme le Bac à sable réglementaire des Autorités canadiennes en valeurs mobilières ou le Bac à sable réglementaire (en anglais seulement) lancé par la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni, ont le potentiel de réduire les barrières à l’entrée, d’encourager l’innovation et d’accroître la concurrence. Ils permettent aux entreprises d’expérimenter et de mettre à l’essai des services et de se familiariser avec les normes réglementaires dès les premières étapes du développement. Ils réduisent simultanément l’incertitude réglementaire pour les nouveaux entrants offrant des solutions potentiellement innovantes et améliorent la compréhension du marché et des risques associés par les autorités de réglementation. Il en résulte des politiques et des décisions qui facilitent davantage le développement et l’évolution de nouveaux modèles d’affaires ou de nouvelles technologies.

Processus de consultation pour l’élaboration de directives

  1. Fournir des directives à l’industrie est un élément important d’une réglementation efficace fondée sur des principes. Au cours de l’étude de marché sur les technologies financières du Bureau, les participants de l’industrie ont réitéré l’importance d’une orientation opportune et efficace qui cerne les secteurs préoccupants pour les organismes de réglementation et les résolutions potentielles. Par exemple, la question de savoir si les nouvelles méthodes ou technologies de vérification de l’identité des clients sont acceptables, ou si les nouveaux modèles d’affaires, comme le prêt entre pairs ou les plateformes de financement participatif, sont considérés comme des ESM, sont tous deux des exemples de directives importantes pour les parties prenantes de l’industrie. Une orientation opportune et efficace encourage les innovateurs à explorer de nouvelles idées d’affaires, à minimiser les coûts de conformité et à adopter des stratégies d’atténuation des risques, au besoin, ce qui procure en retour les avantages de la pression concurrentielle sur le statu quo.
  2. Une consultation diversifiée auprès des parties prenantes est essentielle pour établir des règles (et des directives) qui sont équitables pour tous. La consultation de toutes les parties prenantes de l’industrie — grandes et petites (y compris les consommateurs) — permet de s’assurer qu’aucune orientation ne favorise un groupe par rapport à d’autres. Le Bureau accueille favorablement les mesures qui facilitent une consultation et un dialogue plus vastes et diversifiés, notamment en appuyant les forums et les consultations qui réunissent les organismes de réglementation, les organismes du portefeuille, les décideurs, les participants de l’industrie et les consommateurs du Canada.

PARTIE II – Détection et dissuasion de la fraude et des cartels : raisons pour lesquelles le Bureau de la concurrence devrait être un destinataire des communications de CANAFE

Contexte

  1. La LRPCFAT veille à ce que les renseignements personnels sous son contrôle soient protégés contre toute divulgation non autorisée et que les renseignements ne puissent être communiqués aux destinataires énoncés dans la LRPCFAT que si CANAFE détermine qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient pertinents aux fins d’une enquête ou de poursuites relatives à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d’activités terroristes.
  2. Comme l’énonce le paragraphe 55(3) de la LRPCFAT, les destinataires des communications comprennent les « forces policières compétentes » et, dans des circonstances particulières, des renseignements désignés peuvent également être communiqués à l’Agence du revenu du Canada, à l’Agence des services frontaliers du Canada, au Centre de la sécurité des télécommunications Canada, aux organismes étrangers dont le mandat est semblable à celui de CANAFE, au Service canadien du renseignement de sécurité et à un organisme ou une agence chargé de l’application de la législation en valeurs mobilières d’une province. À l’heure actuelle, le Bureau n’est pas l’un des organismes auxquels CANAFE peut communiquer des renseignements désignés en vertu de la LRPCFAT.
  3. Le Bureau cherche donc à obtenir le statut de destinataire direct de renseignements financiers communiqués par CANAFE pour les raisons figurant ci-dessous.

Objectifs de la loi

  1. La LRPCFAT, qui a établi CANAFE, a pour objectif :
    1. de mettre en œuvre des mesures visant à détecter et à décourager le recyclage des produits de la criminalité (blanchiment d’argent) et le financement des activités terroristes, et à faciliter les enquêtes et les poursuites relatives à ces infractions;
    2. de combattre le crime organisé en fournissant aux responsables de l’application de la loi les renseignements leur permettant de priver les criminels du produit de leurs activités illicites, tout en protégeant le droit à la vie privée des personnes;
    3. d’aider le Canada à remplir ses engagements internationaux dans la lutte contre le crime transnational;
    4. de renforcer la capacité du Canada à prendre des mesures ciblées pour protéger son système financier et à faciliter les efforts qu’il déploie pour réduire le risque que ce système puisse servir de véhicule pour le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
  2. Les éléments d’information suivants révèlent en quoi le Bureau est bien placé pour contribuer à l’atteinte des objectifs de la LRPCFAT.

Le statut du Bureau de la concurrence en tant qu’organisme fédéral d’application de la loi

  1. Dirigé par le commissaire de la concurrence, le Bureau est un organisme fédéral indépendant responsable de l’application de la loi. Il veille à l’application des dispositions criminelles et civiles de la Loi sur la concurrence, laquelle a pour objet de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but notamment de promouvoir l’efficacité et l’adaptabilité de l’économie canadienne et d’assurer aux consommateurs des prix concurrentiels et des choix en matière de produits.
  2. Le Bureau est chargé d’enquêter sur les infractions criminelles décrites dans la Loi, y compris les fraudes par marketing de masseNote de bas de page 1 (FMM), les représentations trompeuses en ligne, les cartels (y compris les complots de fixation des prix, l’attribution des marchés et les restrictions de production) et le truquage des offres (collectivement, les « infractions »). Ces crimes constituent des types particuliers de fraudes et sont des infractions criminelles graves et punissables par mise en accusation en vertu de la Loi, la majorité d’entre eux étant passibles de peines pouvant aller jusqu’à 14 ans d’emprisonnement ou d’amendes importantes.
  3. De par leur nature, ces infractions comportent souvent une importante composante de recyclage des produits de la criminalité. L’argent obtenu par la perpétration d’une de ces infractions criminelles est, par définition, un produit de la criminalité (c.-à-d. le produit de toute infraction qui peut faire l’objet de poursuites à titre d’acte criminel au Canada). Selon l’expérience du Bureau, cet argent est souvent placé dans le système financier et blanchi afin de dissimuler sa source, avant d’être utilisé à d’autres fins sous le voile de la légitimité. Ces infractions ont une incidence directe et indirecte sur les consommateurs canadiens, soit parce qu’elles ont des répercussions sur les victimes de fraude, soit parce que les consommateurs paient plus cher pour des biens et services qu’ils ne le feraient autrement, en l’absence d’un cartel ou d’un arrangement de truquage des offres.
  4. La capacité du Bureau de décourager et de détecter ces infractions et de protéger les consommateurs, les entreprises et les organismes publics canadiens serait renforcée par l’accès aux renseignements financiers de CANAFE. Une seule communication de CANAFE peut contenir des renseignements sur plusieurs opérations connexes, lesquelles sont couramment ventilées par personne, entité ou institution où les opérations ont eu lieu, ainsi qu’un graphique illustrant le réseau d’opérations effectuées.
  5. Le fait de recevoir de tels renseignements de CANAFE pourrait aider le Bureau à établir des liens d’enquête et à relier l’argent à des FMM ou à d’autres activités criminelles, y compris les cartels, les complots de fixation des prix et le truquage des offres. Non seulement cela aurait un effet dissuasif important, mais cela permettrait aussi au Bureau de cibler les produits de la criminalité et les biens connexes (en exposant le flux de fonds et de comptes suspects) afin de maximiser son efficacité pour traduire les délinquants en justice et veiller à ce qu’ils ne tirent aucun avantage financier de leurs crimes.

Le rôle du Bureau dans la lutte contre la fraude par marketing de masse

  1. Chaque année, des milliers de Canadiens sont victimes de fraude, dont les types comprennent, sans toutefois s’y limiter, la FMM, la pratique de prix partiels, la publicité fausse ou trompeuse et les stratagèmes pyramidaux. La FMM, en particulier, cause des dommages importants à la fois aux particuliers et à l’économie canadienne en général. La Gendarmerie royale du Canada (GRC) estime que la FMM coûte aux entreprises et aux particuliers canadiens plus de 10 milliards de dollars par annéeNote de bas de page 2.
  2. En 2015, CANAFE a publié son rapport sur les tendances et les typologies intitulé Fraude par marketing de masse : Méthodes et techniques de blanchiment d’argentNote de bas de page 3 (rapport sur la FMM), qui a permis d’identifier les liens évidents entre la FMM et le blanchiment d’argent :
    « L’utilisation d’entreprises fait couramment partie des techniques et des méthodes utilisées pour blanchir les fonds générés par la fraude par marketing de masse. Elles ont servi dans presque tous les cas où les fraudeurs ont fait preuve d’un minimum de sophistication.» 
  3. Le rapport de la FMM souligne également ce qui suit :
    « Il existe plusieurs catégories de fraude par marketing de masse, et chacune comprend des caractéristiques précises pour frauder les victimes. La plupart des cas analysés pour le présent rapport concernaient des entreprises, et le secteur de l’automobile est un des principaux secteurs soupçonnés d’être utilisés pour recycler les produits de la fraude par marketing de masse. Le fractionnement et l’utilisation d’un prête-nom sont deux méthodes de blanchiment d’argent qui ont été observées par CANAFE. Alors que des institutions financières semblent être utilisées pour le recyclage présumé de fonds associés à certains stratagèmes de fraude par marketing de masse, bon nombre de ces stratagèmes semblent utiliser les entreprises de services monétaires, non seulement pour recevoir les fonds des victimes, mais également pour recycler les fonds de source illicite. Ces entités déclarantes doivent porter une attention particulière aux signes d’alerte compris dans le présent rapport, et s’assurer de signaler à CANAFE les activités douteuses de cette natureNote de bas de page 4.» 
  4. Le rapport annuel 2017 de CANAFENote de bas de page 5 souligne également le fait que les infractions de fraude constituent le plus grand nombre d’infractions principales liées à la communication de renseignements financiers par CANAFE (27 %) comparativement à l’infraction principale suivante, à savoir les drogues (20 %). Cela montre l’importance des infractions liées à la fraude dans le cadre du travail de CANAFE.
  5. Compte tenu des liens établis entre la FMM et le blanchiment d’argent, la capacité du Bureau d’enquêter et de détecter les infractions de FMM pourrait être considérablement améliorée s’il devenait un destinataire direct des communications de CANAFE. Les renseignements financiers reçus de CANAFE seraient utilisés par le Bureau, entre autres choses :
    • pour repérer les personnes et les entreprises clés au sein des organisations criminelles (FMM);
    • pour identifier de nouveaux suspects et des suspects inconnus (cibles) dans le cadre d’une enquête;
    • pour déterminer les montants des fonds générés par les systèmes de FMM et les liens entre ces fonds et d’autres entités commerciales;
    • pour cerner les méthodes de blanchiment d’argent utilisées pour cacher ou masquer la source de l’argent illicite obtenu par le biais d’un système de FMM.
  6. Bien que cette liste ne soit nullement exhaustive, elle sert à démontrer que la réception directe de renseignements de CANAFE permettrait au Bureau de mieux cibler les groupes criminels qui sont impliqués dans des activités de FMM ou d’autres stratagèmes frauduleux et de protéger les citoyens canadiens et l’économie canadienne contre les répercussions négatives de ces crimes.
  7. Une telle approche est également conforme aux objectifs de la LRPCFAT visant à répondre à la menace posée par le crime organisé (qui comprend les groupes criminels qui se livrent à la fraude pour financer d’autres activités illégales) et à aider le Canada à s’acquitter de ses obligations en matière de lutte contre la criminalité multinationale. En effet, dans son rapport susmentionné, CANAFE a reconnu que les stratagèmes de FMM provenant du Canada ont une dimension internationale manifeste :
    « La majorité des cas de fraude par marketing de masse observés par CANAFE sont commis depuis l’Ontario et le Québec et dans la quasi-totalité des cas, à partir d’une zone urbaine [...] D’après les données de CANAFE, les résidents des États-Unis sont des cibles de choix pour ce qui est de la fraude par marketing de masse basée au Canada.» 

Communication de renseignements entre CANAFE et le Bureau

  1. Comme nous l’avons déjà dit, de par leur nature même, les infractions criminelles énoncées par la Loi génèrent souvent des produits de la criminalité qui peuvent ensuite être blanchis. Bon nombre des enquêtes du Bureau portent sur des fraudes d’une valeur importante, allant de centaines de milliers à des centaines de millions de dollars. La communication de renseignements à CANAFE par la présentation de dossiers d’information volontaire (DIV) au sujet de ces enquêtes mènerait probablement à l’identification par CANAFE des opérations et des réseaux financiers pertinents qui aideraient le Bureau à faire avancer ses enquêtes.
  2. Il est important de noter que le Bureau est tenu de mener toutes les enquêtes en privé, comme le prévoit le paragraphe 10(3) de la Loi. Les dispositions de l’article 29 interdisent la communication des renseignements obtenus par le Bureau ou fournis à ce dernier dans le cadre de l’exécution de son mandat, y compris l’identité des personnes les ayant fournis et toute information susceptible de révéler leur identité.
  3. Toutefois, le paragraphe 29(1) de la Loi prévoit également des exceptions dans le cadre de la communication de renseignements à un organisme canadien chargé de l’application de la loi ou dans le cadre de l’administration ou de l’application de la Loi. Dans le cadre des relations avec des organismes, comme CANAFE, les renseignements peuvent être transmis par le Bureau, lorsqu’il le faut dans le but de confier une affaire qui ne relève pas de lui à l’organisme compétent, ou lorsque le Bureau et l’organisme collaborent dans le cadre d’une enquête. Cela inclut le transfert de renseignements qui, selon le Bureau, sont requis pour les activités d’application de la loi de l’organisme, lorsque les renseignements donnent à penser qu’une infraction criminelle pourrait être commise et, particulièrement, lorsque la sécurité ou la sûreté du public est menacée. Cela comprend également l’échange de renseignements, par l’entremise des partenaires du Bureau chargés de l’application de la loi, afin de lutter plus efficacement contre les FMM, les pratiques commerciales trompeuses, le truquage des offres et les cartelsNote de bas de page 6.
  4. L’échange de ces renseignements permettrait à CANAFE de réaliser l’un des principaux objectifs de la LRPCFAT, à savoir fournir aux responsables de l’application de la loi les renseignements dont ils ont besoin pour priver les criminels du produit de leurs activités criminelles, tout en protégeant la vie privée des personnes.
  5. De plus, le Bureau peut appuyer le mandat de CANAFE, qui consiste à contribuer à la sécurité publique des Canadiens et à protéger l’intégrité du système financier du Canada en améliorant les déclarations de renseignements financiers dans des domaines comme la FMM, étant donné qu’un pourcentage élevé des affaires criminelles du Bureau comprend des éléments liés aux produits de la criminalité et au blanchiment d’argent. Cela sert également les objectifs du Bureau en matière d’administration et d’application de la loi, à savoir la protection des consommateurs, des entreprises et des organismes publics canadiens.

Coopération en matière d’application de la loi — Partenariats nationaux et internationaux du Bureau

  1. La mondialisation des échanges commerciaux, l’essor des sociétés multinationales, la mobilité accrue des consommateurs, et maintenant la croissance rapide du commerce électronique et le développement continu des technologies de l’information et des télécommunications ont accru la nécessité pour les organismes d’application de la loi, tant à l’échelle nationale qu’internationale, de coopérer et d’échanger de l’information, le cas échéant. Pour s’acquitter de son mandat, le Bureau entretient des relations de travail étroites avec un certain nombre de partenaires clés, notamment le Centre antifraude du Canada, le dépôt central de données sur la fraude et de renseignements sur la criminalité, la FMM, la fraude sur Internet et le vol d’identité, que le Bureau gère en collaboration avec la GRC et la Police provinciale de l’Ontario.
  2. Le Bureau collabore également avec de nombreux organismes nationaux et internationaux d’application de la loi en matière criminelle, notamment la GRC, le Service de police de Toronto, les forces policières provinciales, le département de la Justice des États-Unis, le Federal Bureau of Investigation, le United States Postal Inspection Service et diverses autorités responsables de la concurrence à l’échelle mondiale.
  3. Le Bureau joue également un rôle de premier plan au sein du Groupe de travail international sur la fraude par marketing de masse, ce dernier comprenant des représentants de divers organismes internationaux d’application de la loi et d’autres organisations, y compris CANAFE, qui utilisent l’échange transfrontalier de renseignements et l’élaboration de stratégies pour lutter contre la fraude.
  4. Le statut de destinataire de communications de CANAFE permettrait au Bureau de renforcer son rôle de chef de file dans la lutte internationale contre la fraude et de travailler en collaboration avec des partenaires mondiaux afin d’accroître l’efficacité de ses activités d’application de la loi, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation des fonds illicites obtenus par des activités frauduleuses.

Conclusion

  1. Le régime de lutte contre le RPC/FAT est incontestablement important pour la protection des consommateurs et l’atténuation des risques pour le système financier. Comme il est indiqué dans le document de consultation, il est possible d’améliorer le cadre existant afin de promouvoir l’innovation et la concurrence dans le secteur des services financiers au Canada. La concurrence et l’innovation profitent en définitive aux consommateurs et aux entreprises, grâce à un plus grand choix, à une commodité accrue, à une efficacité accrue et à une baisse des coûts et des prix. Le Bureau est encouragé par l’orientation du ministère des Finances Canada et les questions posées dans le cadre de son examen du régime canadien de lutte contre le RPC/FAT. Le Bureau appuie l’approche adoptée par Finances Canada dans son document de consultation visant à encourager une meilleure concurrence et innovation dans le secteur financier tout en assurant la sécurité et l’intégrité de cette industrie essentielle.
  2. Le Bureau se réjouit à la perspective d’une plus ample concertation et collaboration avec Finances Canada pour faire avancer le dialogue en cours concernant la concurrence et l’innovation dans le secteur des services financiers.