Les professions autoréglementées — Atteindre l’équilibre entre la concurrence et la réglementation

Rapport

Le 11 décembre 2007

Table des matières

  1. Analyse économique
  2. Une réglementation efficace
  3. Comptables
  4. Avocats
  5. Optométristes
  6. Pharmaciens
  7. Agents immobiliers

 

 

 

Atteindre l'équilibre entre la concurrence et la réglementation

Bureau de la concurrence 2007

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Avant-propos

Au Canada, les professions représentent un cinquième de l'économie des services et sept p. 100 du nombre total d'heures travaillées dans le secteur des entreprises. Il est donc inquiétant de constater que dans cet important secteur de l'économie, la productivité de la main-d'œuvre canadienne est environ deux fois moins élevée qu'aux États-Unis et qu'elle se classe dans le dernier quintile de la productivité de la main-d'œuvre des industries canadiennes.

Des recherches effectuées par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) confirment l'état inquiétant du secteur canadien des services professionnels. L'OCDE a signalé cette année que pour le Canada, le meilleur instrument de croissance réside dans la productivité de la main-d'œuvre et elle a spécifiquement recommandé que le Canada favorise la concurrence au niveau des services professionnels en les réglementant moins . D'autres travaux de l'OCDE ont montré que les pays qui ont rationalisé et amélioré leurs régimes de réglementation ont nettement amélioré leur productivité.

Une bonne part du problème de productivité qui touche les professions du Canada s'explique peut-être par le fait que les organismes de réglementations ne tiennent pas compte des problèmes de la concurrence ou ne les prennent pas en compte correctement au moment de créer leurs régimes réglementaires, dans le contexte de l'économie très différente qui existe au Canada aujourd'hui.

Normalement, la concurrence qui règne dans une économie de marché est le meilleur moyen de protéger à la fois les consommateurs et les fournisseurs de services. Il est souhaitable de remplacer la concurrence par la réglementation uniquement dans le cas des marchés qui ne fonctionnent pas aussi bien qu'ils le devraient et dans le cas où les avantages de la réglementation l'emportent clairement sur les avantages de la concurrence seule. Mais même dans ce cas, la réglementation ne sera particulièrement efficace que si elle entrave le moins possible la concurrence.

La présente étude, première en son genre effectuée par le Bureau de la concurrence, examine en détail comment la réglementation influe sur la concurrence au niveau des professions autoréglementées au Canada. Il s'agit donc d'un outil précieux pour les professionnels, les acteurs de la scène politique, ceux qui élaborent les politiques et ceux qui défendent les intérêts des consommateurs. Le Bureau est particulièrement bien placé pour effectuer cette étude. À titre de promoteurs de la concurrence, nous possédons un savoir-faire considérable nous permettant d'analyser les pratiques professionnelles afin d'en cerner les éléments non concurrentiels. De plus, nous espérons que nos activités de promotion et d'application se conjugueront : si les organismes de réglementation tiennent compte des impacts concurrentiels de la réglementation, le Bureau n'aura plus à les prendre en compte au cours des enquêtes portant sur des allégations de conduite anticoncurrentielle.

J'invite les lecteurs à imaginer que les conclusions de ce rapport s'appliquent à toutes les professions. Nos recommandations, que nous prévoyons revoir dans deux ans, ne sont certainement pas une mise en accusation d'une profession ou d'une autre. Notre but est plutôt d'identifier les possibilités d'améliorer la réglementation nécessaire et d'éliminer celle qui ne l'est pas afin que les Canadiens puissent bénéficier de la meilleure combinaison de réglementation et de concurrence.

Il ne fait aucun doute que certains prétendront, à juste titre, que la concurrence doit être équilibrée en fonction d'autres objectifs, qui se situent sur le plan de la politique. Or, il me semble préoccupant que nos régimes réglementaires aient été établis sans que la concurrence ne soit correctement prise en compte.

Notre défi collectif, que nous soyons des professionnels ou des consommateurs de services professionnels, est de rendre les professions plus concurrentielles. La présente étude est un bon point de départ.

Sheridan Scott

Commissaire de la concurrence

 

 

 

Sommaire

Même si les professions occupent une partie importante de l'économie des services au Canada, peut-être jusqu'à un cinquième, elles constituent l'un des secteurs les moins productifs de l'économie. D'après le Conference Board du Canada, les services professionnels se situent dans le dernier quintile de la productivité par heure travaillée. En outre, la productivité de la main-d'œuvre dans les professions au Canada est environ égale à la moitié de celle des professions aux États-Unis. En même temps, les professions sont l'un des secteurs les plus réglementés de l'économie canadienne et la réglementation en vigueur qui vise les professions est plus restrictive au Canada que dans de nombreux États membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques .

Compte tenu du corpus considérable montrant que la réduction de la réglementation améliore la concurrence et, par conséquent, la productivité, il est raisonnable de demander si et comment il serait possible de moins réglementer les services professionnels au Canada. Le Bureau de la concurrence est particulièrement bien placé pour répondre à cette question puisque l'une de ses principales responsabilités consiste à promouvoir la concurrence au Canada. À plusieurs reprises, le Bureau a conseillé les organismes de réglementation canadiens sur la manière d'améliorer leur approche à l'égard de la réglementation pour saisir les avantages de la concurrence. Le Bureau a aussi une expérience considérable des enquêtes sur le comportement anti-concurrentiel dans le secteur des services professionnels.

Les cinq groupes de professionnels—comptables, avocats, optométristes, pharmaciens et agents immobiliers—que le Bureau a choisis pour cette étude des professions autoréglementées au Canada sont vitaux pour l'économie canadienne et très importants pour les Canadiens, au quotidien. L'accès à des services professionnels de pointe, innovateurs et concurrentiels est essentiel pour les Canadiens et pour les entreprises. Ces professions influent sur le coût de nombreux autres services, ainsi que sur la plupart des biens, notamment sur les biens les plus fondamentaux.

Ces professions sont aussi autoréglementées, ce qui signifie qu'elles disposent de certains pouvoirs que les gouvernements sont normalement les seuls à détenir. Les organisations qui reçoivent des pouvoirs d'autoréglementation peuvent donc mettre en place des restrictions qui ont force de loi. En même temps, ces organisations peuvent avoir des préoccupations et des intérêts contradictoires—les leurs et ceux du public. C'est pourquoi il faut veiller à ce que la concurrence, dont profitent à la fois les professionnels et les consommateurs, soit protégée.

Le Bureau a sélectionné ces groupes particuliers de professionnels d'après le volume de commerce ainsi que d'après le volume des plaintes qu'il a reçues à l'égard d'un comportement anticoncurrentiel dans ces professions de la part du public et de la part des membres des professions, ce qui lui a donné de bonnes raisons de croire que la réglementation existante limite trop la concurrence. Toutefois, les conclusions du Bureau peuvent s'appliquer à d'autres professions puisqu'il est raisonnable de s'attendre à ce que le type de réglementation appliquée à ces professions existe de manière générale dans d'autres professions.

Concurrence et réglementation

La concurrence est généralement le meilleur moyen de veiller à ce que les consommateurs aient accès à la plus vaste gamme de services aux prix les plus compétitifs et à ce que les producteurs soient incités à réduire leurs coûts le plus possible ainsi qu'à répondre à la demande des consommateurs . Toutefois, les marchés de services professionnels sont caractérisés par des qualités particulières pouvant justifier une forme quelconque de réglementation pour protéger les consommateurs et pour assurer la qualité des services . En même temps, il est possible d'invoquer des arguments économiques probants selon lesquels la réglementation peut avoir pour effet de limiter sérieusement la concurrence, empêchant ainsi les consommateurs de profiter des nombreux avantages d'un environnement concurrentiel.

Le Bureau de la concurrence ne préconise pas aveuglément la concurrence au détriment de tout autre objectif. En effet, il peut exister des facteurs légitimement dans l'intérêt public, à part l'affectation efficiente des ressources. Le Bureau prétend toutefois que pour être efficaces, les décisions réglementaires doivent être pleinement informées, compte tenu des nombreux impacts directs ou indirects qu'elles peuvent avoir sur les consommateurs en réduisant la concurrence. Une réglementation excessive ou qui restreint la concurrence par rapport à une solution de rechange tout aussi efficace se traduit par des coûts élevés et devrait être éliminée ou modifiée.

Il s'agit d'un message important pour toutes les professions. Les organismes de réglementation—y compris les gouvernements des provinces et des territoires, ainsi que les organismes autoréglementés—doivent évaluer les décisions réglementaires d'après une analyse équilibrée, factuelle, en tenant compte de nombreuses voies suivant par lesquelles la réglementation peut être utile ou nuisible aux consommateurs de services professionnels. À cette fin, la structure de gouvernance de chaque profession doit assurer une vaste représentation. Le Bureau a l'espoir que cette étude fera mieux connaître l'impact de la réglementation des services professionnels sur la concurrence et qu'elle donnera lieu à de vastes délibérations entre les organismes de réglementation quant aux effets—favorables ou non—de la réglementation.

Constatations et recommandations

La présente étude est la première tentative du Bureau visant à repérer des restrictions potentiellement inutiles et anticoncurrentielles qui existent au sein d'un groupe représentatif de professions autoréglementées et qui pourraient exister aussi dans d'autres professions (les exemples qui suivent ne font qu'évoquer les constatations du Bureau. Les chapitres 3 à 7 contiennent toutes les recommandations). Les recommandations du Bureau ne sont pas fondées sur la constatation d'actes répréhensibles ; elles visent plutôt à signaler aux organismes de réglementation des occasions à saisir.

Restrictions visant l'accès à la profession

La plupart des professions exigent des qualifications substantielles, ainsi qu'une formation continue. Le Bureau a constaté que ces qualifications sont parfois remarquablement inégales à l'échelle du Canada.

En général, le Bureau est favorable à ce qu'il y ait des conditions d'entrée pour assurer la qualité des services professionnels. Cependant, toute augmentation proposée des qualifications exigées devraient correspondre au minimum raisonnable pour assurer la protection des consommateurs. De plus, les provinces ou territoires où les normes sont plus rigoureuses qu'ailleurs devraient examiner les résultats obtenus avec une réglementation moins lourde au moment de définir le niveau de qualification qui constitue le minimum nécessaire.

Le Bureau a trouvé intéressant que l'autorité qui accrédite tous les programmes de doctorat en optométrie au Canada et aux États-Unis est l'Accreditation Council on Optometric Education des États-Unis, presque entièrement constitué de membres de l'American Optometric Association. Le Bureau est d'avis que les politiques d'accréditation de l'ACOE risquent d'être élaborées et d'évoluer en fonction de l'offre et de la demande aux États-Unis, qui ne sont pas nécessairement les mêmes qu'au Canada. C'est pourquoi les écoles d'optométrie provinciales ou territoriales devraient envisager des moyens de veiller à ce que l'offre et la demande canadiennes soient prises en compte dans l'élaboration des politiques d'accréditation.

Le Bureau a aussi examiné diverses études empiriques des effets des restrictions visant l'accès au marché sur les prix et la qualité des services professionnels. En général, ces études ont permis de constater que le revenu des membres des professions dont l'accès est restreint est plus élevé que celui des professionnels qui ne font face à aucune restriction. L'effet sur la qualité n'est pas clair.

Restrictions visant la mobilité

En général, les professions vont dans la bonne direction en ce qui concerne la mobilité interprovinciale et internationale. Dans le cas de chacune des professions, la majorité des provinces avaient signé une entente de reconnaissance mutuelle pour éliminer les obstacles inutiles à la mobilité des professionnels qualifiés et pour définir les conditions dans lesquelles des professionnels enregistrés ou détenant un permis à un endroit peuvent obtenir la reconnaissance de leur qualifications ailleurs. D'autres travaux peuvent être faits pour rallier toutes les provinces et tous les territoires canadiens afin d'élaborer de solides mécanismes de traitement des différends et pour mettre en œuvre ces ententes uniformément.

La plupart des professions ont recours à divers mécanismes pour évaluer les qualifications des professionnels étrangers qui souhaitent faire reconnaître leurs titres de compétences au Canada. Ces mécanismes prennent souvent la forme d'une évaluation des qualifications éducationnelles ou professionnelles de base par les organisations nationales, au nom des provinces et des territoires. Toutefois, dans le cas de la profession de pharmacien au Canada, on ne fait appel à aucun de ces mécanismes et on compte plutôt sur chaque province pour établir ses propres critères d'évaluation et d'entrée, ainsi que le mécanisme d'évaluation. Comme les rôles et responsabilités des pharmaciens sont essentiellement les mêmes à l'échelle du Canada, la variation des exigences d'admission des pharmaciens formés à l'étranger ne s'explique pas. Dans les provinces ou territoires où les exigences sont plus rigoureuses que nécessaire, le coût d'accès à la profession est inutilement élevé ce qui fait en sorte que le nombre de professionnels formés à l'étranger qui demandent à devenir pharmaciens est moins élevé.

Restrictions visant le chevauchement de services et le champ d'activité

Le Bureau a trouvé un certain nombre de cas où des professionnels offrant des services qui se chevauchent demandent à ce que leur champ d'activité soit élargi à au moins une activité qui se situe actuellement au-delà de ce qui leur est autorisé. Les organismes de réglementation devraient procéder à une évaluation approfondie de l'effet global de toute proposition d'expansion. Une telle évaluation complète devrait tenir compte des coûts potentiels sur le plan de la sécurité publique et des avantages potentiels qui se traduiraient par des prix plus bas, plus de choix et un meilleur accès des consommateurs aux services professionnels.

Par exemple, le Bureau a appris que les titulaires de certaines désignations comptables dans certaines provinces canadiennes ne sont pas autorisés à offrir toute la gamme des services de comptabilité publique. Ces restrictions limitent le nombre de comptables pouvant offrir cet important service, ce qui limite la concurrence. Le Bureau recommande que les organismes de réglementation revoient ces restrictions pour que tous les comptables qualifiés puissent offrir des services de comptabilité publique.

Restrictions visant la publicité

Le Bureau a relevé de nombreuses restrictions qui semblent superflues pour protéger les consommateurs de la publicité fausse ou trompeuse et qui limitent par conséquent l'accès des consommateurs à de l'information légitime, très utile à la concurrence. Parmi ces restrictions, signalons celles qui limitent l'emploi de certains mots et expressions ainsi que la taille des annonces. Le Bureau est particulièrement préoccupé par les restrictions visant la publicité comparative. De telles restrictions nuisent à la concurrence entre les fournisseurs de service et font qu'il est difficile pour les nouveaux arrivants d'annoncer des caractéristiques qui distinguent les services qu'ils offrent,protégeant ainsi les titulaires du libre jeu de la concurrence.

Le Bureau a constaté qu'il existe de telles restrictions pour les avocats un peu partout au Canada. En éliminant ces restrictions, on rendrait la profession beaucoup plus concurrentielle. De plus, le Bureau recommande que les organismes de réglementation de toutes les professions passent en revue les restrictions qui visent la publicité et qu'ils éliminent tout ce qui ne sert pas à interdire la publicité fausse ou trompeuse.

Le Bureau a aussi examiné des études empiriques au sujet de l'effet des restrictions visant la publicité sur le prix et la qualité des services professionnels. En général, ces études ont permis de constater que les restrictions visant la publicité font augmenter le prix des services professionnels, qu'elles font augmenter le revenu des professionnels et entravent l'entrée de certains types d'entreprises. L'effet sur la qualité est faible, sauf que les restrictions peuvent se traduire par un nombre plus faible de consommateurs faisant appel au service.

Restrictions visant la tarification et la rémunération

Certains organismes de réglementation publient des guides de tarification qu'ils prétendent non contraignants. Ces guides de tarification, qui sont purement de nature volontaire même s'ils sont sans aucun doute préférables à toute directive obligatoire, restent une source de malaise du point de vue de la concurrence, car ils risquent de faciliter une collusion ouverte ou tacite. Compte tenu de l'effet négatif de la collusion sur le bien-être des consommateurs, le Bureau demande instamment aux organismes de réglementation d'envisager des moyens moins intrusifs que les guides de tarification pour donner aux consommateurs l'information dont ils ont besoin au sujet des prix. En outre, les organismes de réglementation devraient veiller à ce que les prix maximum qu'ils établissent ne servent pas en pratique de prix fixes.

En ce qui concerne l'immobilier, dans toutes les provinces et les territoires sauf au Québec, la rémunération des agents est limitée ou bien à un montant fixe ou bien à un pourcentage du prix de vente. L'Ontario va encore plus loin et se sert de l'expression mais non les deux dans sa restriction, ce qui signifie que les agents immobiliers ne peuvent pas, par exemple, demander un montant fixe pour leur travail initial en plus d'un pourcentage du prix de vente de la propriété. Cette restriction interdit la double rémunération, soit un type d'honoraires auquel on pourrait s'attendre sur un marché immobilier concurrentiel où il faut généralement accomplir une quantité fixe de travail, mais où tout le reste est incertain. Cette approche empêche ce qui serait autrement un arrangement de rémunération parfaitement acceptable qui devrait stimuler la concurrence entre agents en les incitant à travailler pour obtenir un prix plus élevé pour leurs clients tout en s'assurant d'être rémunérés équitablement pour leur travail préparatoire.

Restrictions visant la structure opérationnelle

Le Bureau est d'avis que certaines restrictions visant la structure opérationnelle, notamment les restrictions visant les pratiques multidisciplinaires entre fournisseurs de services complémentaires, peuvent réduire de beaucoup les avantages de la concurrence.

Les avocats et les comptables publics, par exemple, semblent être des compléments naturels les uns des autres au niveau des services qu'ils offrent. En travaillant ensemble, ils seraient aussi en mesure d'être plus efficients. Toutefois, le Bureau a mis au jour certaines restrictions dans certaines provinces qui interdisent aux membres de ces professions de travailler ensemble ou avec d'autres professionnels dans des pratiques multidisciplinaires, ou les en dissuadent.

Les professions justifient les restrictions imposées aux pratiques multidisciplinaires comme des moyens d'empêcher les conflits d'intérêts éventuels, ce qui est louable. Toutefois, le Bureau recommande que les organismes de réglementation envisagent des mécanismes moins intrusifs qu'une interdiction unilatérale des pratiques multidisciplinaire pour éviter les conflits d'intérêt, par exemple en exigeant que tous les participants à des relations de collaboration respectent des règles de conduite analogues.

Conclusion

Un examen de la concurrence dans les professions autoréglementées est toujours un exercice légitime puisque le droit à l'autoréglementation est lié à la responsabilité des organismes de réglementation de prendre en compte le bien commun dans toutes leurs interventions, y compris au niveau de la concurrence.

Les professions en général, et celles dont il est question ici, font face à une multitude d'occasions de profiter de la concurrence. Les avantages qui en découleront profiteront non seulement aux professions, mais aussi, ce qui est peut-être plus important, au Canada et aux Canadiens. Cette étude n'est donc qu'un point de départ. Il revient aux organismes de réglementation de poursuivre sur cette voie. Pour sa part, le Bureau de la concurrence prévoit réexaminer la situation dans deux ans pour voir si les professions ont donné suite aux recommandations formulées dans la présente étude.

 

 

 

Introduction

C'est à titre de promoteur de la concurrence que le Bureau de la concurrence s'est lancé dans cette étude des professions autoréglementées c'est-à-dire les professions régies en partie par le gouvernement et en partie par des organisations ayant reçu des pouvoirs d'autoréglementation. Cette étude vise à déterminer quelles sont les restrictions à l'accès qui sont imposées aux membres éventuels de ces professions autoréglementées et comment les personnes déjà membres exercent leur profession d'une façon qui pourrait nuire inutilement à la concurrence. Le Bureau espère aussi contribuer à la discussion sur le meilleur moyen de réglementer ces professions, et d'autres professions, d'une manière qui procure à la fois les avantages de la réglementation et ceux de la concurrence.

L'étude ne vise pas à insister pour que les professions se déréglementent. Elle vise plutôt à promouvoir une réglementation solide, efficace, en utilisant une analyse de la concurrence, pour ce secteur vital de l'économie. Ainsi, le Bureau invite les organismes de réglementation à savoir les gouvernements des provinces et des territoires, ainsi que les organisations autoréglementées à tenir compte de la concurrence au moment de formuler, d'édicter et de revoir la réglementation, les règles et les politiques.

Première tentative visant à déterminer ce qui nuit à la concurrence dans les professions autoréglementées, l'étude se concentre sur cinq groupes de professionnels : comptables, avocats, optométristes, pharmaciens et agents immobiliers. Ce choix ne signifie aucunement qu'il s'agit nécessairement des professions les plus réglementées. Le Bureau a plutôt choisi ces groupes d'après le volume de commerce et le volume des plaintes à l'égard d'un comportement anticoncurrentiel, de la part du public et de la part de la profession, ce qui lui a donné une bonne raison de croire que la réglementation existante pourrait être à l'origine de ce comportement anticoncurrentiel. Les constatations du Bureau peuvent toutefois s'appliquer à d'autres professions puisqu'on peut raisonnablement s'attendre à ce que le type de réglementation applicable à ces professions existe généralement dans le cas d'autres professions ayant des pouvoirs d'autoréglementation.

Le Bureau a approché cette étude, non pas comme un observateur impartial, mais comme promoteur de la concurrence et du libre jeu du marché, dans la mesure du possible. Le Bureau est en faveur de la réglementation seulement lorsqu'elle est nécessaire et seulement avec le minimum nécessaire pour atteindre des objectifs d'ordre politique. L'étude repose sur la conviction du Bureau que la concurrence est généralement le meilleur moyen de veiller à ce que les consommateurs profitent de produits peu coûteux, diversifiés et des nombreux autres avantages d'un paysage dynamique, concurrentiel.

Importance des professions pour les Canadiens

À titre de fournisseurs de services très importants pour le public canadien, les cinq professions sur lesquelles porte l'étude jouent un rôle majeur dans la société et dans l'économie. Dans un monde de plus en plus intégré et qui bouge rapidement, il est de plus en plus important d'avoir accès à des professionnels perfectionnés, innovateurs et compétitifs; les consommateurs et les entreprises clientes dépendent beaucoup d'eux, tous les jours. En fait, de nombreux services professionnels sont au c“ur de l'économie actuelle, fondée sur la connaissance, ce qui signifie que la réussite des professions fait partie intégrante de la réussite de l'ensemble de l'économie canadienne.

Les professions influent sur le coût de nombreux autres services, ainsi que sur la plupart des biens, y compris celui des biens de consommation essentiels. Le prix des légumes et des céréales pour petit déjeuner que les consommateurs achètent au magasin d'alimentation comprend par exemple le coût des services juridiques, comptables et immobiliers de la chaîne d'alimentation. Si la chaîne offre à ses employés une assurance-médicaments ou pour les soins de la vue, le prix des produits qu'elle vend dépendra de ce que lui coûte cette couverture.

Il est difficile de quantifier la contribution des services professionnels pour l'économie canadienne. Voici toutefois certaines indications de leur importance. Par exemple, un professeur de l'Université du Minnesota estime qu'en 2000, aux États-Unis, 20 p. 100 des travailleurs occupaient des postes assortis d'une forme quelconque de permis délivré par l'État, comparativement à cinq p. 100 dans les années 1950. Compte tenu des exigences des gouvernements locaux et fédéral, peut-être trois personnes sur dix aux É.-U. doivent détenir un permis pour travailler. Il est difficile d'obtenir des données parallèles pour le Canada, mais il est raisonnable de supposer que la situation serait analogue, sans être aussi saisissante, puisque certaines occupations incluses dans la recherche de ce professeur ne sont pas considérées comme des professions autoréglementées au Canada Note de bas de page 1. D'après un récent rapport du Conference Board du Canada, toutefois, les services professionnels comptent pour environ sept p.  100 du nombre total d'heures travaillées dans le secteur opérationnel au Canada en 2004 Note de bas de page 2.

Compte tenu de l'importance des professions au Canada, il est inquiétant de constater qu'elles constituent l'un des secteurs les moins productifs de l'ensemble de l'économie. D'après le Conference Board, les services professionnels se classent dans le dernier quintile pour ce qui est de la productivité par heure travaillée. De plus, la productivité de la main-d'œuvre dans les professions au Canada est à peu près moitié moins élevée que celle des professions aux États-Unis Note de bas de page 3. Par ailleurs, les professions sont l'un des secteurs les plus réglementés de l'économie canadienne et la réglementation appliquée aux professions est plus restrictive au Canada que dans de nombreux autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques ( OCDE ) Note de bas de page 4.

Rôle de la réglementation

Au Canada, les services professionnels sont souvent régis par une réglementation considérable la réglementation directe du gouvernement et les règles que les organisations autoréglementées imposent à leurs membres Les associations de commerce peuvent aussi jouer un rôle au niveau de la régie; toutefois, comme elles n'ont pas le pouvoir direct de réglementer, elles se situent en dehors de la portée de la présente étude.

La réglementation des professions sert principalement à protéger les consommateurs de ces services, et le grand public, au cas où des facteurs empêcheraient le marché de fonctionner de manière aussi efficiente qu'il le devrait (voir le chapitre 1 qui contient un examen approfondi de la théorie économique sur laquelle repose la réglementation et son effet sur la concurrence).

Même si la nature et la rigueur de la réglementation varient d'une profession à l'autre, en définitive, la concurrence ne s'est jamais totalement exercée sur les professions comme c'est le cas dans d'autres secteurs de l'économie, ce qui limite à de nombreux égards les avantages d'un environnement concurrentiel pour les consommateurs.

Les restrictions réglementaires qui risquent le plus de nuire à la concurrence sont les restrictions imposées à l'entrée sur le marché, y compris les restrictions de l'accès à la profession, la mobilité, le chevauchement des services et champ d'activité, les restrictions de conduite sur le marché, y compris les règles de publicité, de tarification et de rémunération, ainsi que la structure opérationnelle.

Même si des normes de qualité suffisantes peuvent améliorer l'efficience et l'efficacité des marchés des services professionnels, les professionnels doivent être déchargés de la réglementation inefficace, inutile et désuète. Ainsi, les professionnels pourront se servir à fond de leurs qualifications et déployer les compétences vitales sur des marchés dynamiques, efficients et concurrentiels. Conséquemment, le Canada sera ainsi bien placé pour profiter des nombreux avantages de l'économie du savoir (voir le chapitre 2 au sujet d'une réglementation plus efficace).

En outre, comme tout semble indiquer que la réduction de la réglementation améliore la productivité, il est raisonnable de demander si et comment les services professionnels peuvent être moins réglementés au Canada Note de bas de page 5.

Recherche

Le Bureau de la concurrence a procédé à des recherches extensives sur cinq groupes de professionnels en sollicitant la contribution des organismes provinciaux ou territoriaux de réglementation dans un questionnaire facultatif (voir l'appendice 1) et en examinant les restrictions existantes (qui se trouvent dans la législation, la réglementation, les politiques, les codes de conduite et d'autres instruments), en tenant des consultations de suivi sur les résultats et en procédant à des recherches indépendantes (voir l'appendice 2 qui contient la liste complète des organismes de réglementation, des organisations autoréglementées et d'autres organisations qui ont participé à diverses étapes de la recherche). En raison du grand volume d'information recueillie, le rapport ne souligne que certaines restrictions choisies dans diverses provinces ou territoires pour illustrer des problèmes éventuels de concurrence.

Dans le questionnaire et au cours des consultations subséquentes, le Bureau s'est efforcé d'être exact. Sachant que les restrictions ne s'exercent pas toujours comme elles sont rédigées dans la réglementation, le Bureau a travaillé avec l'information dont il disposait. Même si le Bureau comptait beaucoup sur l'information reçue dans les questionnaires et au cours des consultations, les points de vue et les recommandations contenus dans le présent rapport sont ceux du Bureau.

Pour compléter son propre vaste savoir-faire dans le domaine de l'économie de la concurrence, le Bureau a aussi demandé l'aide et les avis d'économistes experts pour analyser les effets anticoncurrentiels ou liés à l'efficience, que pourrait avoir la réglementation imposée par les organismes de réglementation.

Structure de l'étude

L'étude comprend sept chapitres. Dans le chapitre 1, l'analyse économique guide une discussion théorique au sujet de la justification de la réglementation des professions et expose le type de restrictions qui peuvent nuire à la concurrence. Les arguments économiques pour et contre la réglementation sont pris ensemble de façon à faire valoir la nécessité pour les décideurs de trouver un juste équilibre entre les avantages pour le public des restrictions et l'effet anticoncurrentiel potentiel.

Le chapitre 2 contient des recommandations globales relatives à la formulation de la réglementation optimale. En particulier, le Bureau pose six principes directeurs pour faciliter l'élaboration d'une réglementation solide, efficiente, qui maximisera le bien-être des consommateurs grâce à la concurrence, tout en respectant les objectifs de la politique. Ce chapitre se termine par une brève discussion sur la manière d'intégrer une évaluation de l'impact sur la concurrence dans la formulation ou la modification de la réglementation.

Les chapitres 3 à 7 traitent des restrictions existantes dans le cas des cinq groupes de professionnels autoréglementés visés par l'étude : comptables, avocats, optométristes, pharmaciens et agents immobiliers, respectivement. Le Bureau a défini six catégories de restrictions qui risquent le plus de nuire à la concurrence : restrictions de l'accès à la profession, mobilité, chevauchement de services et champ d'activité, publicité, tarification et rémunération, et structure du travail. Des détails sur les restrictions problématiques, notamment une quelconque raison dont le Bureau a pris connaissance ou qui lui a été signalée, et la manière dont elles pourraient réduire la concurrence, sont accompagnés de recommandations relatives à un examen et, au besoin, à l'élimination ou au remplacement par des solutions de rechange moins intrusives. L'appendice 3 contient la liste complète des recommandations.

Les réponses données dans le questionnaire et les mémoires présentés lors des consultations mentionnés dans les chapitres 3 à 7 sont archivées au Bureau de la concurrence. Les adresses des sites Web mentionnés dans l'étude étaient exactes à la mi-octobre 2007.